Une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigés par Cyril Herry (Unité Inserm 862 “Neurocentre magendie” à Bordeaux) vient de montrer que des interneurones situés dans le cerveau antérieur au niveau du cortex préfrontal sont fortement impliqués dans le contrôle des réponses de peur. En utilisant une approche combinant des enregistrements in-vivo et des manipulations optogénétiques chez la souris, les chercheurs sont parvenus à montrer que l’inhibition des interneurones préfrontaux exprimant la parvalbumine déclenche une réaction en chaine aboutissant à un comportement de peur. A l’inverse l’activation de ces interneurones parvalbumine diminue significativement les réponses de peur chez le rongeur.
Ces travaux sont publiés dans la revue Nature.
Certains évènements traumatiques peuvent être à l’origine du développement de pathologies sévères telles que les troubles anxieux ou encore le syndrome de stress post traumatique (SSPT).
Malgré les traitements thérapeutiques, certains patients rechutent et les symptômes originaux réapparaissent au cours du temps (peur de la foule, cauchemars récurrents, etc…). Comprendre les structures et les mécanismes neuronaux impliqués dans cette récupération spontanée des réponses traumatiques est essentiel.
Toutes les observations des chercheurs indiquent que les comportements de peur sont réglés à l’avant du cerveau au niveau du cortex préfrontal moyen dorsal. Ce contrôle du comportement de peur repose sur l’activation de neurones dans le cortex préfrontal qui contactent des zones spécifiques au niveau de l’amygdale.
Régions composant le système cérébral d’évaluation : le cortex préfrontal ventromédian (bleu), le striatum (rouge), l’hippocampe (mauve) et le cortex cingulaire postérieur (vert).
© Inserm
En utilisant une approche innovante combinant des techniques d’enregistrements électrophysiologiques, des manipulations optogénétiques ainsi que des approches comportementales, les chercheurs ont pu démontrer que l’expression de peur est liée à l’inhibition d’interneurones bien spécifiques : les interneurones préfrontaux exprimant la parvalbumine.
En détail, l’inhibition de leur activité désinhibe celles des neurones de projection préfrontaux et synchronise leur action.
La synchronisation de l’activité des différents réseaux de neurones dans le cerveau est un processus fondamental pour transmettre des informations précises et déclencher les réponses comportementales adéquates. Bien que cette synchronisation ait été démontrée pour être cruciale pour les processus sensoriels, moteurs et cognitifs, elle n’avait pas encore été examinée au niveau de circuits impliqués dans le contrôle des comportements émotionnels.
“Nos résultats identifient deux mécanismes neuronaux complémentaires médiés par ces interneurones spécifiques et qui précisément coordonnent et améliorent l’activité neuronale de neurones de projection préfrontaux pour conduire à l’expression de peur” explique Cyril Herry.
L’identification et la meilleure compréhension de ces circuits neuronaux contrôlant le comportement de peur devrait permettre le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques pour des pathologies telles que le syndrome de stress post-traumatiques et les troubles anxieux. “Nous pourrions par exemple imaginer développer des marqueurs particuliers de ces neurones spécifiques ou encore utiliser des approches de stimulation transmagnétiques pour agir directement sur les cellules excitatrices ou inhibitrices et inverser les phénomènes.”
Comment analyser la peur chez un animal ?
D’un point de vue expérimental, la procédure de conditionnement Pavlovien classique consiste à associer un stimulus tel qu’un son, à un autre stimulus désagréable : par exemple un choc électrique léger. Cette première étape permet à l’animal de mettre en place une mémoire aversive persistante. En d’autre terme, l’animal finit par se souvenir et apprendre que le son est associé à un état désagréable et déclenche systématiquement une réponse d’immobilisation qui est un bon indice de la peur de l’animal.
Dans un second temps, la procédure d’extinction consiste à présenter de façon répétée le son seul, ce qui induit une inhibition temporaire des réponses conditionnées de peur. Cette inhibition n’est que temporaire car le simple passage du temps favorise la récupération spontanée des réponses conditionnées de peur, ce qui, d’un point de vue clinique, peut être associé au phénomène de rechute des réponses traumatiques observé à la suite des thérapies d’exposition dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique.