Alors que les méthodes d’apprentissage automatique sont utilisées dans de nombreux domaines, y compris la santé humaine, leur application au monde du vivant est peu explorée à l’échelle moléculaire. Des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm, viennent de réaliser un premier pas dans cette direction en créant un réseau neuronal simple dans un extrait cellulaire de bactérie Escherichia coli. Leur méthode permet, entre autres, d‘analyser des prélèvements biologiques humains et de les classer en fonctions de leur concentration en différents métabolites. Publiés dans Nature Communications, ces résultats ouvrent des perspectives en termes de simplification et diminution du coût de certaines analyses biomédicales.
Ces dernières décennies, de nombreux progrès ont été réalisés en apprentissage automatique, y compris récemment en apprentissage en profondeur, le deep learning. Les méthodes d’apprentissage sont maintenant utilisées dans de nombreuses tâches qui concernent notre vie quotidienne et elles présentent un réel potentiel pour traiter de nombreux problèmes de santé. Ces méthodes s’inspirent notamment des systèmes biologiques, et entre autres, du réseau de neurones de notre cerveau.
Des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont utilisé des enzymes pour construire un réseau neuronal simple dans un extrait cellulaire de bactérie Escherichia coli (E. coli), qu’ils ont appliqué dans un contexte de diagnostic médical. Ils ont ainsi montré que ce réseau permettait de différencier correctement des échantillons biologiques d’origine humaine et de les classer comme « positif » ou « négatif » en fonction de leur composition en métabolites.
Afin de tester la robustesse de leur système, les chercheurs l’ont appliqué à la détection de métabolites précis dans des échantillons d’urines humaines 1.
Parmi les métabolites sélectionnés, ils ont choisi l’hippurate pour suivre le traitement probiotique avec E. coli « Nissle 1917 » de la phénylcétonurie, (une maladie neurotoxique caractérisée par l’accumulation d’un acide aminé spécifique, la phénylalanine). En effet, de récents travaux ont montré que le traitement probiotique avec E. coli « Nissle 1917 » permettait une cascade de réactions aboutissant à la conversion de la phénylalanine en hippurate dans le foie des patients atteints de phénylcétonurie2.
Le réseau conçu par l’équipe de recherche a été capable de mettre en évidence l’augmentation de la concentration en hippurate dans les urines chez les patients traités avec ce probiotique.
Les résultats de ces travaux montrent ainsi que la conception d’un dispositif peu coûteux basé sur un extrait cellulaire d’E. coli permet de contrôler l’efficacité d’un traitement en évitant des mesures de spectrométrie de masse plus coûteuses et énergivore.
Le deep learning est un ensemble de méthodes d’apprentissage qui permet à une machine d’apprendre par elle-même, en opposition au mode de fonctionnement classique, sur la base de programmes, où la machine se contente d’exécuter des tâches selon les règles prédéterminées par le programme. Le fonctionnement en deep learning repose sur une structure de type neuronale inspirée du cerveau humain, avec plusieurs « couches » de neurones qui permettent d’apprendre selon un processus « essais-erreurs ».
Schéma expliquant le fonctionnement du système d’apprentissage.© Inra/Jean-Loup Faulon
1 Voyvodic, P. L. et al. Plug-and-play metabolic transducers expand the chemical detection space of cell-free biosensors. Nat. Commun. 10, 1697 (2019).
2 Isabella, V. M. et al. Development of a synthetic live bacterial therapeutic for the human metabolic disease phenylketonuria. Nat. Biotechnol. (2018). doi:10.1038/nbt.4222