Co-marquage insuline (vert)/glucagon (rouge) et noyaux (bleu) © Guillaume Canaud et Sophia Ladraa – Institut Necker-Enfants Malades (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm)
Dans de très récents travaux, des scientifiques Université Paris Cité, Inserm et AP-HP dirigés par le professeur Guillaume Canaud à l’Institut Necker-Enfants Malades (équipe de recherche Médecine Translationnelle et Thérapies Ciblées), viennent de démontrer l’efficacité de l’alpelisib pour prévenir et améliorer la croissance du tissu adipeux des patients atteints du syndrome de surcroissance et pour inverser les anomalies métabolomiques, à la fois dans les modèles pré-cliniques et chez les patients. Cette découverte s’inscrit dans la poursuite des travaux de l’équipe qui avaient conduit, au printemps dernier, la FDA[1] à autoriser le repositionnement de l’alpelisib, médicament anticancéreux, dans ce syndrome.
Le syndrome de surcroissance, au cœur des travaux conduit par l’équipe du Pr Guillaume Canaud à l’Institut Necker-Enfants Malades, est dû à la mutation du gène PIK3CA, mutation qui provoque un excès de prolifération de cellules et de tissus dans l’organisme. Ces mutations, dites somatiques mosaïques, sont présentes uniquement dans les tissus et non dans le sang, ce qui les rend non-transmissibles.
Dans les précédents travaux de l’équipe, le modèle pré-clinique utilisé permettait de reproduire le syndrome de Cloves dans lequel plusieurs tissus sont affectés par cette mutation. Les études conduites avaient alors permis de démontrer l’efficacité de l’alpelisib, médicament initialement indiqué dans le traitement de certaines formes de cancers du sein, et qui a induit chez ces patients une amélioration notable de l’ensemble des paramètres cliniques, biologiques ou encore radiologiques.
Désormais et parce que de plus en plus de patients sont traités, l’équipe progresse dans la compréhension des mécanismes en jeu dans cette maladie qui se traduit par des présentations cliniques très diverses de ces mutations du gène PIK3CA. Certains patients présentent en effet plus de malformations veineuses, pour d’autres ce sont les tissus osseux les plus affectés, pour d’autres encore ce sont les tissus musculaires. L’équipe s’applique, depuis près de 3 ans, à étudier les différentes mutations du gène PIK3CA à l’origine de ces différentes malformations dans chaque type de tissus et à tester l’efficacité de ce traitement dans chaque cas. Pour ce faire, ils créent des modèles pré-cliniques spécifiques de ces différentes mutations qu’ils examinent indépendamment les unes des autres afin de mieux caractériser cette pathologie multiforme. Si différents tissus peuvent être affectés, il s’avère que le tissu adipeux est fréquemment impliqué (hypertrophies graisseuses) et que cela s’accompagne souvent de perturbations endocriniennes et métaboliques.
Les chercheurs se sont donc attachés à étudier les mécanismes en jeu dans le développement et la progression de la maladie lorsqu’elle est liée à des mutations du gène PIK3CA dans les cellules graisseuses. Ils avaient constaté chez les patients un phénomène anormal et jusque-là inexpliqué : la coexistence contradictoire d’un très faible taux de sucre dans le sang (hypoglycémie) associé à un taux d’insuline[2] lui aussi extrêmement faible. Leurs investigations leur permettent aujourd’hui d’expliquer les mécanismes moléculaires à l’origine de ce phénomène : la mutation du gène PIK3CA dans les cellules graisseuses provoque une ouverture permanente des canaux permettant le passage du sucre vers les cellules. Le sucre s’accumulant dans les cellules graisseuses, son taux dans le sang s’effondre ce qui engendre, de façon logique cette fois, un effondrement du taux d’insuline dans le sang.
Leurs travaux ont aussi permis de mettre en évidence que la mutation de PIK3CA modifie également le métabolisme des cellules graisseuses, qui se comportent, avec un effet de type Warburg, de manière similaire aux cellules cancéreuses. Ces cellules graisseuses produisent une quantité importante de lactate qu’elles utilisent ensuite pour auto-entretenir leur prolifération et leur croissance cellulaire. La suite de leurs travaux a conduit les chercheurs à tester l’efficacité de l’alpelisib sur les malformations graisseuses.
L’équipe du professeur Guillaume Canaud finalise actuellement ses travaux sur l’ensemble des autres tissus affectés par cette mutation du gène PIK3CA et devrait, dans les mois qui viennent, pouvoir évaluer de façon précise les formes de cette maladie répondant bien au traitement par l’alpelisib.
[1] Food and Drug Administration (Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux)
[2] L’insuline est l’hormone qui permet de réguler le taux de sucre dans le sang. Son taux est d’autant plus élevé que le taux de sucre l’est également.
PIK3CA gain-of-function mutation in adipose tissue induces metabolic reprogramming with Warburg-like effect and severe endocrine disruption
Guillaume Canaud, PU-PH, directeur de l’Unité de Médecine Translationnelle et Thérapies Ciblées
Sophia Ladraa, Ingénieur d’Études au sein de l’Unité de Médecine Translationnelle et Thérapies Ciblées