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Faire du neuf avec du vieux : le principe du recyclage. Appliqué à un médicament, c’est bien ce que tente de faire une collaboration internationale de chercheurs1 coordonnée par Marie-Pierre Junier et Hervé Chneiweiss du laboratoire Neurosciences Paris-Seine. Ils étudient les gliomes, qui sont les tumeurs malignes les plus fréquentes se développant à partir de cellules du cerveau. Elles sont également la 4e cause de mort par cancer chez l’adulte et la 2e chez l’enfant. En cause : les traitements actuels, inefficaces. En effet, un gliome peut résister et renaître à partir d’un très petit nombre de cellules tumorales, les cellules initiatrices de gliome (GIC). Ce sont ces cellules, dont les caractéristiques et les propriétés ressemblent à celles des cellules souches, que l’équipe a ciblées.
Au lieu de tenter de découvrir de nouvelles molécules, l’équipe a opté pour la stratégie du repositionnement de médicament. Autrement dit, ils ont testé une collection de molécules utilisées depuis tellement longtemps pour d’autres traitements que leur brevet d’exploitation est tombé dans le domaine public[3]. Cette méthode permet de développer à moindre coût et sur un temps très court de nouveaux principes actifs.
Cette molécule, utilisée depuis de nombreuses années pour traiter l’hypertension, est un inhibiteur des récepteurs alpha-adrénergiques (α-AR). Surprise cependant : les expériences des chercheurs montrent que ce type de récepteurs n’existe pas sur les cellules initiatrices de gliome. La molécule agit donc via un mécanisme hors-cible (« off-target »), c’est-à-dire par une autre voie que l’interaction classique. Les chercheurs ont ainsi identifié une molécule de signalisation intracellulaire, la PKCδ, surexprimée dans les GIC par rapport aux cellules souches neurales normales. En présence de la prazosine, elle est clivée uniquement dans les GIC, ce qui conduit à leur mort.
Pour confirmer ces résultats, des essais cliniques commenceront dans l’année. S’ils sont concluants, la molécule pourrait être rapidement utilisée en complément des traitements actuels et améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer du cerveau. D’ores et déjà les chercheurs ont identifié que d’autres cellules cancéreuses ont une signalisation altérée de la PKCδ, comme celles du cancer colorectal, du pancréas, du foie. La compréhension du mécanisme d’action de la prazosine laisse donc également entrevoir de nouvelles pistes de traitements pour d’autres cancers.
[1] Incluant des chercheurs du Laboratoire d’innovation thérapeutique (CNRS/Université de Strasbourg), de l’Institut des cellules souches et de la médecine régénérative de l’université Stanford (États-Unis) et de l’Institut du cerveau Paolo Niemeyer de Rio de Janeiro (Brésil).
[2] Ce laboratoire fait partie de l’Institut de biologie Paris-Seine.
[3] Les molécules pharmaceutiques sont protégées par brevet pendant 20 ans après leur découverte. Compte tenu de la durée des essais cliniques nécessaires avant de pouvoir commercialiser un médicament, la durée de protection du médicament ne dépasse pas 10 à 15 ans après l’autorisation de mise sur le marché (AMM).