Contact Chercheur
Anne BlangyDirectrice de recherche - CNRS
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La plupart des traitements actuels contre la perte osseuse pathologique suppriment les ostéoclastes, les cellules destructrices de l’os, afin de limiter la dégradation osseuse. Toutefois, ils empêchent également la formation osseuse, celle-ci étant stimulée par la présence des ostéoclastes. Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et des universités de Montpellier et de Jean Monnet – Saint-Etienne[1] ont développé une nouvelle approche afin d’empêcher l’activité des ostéoclastes sans affecter leur viabilité. Cette dernière consiste à désorganiser le système d’ancrage sur l’os des ostéoclastes, à l’aide d’un petit composé chimique, C21. Ce traitement innovant permet de protéger les souris de la perte osseuse caractéristique de maladies ostéolytiques[2] comme l’ostéoporose post-ménopausique, la polyarthrite rhumatoïde et les métastases osseuses, ceci sans que la formation osseuse soit affectée. Ces travaux sont publiés le 3 février 2015 dans Nature communications.
Culture d’ostéoclastes – Culture in vitro d’ostéoclastes sur un substrat osseux, avec des cellules médullaires (moelle osseuse). © Inserm/Boivin, Georges
L’os est un tissu très dynamique, se détruisant et se reconstruisant en permanence. Ce dynamisme est assuré grâce à une bonne coordination entre les cellules qui détruisent le « vieil » os, les ostéoclastes, et celles qui le reconstruisent, les ostéoblastes. Dans le cas de certaines maladies, la destruction de l’os par les ostéoclastes prend le dessus sur la formation osseuse par les ostéoblastes. L’enjeu pour les chercheurs est donc de contrôler l’activité des ostéoclastes pour éviter une trop grande destruction de l’os conduisant à l’ostéoporose. Or, l’activité des ostéoblastes est stimulée par la présence des ostéoclastes. Il est donc essentiel de trouver des traitements contre l’ostéoporose qui empêchent l’activité des ostéoclastes sans affecter leur viabilité.Pour détruire l’os, les ostéoclastes utilisent des structures cellulaires particulières, les podosomes, organisés en anneau grâce au cytosquelette d’actine. Ces derniers agissent comme des « boutons pressions » entre l’os et l’ostéoclaste en formant une « ventouse » au sein de laquelle l’os est dégradé. Les chercheurs ont démontré que le facteur d’échange[3] Dock5 active une petite enzyme, la GTPase Rac, pour organiser le cytosquelette d’actine et permettre la formation de l’anneau de podosomes. En utilisant plusieurs modèles de souris présentant différentes situations de perte osseuse pathologique (ostéoporose post-ménopausique, polyarthrite rhumatoïde et métastases osseuses), les scientifiques ont révélé que l’administration d’un composé synthétique nommé C21, qui inhibe Dock5, empêche l’activité des ostéoclastes en bloquant l’effet « ventouse » qui leur permet de dégrader l’os. Les ostéoclastes restant présents, le maintien de la formation osseuse pendant le traitement est assuré.
Ces résultats valident ainsi, chez la souris, l’inhibition pharmacologique de Dock5 comme une nouvelle voie thérapeutique. Les chercheurs souhaitent désormais développer de nouveaux composés inhibiteurs de Dock5, autres que C21, afin de continuer à lutter contre les maladies ostéolytiques tout en préservant la formation osseuse.
[2] Maladies liées à la destruction du tissu osseux.
[3] Protéine impliquée dans la cascade de réaction qui permet d’activer l’enzyme GTPase.