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Communiqués et dossiers de presse

On a tous en nous quelque chose de Néandertal, sauf…

09 Juin 2017 | Par INSERM (Salle de presse) | Biologie cellulaire, développement et évolution

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Une étude menée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Irset « Institut de recherche en santé, environnement et travail »[1] montre que la sélection naturelle a « purgé » de notre organisme l’essentiel des traces de nos lointains cousins Néandertal et Dénisovien dans les gènes responsables du brassage génétique indispensable à la reproduction. Les chercheurs démontrent, en effet, que les gènes exprimés au cours de la méiose dans les cellules à l’origine des gamètes sexuels sont fortement dépourvus de variations génétiques d’origine néandertalienne issues du croisement entre Homo sapiens et Homo neandertalis. Ces résultats sont publiés dans Molecular Biology and Evolution.

Une question taraude les paléontologues depuis des décennies concernant les cousins de l’Homme moderne aujourd’hui disparus, les hommes de Néandertal et de Dénisova : Quelle a été la nature des interactions entre l’Homme moderne et les autres espèces du genre Homo aujourd’hui éteintes ?

En effet, il y a des centaines de milliers d’années, les migrations humaines de l’Afrique vers les autres continents se sont succédé, ce qui a conduit à la coexistence en Eurasie d’Homo sapiens avec diverses autres espèces du genre Homo aujourd’hui disparues. En 2014, le séquençage du génome d’un Néandertalien a été rendu possible par la découverte de fragments d’os dans lesquels il restait de l’ADN. L’émergence très récente de la paléogénomique a permis d’établir que 1 à 3% du génome des Eurasiens actuels sont hérités des néandertaliens, alors que 3 à 6% du génome des Océaniens sont hérités d’un autre cousin ancestral, les dénisoviens. Les femmes et les hommes qui peuplent la planète aujourd’hui sont issus de ces nombreux métissages fondamentaux qui ont permis l’expansion des populations humaines grâce à l’acquisition de caractères favorables aux adaptations climatiques et environnementales.

Toutefois, une particularité étonnante est récemment apparue : les variations génétiques héritées des métissages avec ces espèces disparues ne sont pas réparties de manière égale sur les chromosomes. C’est ainsi que l’équipe du Pr. David Reich a démontré que ces variations génétiques « archaïques » étaient très peu présentes sur les gènes exprimés spécifiquement dans le testicule de l’Homme moderne.

D’où la question clef adressée dans leur étude par les chercheurs rennais : au sein du testicule et de l’ovaire, à quelles fonctions précises sont assignés ces gènes appauvris en variations génétiques néandertaliennes et dénisoviennes ?

C’est pour répondre à cette question que les chercheurs de l’Inserm ont comparé les gènes présents dans les différents types cellulaires du testicule (cellules de la lignée germinale, cellules de Sertoli, cellules de Leydig etc.).

Les résultats obtenus montrent que seuls les gènes exprimés spécifiquement lors du processus à l’origine du brassage génétique, appelé méiose, sont très fortement appauvris en allèles ancestraux d’origine néandertalienne et dénisovienne. Les conclusions se sont avérées identiques lors de l’étude des cellules germinales présentes dans les ovaires fœtaux humains. La méiose étant un processus unique et fondamental de la spermatogenèse et de l’oogenèse, la sélection naturelle a donc « purgé » de notre patrimoine génétique les variations génétiques qui auraient pu nuire à son bon déroulement et donc s’avérer délétères pour la perpétuation de notre espèce.

Pour Frédéric Chalmel et Bernard Jégou, les coordinateurs de cette étude, celle-ci indique que « bien que le brassage génétique entre les Hommes modernes et ces hominines disparus nous ait permis d’acquérir de nouveaux traits adaptatifs importants pour notre survie, elle a probablement eu un impact négatif sur la fertilité des premiers hybrides. C’est sûrement pourquoi, les gènes impliqués dans la méiose, un processus biologique particulièrement sensible, ont été purgés de variations génétiques archaïques. Ce travail est la première étude de paléo-fertilité et est susceptible de révéler des processus évolutifs impliqués dans certains cas d’infertilités rencontrés de nos jours ».

[1] Institut de recherche en santé, environnement et travail ; Inserm ; Ecole des hautes études en santé publique, Université de Rennes 1.

Contacts
Contact Chercheur
Frédéric Chalmel & Bernard Jégou Unité Inserm 1085 "Institut de recherche en santé, environnement et travail" rf.mresni@lemlahc.cirederf, rf.mresni@uogej.dranreb   Tel : +02 23 23 73 27
Sources
Meiotic genes are enriched in regions of reduced archaic ancestry
Bernard Jégou1,2,¤, Sriram Sankararaman3,4, Antoine D. Rolland1, David Reich5,6,7, Frédéric Chalmel1,¤   1Inserm U1085-IRSET, Université de Rennes 1, 9 Avenue du Professeur Léon-Bernard, F-35000 Rennes, France. 2EHESP - School of Public Health, 9 Avenue du Professeur Léon-Bernard, F-35000 Rennes, France. 3Department of Computer Science, UCLA 4Department of Human Genetics, UCLA 5Department of Genetics, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts 02115, USA. 6Broad Institute of Harvard and MIT, Cambridge, Massachusetts 02142, USA. 7Howard Hughes Medical Institute, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts 02115, USA. ¤These authors contributed equally to this work  
 
Molecular Biology and Evolution http://dx.doi.org/10.1093/molbev/msx141  
 
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