Une étude réalisée par des équipes de l’Institut Pasteur, de l’Institut Cochin (Inserm, CNRS, Université Paris Descartes) et du Wellcome Trust Centre for Molecular Parasitology de l’université de Glasgow pourrait redéfinir une partie des orientations actuelles de recherche d’un traitement contre les parasites responsables du paludisme et de la toxoplasmose. Ce travail, publié le 10 octobre sur le site de Nature Communications, concerne le rôle d’une protéine commune à ces deux parasites. Appelée AMA1, celle-ci est depuis des années au centre de nombreuses recherches en vue de la mise au point de traitements et de vaccins contre le paludisme. Cependant, les auteurs émettent ici des réserves sur le succès des stratégies thérapeutiques s’appuyant uniquement sur le blocage d’AMA1, en démontrant que les parasites du paludisme et de la toxoplasmose dépourvus de la protéine peuvent se développer normalement.
Stade mérozoïte de Plasmodium falciparum – Copyright Institut Pasteur
Les agents responsables de ces parasitoses sont les genres Plasmodium et Toxoplasma qui appartiennent au groupe des Apicomplexa. Ces parasites possèdent une protéine commune appelée AMA1, considérée dans de nombreuses études comme indispensable à leur entrée dans les cellules qu’ils infectent. En conséquence, depuis sa découverte, de nombreuses équipes de recherche ont fait d’AMA1 une cible privilégiée en vue de la mise au point de traitements anti-parasitaires. Cependant, une collaboration entre les équipes de Robert Ménard, à l’Institut Pasteur à Paris, d’Isabelle Tardieux, à l’Institut Cochin, et de Markus Meissner à l’Université de Glasgow, vient de démontrer que Plasmodium berghei et Toxoplasma gondii envahissent les cellules infectées et s’y multiplient en se passant totalement d’AMA1.
En 2011, les chercheurs avaient déjà observé que des parasites génétiquement modifiés et exprimant très peu de la protéine AMA1 restaient capables d’infecter des cellules de l’hôte. Dans cette étude, ils créent des parasites totalement dépourvus d’AMA1 grâce à une technique de « génétique inverse », jamais employée dans le domaine. Les scientifiques démontrent qu’en l’absence d’AMA1, les stades sanguin et hépatique de Plasmodium berghei, comme le stade réplicatif de Toxoplasma gondiii (responsable de la dissémination chez l’homme), conservent également la capacité d’envahir les cellules de l’hôte. En revanche, pour les deux parasites, l’attachement aux cellules de l’hôte, qui précède l’invasion cellulaire, est affecté. En conséquence, les scientifiques déduisent qu’AMA1 n’est pas indispensable au processus d’invasion cellulaire, mais est impliquée dans l’adhésion des parasites aux cellules de l’hôte.
A la suite de leurs observations, les chercheurs émettent des recommandations pour optimiser les recherches ciblant AMA1 en vue de la mise au point de traitements. Ils suggèrent notamment d’axer les stratégies thérapeutiques et vaccinales sur d’autres protéines en complément d’AMA1.