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Communiqués et dossiers de presse

Recycler un anti-hypertenseur pour combattre les tumeurs du cerveau

15 Avr 2016 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Les traitements actuels contre les gliomes, ces tumeurs cérébrales malignes, sont très peu efficaces. Une collaboration internationale[1] menée par le laboratoire Neurosciences Paris-Seine (CNRS/Inserm/UPMC)[2] a testé sur ces tumeurs les principes actifs d’anciens médicaments jusqu’à identifier une molécule intéressante, la prazosine. Non seulement, elle semble être efficace pour ce type de cancer, mais elle agit sur une voie de signalisation commune à d’autres types de cancers. Ces résultats prometteurs sont mis en ligne (publication avancée) dans la revue EMBO Molecular Medicine.

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(c) Fotolia

Faire du neuf avec du vieux : le principe du recyclage. Appliqué à un médicament, c’est bien ce que tente de faire une collaboration internationale de chercheurs1 coordonnée par Marie-Pierre Junier et Hervé Chneiweiss du laboratoire Neurosciences Paris-Seine. Ils étudient les gliomes, qui sont les tumeurs malignes les plus fréquentes se développant à partir de cellules du cerveau. Elles sont également la 4e cause de mort par cancer chez l’adulte et la 2e chez l’enfant. En cause : les traitements actuels, inefficaces. En effet, un gliome peut résister et renaître à partir d’un très petit nombre de cellules tumorales, les cellules initiatrices de gliome (GIC). Ce sont ces cellules, dont les caractéristiques et les propriétés ressemblent à celles des cellules souches, que l’équipe a ciblées.

Au lieu de tenter de découvrir de nouvelles molécules, l’équipe a opté pour la stratégie du repositionnement de médicament. Autrement dit, ils ont testé une collection de molécules utilisées depuis tellement longtemps pour d’autres traitements que leur brevet d’exploitation est tombé dans le domaine public[3]. Cette méthode permet de développer à moindre coût et sur un temps très court de nouveaux principes actifs.

1200 molécules ont été testées sur des cellules souches neurales humaines normales et sur les cellules initiatrices de gliome issues de différentes tumeurs agressives. Douze d’entre elles présentaient un effet toxique sur les GIC sans avoir d’effet sur les cellules souches neurales normales. La plus efficace était la prazosine. Testée sur des souris porteuses de cellules initiatrices de gliome, la prazosine a permis une nette diminution des tumeurs et une survie des souris prolongée de plus de 50 %.

Cette molécule, utilisée depuis de nombreuses années pour traiter l’hypertension, est un inhibiteur des récepteurs alpha-adrénergiques (α-AR). Surprise cependant : les expériences des chercheurs montrent que ce type de récepteurs n’existe pas sur les cellules initiatrices de gliome. La molécule agit donc via un mécanisme hors-cible (« off-target »), c’est-à-dire par une autre voie que l’interaction classique. Les chercheurs ont ainsi identifié une molécule de signalisation intracellulaire, la PKCδ, surexprimée dans les GIC par rapport aux cellules souches neurales normales. En présence de la prazosine, elle est clivée uniquement dans les GIC, ce qui conduit à leur mort.

Pour confirmer ces résultats, des essais cliniques commenceront dans l’année. S’ils sont concluants, la molécule pourrait être rapidement utilisée en complément des traitements actuels et améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer du cerveau. D’ores et déjà les chercheurs ont identifié que d’autres cellules cancéreuses ont une signalisation altérée de la PKCδ, comme celles du cancer colorectal, du pancréas, du foie. La compréhension du mécanisme d’action de la prazosine laisse donc également entrevoir de nouvelles pistes de traitements pour d’autres cancers.

 

[1] Incluant des chercheurs du Laboratoire d’innovation thérapeutique (CNRS/Université de Strasbourg), de l’Institut des cellules souches et de la médecine régénérative de l’université Stanford (États-Unis) et de l’Institut du cerveau Paolo Niemeyer de Rio de Janeiro (Brésil).

[2] Ce laboratoire fait partie de l’Institut de biologie Paris-Seine.

[3] Les molécules pharmaceutiques sont protégées par brevet pendant 20 ans après leur découverte. Compte tenu de la durée des essais cliniques nécessaires avant de pouvoir commercialiser un médicament, la durée de protection du médicament ne dépasse pas 10 à 15 ans après l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Contacts
Contact Chercheur
Hervé Chneiweiss Chercheur CNRS T +33 (0)1 44 27 52 94 rf.mresni@ssiewienhc.evreh Marie-Pierre Junier Chercheur Inserm T +33 (0)1 44 27 33 65 rf.mresni@reinuj.erreip-eiram
Contact Presse
Presse CNRS Véronique Etienne T +33 (0)1 44 96 51 37 rf.rid-srnc@enneite.euqinorev
Sources
The anti-hypertensive drug prazosin inhibits glioblastoma growth via the PKCδ-dependent inhibition of the AKT pathway, Suzana Assad Kahn, Silvia Lima Costa, Sharareh Gholamin, Ryan T. Nitta, Luiz Gustavo Dubois, Marie Fève, Maria Zeniou, Paulo Lucas Cerqueira Coelho, Elias El-Habr, Josette Cadusseau, Pascale Varlet, Siddhartha S. Mitra, Bertrand Devaux, Marie-Claude Kilhoffer, Samuel H. Cheshier, Vivaldo Moura-Neto, Jacques Haiech, Marie-Pierre Junier, Hervé Chneiweiss. EMBO Molecular Medicine, en ligne le 4 avril 2016 DOI: 10.15252/emmm.201505421
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