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Une équipe de chercheurs de l’unité Inserm du Pr Robert Barouki (Unité 1124 Inserm/ Université Paris Descartes), dirigée par le Pr Xavier Coumoul, vient de montrer que la dioxine de Seveso, un polluant organique présent dans notre alimentation et dans l’atmosphère, endommage le foie chez des souris soumises à un régime riche en graisses. Un effet lié à son action sur une voie de signalisation également activée par les particules de diesel et de tabac. Les résultats sont parus en mars dernier dans Environnement Health and Perspectives.
Plusieurs polluants organiques pourraient contribuer à accroitre la survenue de maladies hépatiques chroniques chez les personnes obèses. C’est ce que suggère l’équipe de Xavier Coumoul qui a travaillé sur l’un d’eux : la dioxine de Seveso. Cette substance, qui tient son nom de la catastrophe de Seveso de 1976 en Italie près de la ville du même nom, est issue entre autres de l’activité industrielle tels que les incinérateurs de déchets, la métallurgie, etc. On la connait également pour avoir été l’une des substances libérée lors de l’utilisation d’agent Orange pendant la guerre du Vietnam. Classée comme cancérigène pour l’Homme, la dioxine de Seveso (ou TCDD) est d’autant plus redoutable qu’elle est très stable au cours du temps, persistant plusieurs années dans les écosystèmes et les organismes. Stockée notamment dans le tissu adipeux et dans le foie, elle active dans les cellules, la voie de signalisation AhR (pour Aryl hydrocarbon Receptor), qui permet en l’occurrence d’éliminer les polluants.
En 2014, alors que l’équipe travaillait sur les effets cancérigènes de cette substance, les chercheurs ont constaté que certaines souris exposées à des doses élevées de TCDD (25 µg/kg/semaine) développaient une inflammation du foie (fibrose hépatique) ; point de départ vers des maladies plus graves comme la cirrhose ou le cancer du foie. Or les maladies chroniques hépatiques non liées à la consommation d’alcool, s’observent habituellement chez les sujets obèses. Les chercheurs ont donc voulu clarifier l’impact possible de cette dioxine sur le foie dans un contexte d’obésité. Pour cela, ils ont travaillé avec un modèle murin pendant 14 semaines. Pendant cette période, deux groupes de souris ont subi des régimes différents.
L’association TCDD et obésité est nécessaire
Un premier groupe d’animaux a été soumis à un régime maigre. Durant les 6 dernières semaines du traitement, une partie de ces souris a été exposée à du TCDD (entre 1 et 10 µg/kg/semaine) tandis que l’autre partie n’a pas été exposée. Il en ressort qu’aucune fibrose n’est survenue, y compris en présence faible de TCDD (</=5 µg/kg/semaine). Seules quelques micros-lésions ont été observées pour des doses supérieures à 5 µg/kg/semaine. Ce syndrome n’était pas pathologique et était dénué de toute complication.
Parallèlement, un second groupe d’animaux a subi une alimentation riche en graisses, accompagnée d’une exposition au TCDD identique au premier groupe. Ces souris, étant devenues obèses du fait de leur régime, présentaient toutes des lésions dans le foie, caractérisées par une augmentation du stockage du gras. Par contre, en présence de TCDD, l’accumulation de gras était démultipliée et des cellules inflammatoires étaient recrutées localement. Sous l’effet de la TCDD, les lésions du foie se sont développées en inflammation chronique qui a ensuite évoluée vers la fibrose.
Au terme de ce suivi, les chercheurs ont étudié l’expression des gènes dans les cellules hépatiques. Ils ont constaté que les souris obèses exposées à la dioxine, surexprimaient plusieurs marqueurs d’inflammation et de fibrose.
« Les effets de l’obésité et de la dioxine se potentialisent et provoquent la survenue d’une fibrose. Les deux, ensemble, aboutissent à l’accumulation excessive de graisse dans le foie, au blocage de leur dégradation, à l’augmentation du stress oxydatif délétère pour les cellules et la survenue d’une inflammation », clarifie Xavier Coumoul, responsable des travaux.
Tableau récapitulatif des effets sur le foie des différents régimes associés ou non à une exposition au TCDD (dioxine de Seveso)
A vérifier chez l’homme en cas d’exposition normale
Malgré ces observations, inutile de s’affoler à ce stade. La dose de TCDD utilisée dans cette étude est élevée, correspondant à celle d’une exposition massive comme pour la population Vietnamienne pendant la guerre. Un choix délibéré pour permettre d’en observer les effets sur une durée assez courte de quelques semaines. Reste à savoir ce qu’il en serait chez l’Homme, avec une dose plus faible et une exposition à long terme, conforme à celle de la population générale. Et plus généralement, reste à confirmer les données pour l’ensemble des activateurs de la voie AhR dont font également partie le diesel ou encore le tabac.
Ces travaux ont été financés par l’ANR et l’INCa.