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Communiqués et dossiers de presse

Restaurer la conscience grâce à une stimulation profonde du cerveau : une piste pour la recherche sur le coma

21 Mar 2022 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

©Adobe stock

Une équipe de de recherche associant des chercheurs en neurosciences et des cliniciens du CEA, de l’Hôpital Foch, de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, de l’Inserm et du Collège de France apporte la preuve que la stimulation cérébrale profonde (deep brain stimulation, DBS) peut rétablir la conscience lorsque celle-ci est altérée. Ce résultat, fruit de plus de 5 ans de travail mené chez l’animal, ouvrirait la voie à des essais cliniques chez les patients qui ne recouvrent pas la conscience et a fait l’objet d’une publication dans la revue Science Advances.

La conscience est un processus dynamique et complexe qui coordonne l’activité de différentes régions du cerveau, particulièrement le tronc cérébral, le thalamus et le cortex.

Il existe deux niveaux hiérarchiques de conscience. Le premier est celui de l’éveil, ou vigilance, caractérisé par l’ouverture sur le monde. Il correspond à l’activation de structures très profondes du cerveau nichées dans le tronc cérébral. Le deuxième est « l’accès conscient », caractérisé par la perception consciente de telle ou telle information. À chaque fois que nous prenons conscience d’une information, par exemple une note de musique, ce contenu de conscience est codé par l’activation simultanée de groupes de neurones distribués dans différentes aires du cortex (l’« écorce » plissée, composée de six couches de neurones, qui tapisse les deux hémisphères). Un lien a été établi entre la perte de conscience et une forte perturbation des communications entre les différentes aires du cortex cérébral, et entre le cortex et le thalamus, une région du cerveau à mi-chemin entre le tronc cérébral et le cortex.

Les études d’imagerie cérébrale suggèrent que le rétablissement de ces communications entre cortex et thalamus pourrait être la clé de la récupération des troubles chroniques de la conscience. Plusieurs équipes à travers le monde ont eu l’idée de les rétablir par des stimulations électriques.

Si de premiers résultats avaient déjà montré qu’une telle stimulation pouvait permettre de rétablir le premier niveau de conscience (l’état d’éveil), aucune n’avait pu démontrer si une telle stimulation pouvait aussi rétablir le deuxième niveau de conscience, « l’accès conscient ».

Et si le centre du thalamus était la bonne cible à stimuler pour rétablir les deux niveaux hiérarchiques d’une conscience altérée ? C’est l’hypothèse testée par l’équipe de recherche française à l’origine de ce travail publié dans Science Advances et associant le CEA, l’Hôpital Foch, l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, l’Inserm et le Collège de France.

La stimulation électrique du thalamus permet de restaurer une conscience perdue

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont appliqué une anesthésie générale à un primate non-humain, et ce afin de supprimer les deux composantes de la conscience, à savoir l’éveil et l’accès conscient. Une électrode de stimulation cérébrale profonde, un dispositif équivalent à celui utilisé chez des patients atteints de la maladie de Parkinson avait préalablement été implanté chez ces animaux. Résultat : pendant l’anesthésie générale, la stimulation électrique de la partie centrale du thalamus a permis de réveiller les primates anesthésiés.

La stimulation électrique a induit immédiatement l’observation clinique de l’ouverture des yeux, la reprise d’une respiration spontanée, et des mouvements des membres. L’arrêt de la stimulation par la coupure du courant électrique a fait immédiatement replonger le primate dans un état de sédation profonde, celui de l’anesthésie générale. Cette expérience a ainsi pu démontrer dans un premier temps que la stimulation cérébrale profonde peut restaurer le premier niveau de la conscience.

Grâce à la technologie de l’imagerie cérébrale par IRM fonctionnelle et également d’un examen par électroencéphalographie, les chercheurs sont parvenus pour la première fois à mesurer finement, durant la stimulation du thalamus, les deux niveaux de la conscience (éveil et accès conscient). Ils ont observé de près les activations cérébrales de l’animal, pendant l’anesthésie et pendant les périodes de « réveil » induit par la stimulation. De plus, un casque permettait de faire écouter au primate une série de sons différents réalisant une composition complexe. Alors qu’il avait perdu sa capacité à intégrer la complexité de la composition sonore sous l’effet de l’anesthésie profonde, le cerveau a retrouvé cette capacité dès la mise en route de la stimulation cérébrale. Une analyse algorithmique appliquée au signal IRM fonctionnelle de repos (en dehors des périodes d’application des compositions sonores) a pu démontrer que la stimulation cérébrale ramenait au cerveau une richesse d’activité perdue sous anesthésie générale. Ainsi, la stimulation cérébrale du thalamus a pu restaurer les deux dimensions fondamentales et hiérarchiques de la conscience. Ce travail scientifique apporte une pièce maîtresse pour envisager de futurs essais cliniques chez les patients souffrant de troubles chroniques de la conscience.

Après un traumatisme crânien grave ou un accident vasculaire cérébral sévère, il arrive que des patients ne recouvrent jamais un état de conscience normal. Du coma initial soigné en réanimation, le patient passe à un état chronique de conscience altérée pour lequel il n’existe aucun traitement validé. L’espoir pourrait venir des neurosciences qui, depuis une vingtaine d’années, ont considérablement fait progresser la compréhension du phénomène neurobiologique de la conscience.

 

Ce travail a bénéficié du soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, de la Fondation pour la Recherche Médicale, de la Fondation de France, du Human Brain Project et du Collège de France.

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Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

Deep brain stimulation of the thalamus restores signatures of consciousness in a nonhuman primate model

Jordy Tasserie1†, Lynn Uhrig1,2†, Jacobo D. Sitt3, Dragana Manasova3,4, Morgan Dupont1, Stanislas Dehaene1,5, Béchir Jarraya1,6,7*

1Cognitive Neuroimaging Unit, CEA, INSERM, Université Paris-Saclay, NeuroSpin Center, 91191 Gif/Yvette, France.

2Department of Anesthesiology and Critical Care, Necker Hospital, AP-HP, Université de Paris, Paris, France.

3Sorbonne Université, Institut du Cerveau–Paris Brain Institute–ICM, Inserm, CNRS, APHP, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, France.

4Université de Paris, Paris, France.

5Collège de France, Université Paris-Sciences-Lettres (PSL), Paris, France.

6University of Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Université Paris-Saclay, Versailles, France.

7Neuromodulation Unit, Foch Hospital, Suresnes, France.

Science Advances, 18 mars 2022

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