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Une molécule contre la douleur découverte à l’état naturel en Afrique

Une équipe de recherche dirigée par Michel De Waard, directeur de recherche à l’Inserm au sein du Grenoble Institut des neurosciences (Inserm, Université Joseph Fourier, CNRS) à Grenoble, a découvert qu’une plante médicinale africaine produisait des quantités importantes de molécules antidouleur. Plus surprenant, après analyse, la molécule s’est avérée identique au Tramadol, un médicament de pure synthèse très largement utilisé comme analgésique dans le monde entier. D’après les chercheurs, c’est la première fois qu’un médicament de synthèse issu de l’industrie pharmaceutique est découvert à forte concentration dans une source naturelle. Cette découverte inédite vient d’être publiée dans le journal de chimie, Angewandte Chemie

Nauclea latifolia est un petit arbuste (aussi appelé pêcher africain) abondamment répandue dans toute l’Afrique sub-saharienne. En médecine traditionnelle, notamment au Cameroun, cette plante est utilisée dans le traitement de différentes pathologies incluant l’épilepsie, la fièvre, le paludisme et la douleur.

Afin d’identifier la présence et la nature de potentielles substances actives au sein de cette plante, Michel De Waard directeur de recherche à l’Inserm a initié une collaboration scientifique entre le Grenoble Institut des Neurosciences (Unité Inserm 836 UJF/CEA/CHU), le Département de Pharmacochimie Moléculaire (UMR UJF/CNRS 5063, Pr. Ahcène Boumendjel) et l’Université de Buea (Dr. Germain Sotoing Taiwe).

Grâce à leurs travaux, les chercheurs ont réussi à isoler et caractériser le composant responsable des effets anti-douleurs présumés de la plante à partir d’un extrait d’écorce de racines. A la surprise générale, ce composant existait déjà dans le commerce sous une forme synthétique : le tramadol.

Le plus surprenant pour nous a été de constater que cette molécule ne nous était pas inconnue. Elle était identique au Tramadol, un médicament de synthèse mis au point dans les années 1970 et utilisé couramment dans le traitement de la douleur, explique Michel De Waard, directeur de recherche à l’Inserm. Ce traitement est utilisé dans le monde entier car ses effets secondaires, notamment de dépendance, sont moins prononcés que ceux de la morphine dont il est dérivé, ajoute-t-il.

Le Tramadol[1] est en réalité une forme simplifiée de la morphine qui conserve les éléments indispensables aux effets analgésiques.

structure tramadol vs morphine

structure tramadol versus structure de la morphine

Pour confirmer leurs résultats, les chercheurs ont testé différents procédés pour prouver l’authenticité de cette origine naturelle. Leurs analyses ont par ailleurs été confirmées par trois laboratoires indépendants ayant reçus différents échantillons à différentes périodes de l’année.

« Tous les résultats convergent et confirment la présence de Tramadol dans l’écorce des racines de Nauclea latifolia. A l’inverse aucune trace de la molécule n’a pu être détectée dans la partie aérienne de l’arbuste (feuilles, tronc et branches) » explique le chercheur. Enfin, pour exclure la possibilité d’une contamination non intentionnelle des échantillons par du tramadol de synthèse, les chercheurs ont prélevé des échantillons à l’intérieur même des racines et ont pu confirmer la présence de la molécule.

D’un point de vue quantitatif, la concentration de tramadol dans les extraits d’écorce séchée est de 0,4 % et de 3,9 % soit des niveaux très élevés de principe actif.

Au-delà de l’aspect inédit de cette découverte (premier cas potentiellement exploitable d’un médicament de synthèse de l’industrie pharmaceutique découverte dans une source naturelle et dans des proportions si élevées), ce résultat majeur ouvre des perspectives aux populations locales pour accéder à une source de traitement de bon marché et valide les concepts de médecine traditionnelle (sous forme de décoction d’écorces de racines).

« Il existe plus de 10 espèces différentes de cet arbuste en Afrique, nous pourrions imaginer refaire les mêmes tests afin de déterminer la présence ou non de Tramadol selon les espèces. » conclut Michel De Waard.

Par ailleurs, cette étude permet d’effectuer une mise en garde contre les risques de pharmacodépendance liés à la surconsommation des racines de cette plante. En effet, le Tramadol est à classer dans la catégorie des opiacés au même titre que la morphine dont il est dérivé.

plant de citronnier


[1] Aucun médicament n’est dépourvu de risque et tous ont des effets secondaires dont certains potentiellement nocifs. Il est impossible de prédire avec une certitude absolue les effets de n’importe quel traitement avec un médicament. Tous les médicaments ont à la fois des effets bénéfiques et un risque de nocivité. On peut réduire au maximum ce risque en veillant à ce que les médicaments prescrits aient la qualité requise, soient sûrs, efficaces et utilisés par le bon patient, à la posologie et au moment voulus. Source OMS

Une exposition précoce au bisphénol A altèrerait l’émail des dents

Les dents seraient-elles les nouvelles victimes du Bisphénol A ? Oui, selon les conclusions des travaux de l’équipe de chercheurs dirigés par Ariane Berdal de l’Université Paris-Diderot et Sylvie Babajko, directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité Inserm 872 « Centre des cordeliers ». Les chercheurs ont montré que les dents de rats traités avec de faibles doses journalières de BPA pouvaient être altérées. L’analyse de ces altérations montre de nombreuses caractéristiques communes avec une pathologie de l’émail des dents récemment décrite et affectant environ 18% des enfants de 6 à 8 ans.

Ces résultats sont publiés dans American Journal of Pathology

Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes et des boîtes de conserves ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur. Des taux significatifs de BPA ont d’ailleurs été retrouvés dans le sang, les urines, le liquide amniotique et le placenta humains. De récentes études ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoire. Il est fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’homme.

Par mesure de précaution, la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A sont interdites depuis janvier 2011 en Europe. Cette interdiction s’étendra à tous les contenants alimentaires à partir de juillet 2015 en France.

Dans cette étude, la dent vient s’ajouter à la liste déjà longue des cibles du BPA.

Les chercheurs de l’Inserm ont montré que les incisives de rats traités avec de faibles doses journalières (5 microgrammes/kg/jour) de BPA pouvaient être altérées

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Cet effet est observé dans une fenêtre de développement qui ne dépasse pas 30 jours post-natals chez le rat traduisant une fenêtre de sensibilité à l’exposition.

L’analyse de ces dents montre de nombreuses caractéristiques communes avec une pathologie de l’émail appelée MIH (Molar Incisor Hypomineralization) qui affecte sélectivement les premières molaires et incisives permanentes. Cette pathologie de l’émail est retrouvée chez environ 18% des enfants de 6 à 8 ans. Les enfants atteints par cette pathologie présentent des dents hypersensibles à la douleur et susceptibles aux caries. Il est intéressant de remarquer que la période de formation de ces dents (premières années de la vie) correspond à celle où l’individu est le plus susceptible au bisphenol A.

Des premières observations de chercheurs faisaient états de « taches blanches » sur les incisives des rats traités avec des perturbateurs endocriniens dont le bisphénol A (BPA). Les chercheurs ont décidé de définir les caractéristiques des incisives de rats traités avec du BPA à faible dose, et de les comparer à celles des dents humaines atteintes de MIH.

L’observation macroscopique des taches sur les deux séries de dents montre des similitudes, notamment un émail fragile et fracturé.

Au niveau microscopique, l’analyse de l’émail a montré une diminution significative du rapport Calcium/Phosphore  et Calcium/Carbone dans les dents atteintes. Ceci se traduit par une baisse de la quantité de minéral rendant les dents plus fragiles et susceptibles aux caries.

Enfin, l’analyse des protéines présentes dans la matrice des dents de rats a montré l’augmentation de la quantité d’énaméline une protéine clé de l’émail en formation, et l’accumulation d’albumine traduisant une hypominéralisation. L’analyse de l’expression des gènes clés de l’émail a permis de mettre en évidence deux gènes cibles du BPA : l’énaméline et la kallicréine 4.

Pour Sylvie Babajko, dernier auteur de cet article « Dans la mesure où le BPA aurait le même mécanisme d’action chez le rat et chez l’homme, il pourrait être un agent causal du MIH ». La dent pourrait donc être utilisée comme marqueur précoce d’exposition aux perturbateurs endocriniens agissant comme le BPA et aiderait ainsi à dépister des pathologies lourdes apparaissant plusieurs années après. »

dents enfants

© Fotolia

Les promesses de l’optogénétique pour aider à mieux traiter les TOC

Grâce à un travail mené au Massachusetts Institute of Technology de Boston, Eric Burguière, chercheur à l’Inserm au sein du centre de recherche de l’ICM et ses collaborateurs ont réussi à réduire le comportement compulsif de souris à l’aide de l’optogénétique, une technique alliant stimulation lumineuse et génie génétique. En stimulant par la lumière des neurones bien spécifiques dans le cerveau, les chercheurs ont rétabli un comportement normal chez des souris présentant à l’origine des comportements répétitifs pathologiques comparables à ceux observés chez les patients atteints de TOC.

Ces résultats sont publiés dans la revue Science le 7 juin 2013

Les comportements répétitifs sont caractéristiques d’un certain nombre de maladies neuropsychiatriques, notamment dans le TOC où ils peuvent se développer de manière compulsive au point de devenir un véritable handicap pour la vie quotidienne (se laver les mains jusqu’à 30 fois par jour, vérifier à l’excès qu’une porte est bien verrouillée etc.). Le TOC touche 2-3% de la population et en France on estime que plus d’un million de personnes sont atteintes de ce trouble.

Le traitement habituel du TOC consiste à utiliser des traitements pharmacologiques (antidépresseurs, neuroleptiques) et/ou des psychothérapies comportementales. Toutefois malgré ces combinaisons thérapeutiques, des symptômes sévères persistent chez environ un tiers des patients. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui sont à l’origine de ces comportements répétitifs pour mieux pouvoir les traiter.

De précédentes études en neuroimagerie ont permis d’identifier chez les personnes atteintes de TOC, des dysfonctionnements dans des circuits de neurones situés entre l’avant du cerveau (cortex orbitofrontal) et des structures cérébrales plus profondes (les ganglions de la base).

Dans cette nouvelle étude, Eric Burguière et ses collaborateurs (au laboratoire du Pr. Ann Graybiel au MIT) ont concentré leurs recherches sur ce circuit de neurones pour, à la fois examiner sa fonction en détail et développer une approche pour traiter les comportements compulsifs chez un modèle mutant de souris.

 Chez ces souris mutantes, les comportements compulsifs se traduisent  par des toilettages répétés tout au long de la journée pouvant déclencher des lésions cutanées.

 D’un point de vue physiologique, ces animaux n’expriment pas une protéine (du a l’absence du gène Sapap3) normalement présente dans les synapses des neurones du striatum, une structure faisant partie des ganglions de la base et associée à des fonctions telles que l’apprentissage de séquences, l’émergence d’habitudes, ou encore la prise de décision.

Grâce à ce modèle de souris, des premières observations ont permis aux chercheurs de montrer que l’émergence des compulsions chez les souris mutantes était due à un déficit d’inhibition comportementale. Les souris ne peuvent pas réprimer l’action de toilettage même lorsque cela n’est pas nécessaire. Ils ont ensuite pu montrer, grâce a des enregistrements de l’activité des neurones, que la défaillance de communication dans le cerveau entre le néocortex et le striatum conduit à une hyperactivité des neurones du striatum chez ces souris.

L’apport de la lumière

 Pour vérifier cette hypothèse, ils ont eu recours à l’optogénétique. Cette méthode consiste à modifier les neurones précédemment identifiés pour leur faire exprimer des protéines sensibles à la lumière, appelées opsines. Grâce à cette sensibilité accrue des cellules neuronales à la lumière, il devient possible de contrôler leur activité en les excitants ou au contraire en les inhibant via un simple faisceau lumineux.

Lorsque les chercheurs ont excité par stimulations lumineuses les neurones du cortex qui envoient des messages vers le striatum, les comportements compulsifs des souris ont été largement atténués. En revanche, en dehors de ces périodes de stimulation, les comportements compulsifs réapparaissaient.

« Nos découvertes montrent que la stimulation sélective du circuit peut rétablir un comportement normal chez des souris présentant à l’origine des comportements répétitifs pathologiques et qui ressemblent à des comportements observés chez certains patients atteints de TOC » précise Eric Burguière.

Cette étude est prometteuse d’un point de vue méthodologique car elle montre que l’approche avec la technique d’optogénétique pourra permettre d’identifier le rôle de circuiteries neuronales du cerveau qui, si elles sont dysfonctionnelles, peuvent provoquer des comportements pathologiques.

Pour le chercheur, cette étude est également intéressante du point de vue des perspectives cliniques. « J’ai effectivement choisi d’effectuer mon retour en France dans une équipe de l’Inserm[1] pour étudier en parallèle les effets physiologiques et comportementaux de stimulation cérébrale profonde chez des patients souffrant de TOCs, et chez des souris avec la technique d’optogénétique, et ce, afin de mieux comprendre l’effet de ces stimulations.

souris optognétique

©K. Deisseroth, Stanford University

L’optogénétique : une technique récente pleine de promesses

Née au milieu des années 2000, l’optogénétique est une technique qui combine les apports de l’optique et du génie génétique. Elle consiste à modifier génétiquement certaines cellules neuronales pour les rendre sensibles à la lumière. Le but ? Activer ou inhiber à distance une sous population neuronale précise grâce à un rayon de lumière ; et sans affecter les cellules voisines contrairement à la stimulation électrique. L’intérêt ? Étudier les relations causales entre l’activité de voies cérébrales ciblées et les comportements qu’elles contrôlent.


[1] (Equipe BEBG dirigée par le Dr. Luc Mallet à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière) grâce à une aide apportée par la fondation FondaMental.

Les boissons « light » associées à une augmentation du risque de diabète de type 2

Françoise Clavel-Chapelon  (Directrice de recherche Inserm-Université Paris-Sud 11, à l’Institut Gustave Roussy), et Guy Fagherazzi se sont intéressés à la relation entre la consommation de boissons sucrées et boissons sucrées « light » et le risque de diabète de type 2. L’analyse, menée auprès de 66 188 femmes de la cohorte E3N, confirme une relation entre boissons sucrées et diabète de type 2 et révèle pour la première fois en France, que contrairement aux idées reçues,  le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de boissons « light » que de boissons sucrées « normales ». Des études supplémentaires sur les effets des boissons sucrées « light » sont nécessaires pour corroborer ce résultat. L’article détaillant ces résultats a été publié dans l’American Journal of Clinical Nutrition.

Le diabète touche plus de 3 millions de personnes en France dont 90% sont atteintes du diabète de type 2. S’il est établi que la consommation de boissons sucrées est associée à une augmentation du risque d’obésité et de diabète de type 2, l’effet des boissons sucrées « light » sur les maladies cardiométaboliques est moins bien connu. Les chercheurs de l’Inserm au sein de l’équipe E3N ont évalué le lien entre la consommation de boissons sucrées et le risque de  développer  un diabète de type 2. L’étude a été menée auprès de 66 118 femmes françaises de la cohorte E3N suivies pendant 14 ans.

Les résultats montrent que les femmes qui consomment des boissons sucrées « light » ont une consommation plus grande que celles qui consomment des boissons sucrées « normales » (2,8 verres/semaine contre 1,6 verres/semaine en moyenne, respectivement).

D’autre part, à quantité égale consommée, le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de boissons « light » que de boissons sucrées « non light ».

Le risque de développer un diabète est de 15% supérieur pour une consommation de 0,5 L/semaine et de 59% supérieur pour 1,5 L/semaine respectivement.

Ce risque est-il essentiellement associé aux boissons « light » ? Pour le savoir, les chercheurs se sont également intéressés aux effets sur l’organisme des jus de fruits 100% pressés, et dans leur étude, aucune association avec le risque de diabète n’a été constatée.

Comment peut-on expliquer ces résultats ?

Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’augmentation de risque de diabète associée à une grande consommation de boissons sucrées :

  • Tout d’abord, en termes de calories, ces boissons ne se substituent pas aux aliments solides, car boire des boissons sucrées n’est pas suffisamment satiétogène (les calories des boissons sucrées s’ajoutent donc aux calories des solides). D’autre part, les sucres contenus dans les boissons sucrées entrainent en réaction un pic d’insuline, et des pics à répétition peuvent engendrer une insulino-résistance.
  • S’agissant en particulier des boissons « light », la relation avec le diabète pourrait s’expliquer d’une part par une appétence plus forte pour le sucre en général des consommatrices de ce type de boissons. D’autre part, l’aspartame, qui est un des principaux édulcorants utilisés aujourd’hui, induirait une augmentation de la glycémie et de ce fait une hausse du taux d’insuline, comparable à celle engendrée par le sucrose.

La consommation de boissons sucrées augmente le risque de surpoids, lui-même facteur de risque de diabète. Toutefois, dans leur étude, les chercheurs de l’équipe E3N ont observé un effet d’une grande consommation de boissons sucrées, indépendant de la corpulence de la femme.

En conclusion, il est montré pour la première fois dans une population française, qu’une consommation élevée de boissons sucrées (normales et « light ») était associée à une forte augmentation du risque de diabète de type 2. Cette augmentation de risque est encore plus forte pour les boissons de type « light ». Des études supplémentaires sur les effets des boissons sucrées « light » sont nécessaires pour confirmer ce résultat.

L’ETUDE E3N (www.e3n.fr)  

L’étude E3N, ou Etude Epidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale), dirigée par Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche à l’Inserm, est une étude de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.

Depuis 1990, les femmes remplissent et renvoient des auto-questionnaires tous les 2 à 3 ans. Elles sont interrogées sur leur mode de vie (alimentation, prise de traitements hormonaux…) d’une part, et sur l’évolution de leur état de santé d’autre part.

Les données sur les facteurs de risque ont fait l’objet de plusieurs études de validation. Le taux de « perdues de vue » est très faible du fait de la possibilité qu’offre la MGEN de suivre les non-répondantes. Mais c’est avant tout grâce à la fidélité et à la constance des participantes, et grâce à la collaboration des médecins traitants, que l’étude E3N peut fournir tous ces résultats.

E3N est la composante française d’EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and nutrition), vaste étude européenne coordonnée par le Centre International de Recherches sur le Cancer (CIRC) portant sur 500 000 européens, hommes et femmes, dans 10 pays.

L’étude E3N est soutenue par quatre partenaires fondateurs : l’Inserm, la Ligue contre le Cancer, l’Institut Gustave Roussy et la MGEN.

photo fotolia

Une nouvelle bactérie pour lutter contre l’inflammation intestinale

Nathalie Vergnolle, directrice de recherche à l’Inserm, et son équipe du Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP Inserm / Université Toulouse III – Paul Sabatier /CNRS), avec Philippe Langella directeur de recherche à l’INRA et son équipe de l’Institut Micalis et en collaboration avec l’Institut Pasteur, vient de réussir à produire des « bactéries bénéfiques » capables de protéger l’organisme des inflammations intestinales. Cette protection est assurée par une protéine humaine, l’Élafine, introduite artificiellement dans des bactéries de produits laitiers (Lactococcus lactis et Lactobacillus casei). Cette découverte pourrait être utile à terme aux personnes souffrant de maladies inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique (ou colite ulcéreuse).
Ces travaux sont publiés dans la revue Science Translational Medicine du 31 octobre 2012.

En France, près de 200 000 personnes souffrent de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, dites MICI (en particulier la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques). Et l’incidence de ce type de maladie ne fait que s’accroître (8 000 nouveaux cas diagnostiqués par an). Lors des poussées inflammatoires, les MICI se caractérisent le plus souvent par des douleurs abdominales, des diarrhées fréquentes parfois sanglantes ou encore une atteinte de la région anale (fissure, abcès). Ces symptômes font peser sur la maladie un certain tabou  sur ces maladies.

Différentes pistes sont explorées pour expliquer l’origine des MICI parmi lesquelles le rôle des facteurs génétiques ou environnementaux. La flore intestinale semble jouer un rôle important mais mal connu dans l’apparition de l’inflammation. La recherche d’un traitement efficace est également au cœur des investigations.

Les chercheurs se sont intéressés à une protéine humaine, connue pour ses propriétés anti-inflammatoires: l’Élafine. Alors que cette protéine est présente naturellement dans l’intestin pour le protéger des agressions, elle disparait chez les patients souffrant de MICI.

Leur hypothèse ? Délivrer l’Élafine humaine directement dans l’intestin pourrait protéger des agressions inflammatoires et restaurer l’équilibre et les fonctions de l’intestin.

Les scientifiques de l’Inserm et de l’Inra ont conçu, à partir de bactéries non pathogènes, naturellement présentes dans l’intestin et dans la nourriture, des bactéries  modifiées pour produire l’Élafine. Pour cela,  le gène de l’Élafine humaine, isolé en collaboration avec une équipe de l’Institut Pasteur, a été introduit chez Lactococcus lactis et Lactobacillus casei, deux bactéries alimentaires présentes dans les produits laitiers.

Des résultats chez la souris…
Lorsqu’elles sont administrées par voie orale à des souris, ces bactéries recombinantes productrices d’Élafine humaine se retrouvent quelques heures plus tard à la surface de l’intestin où elles délivrent la protéine anti-inflammatoire. Dans différents modèles murins d’inflammation intestinale chronique ou aiguë, le traitement oral par ces bactéries produisant l’Élafine, a considérablement protégé l’intestin et diminué les symptômes inflammatoires.

…et chez l’homme
L’Élafine exprimée par ces bactéries protège aussi des lignées cellulaires intestinales humaines en culture des agressions inflammatoires similaires à celles observées dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. L’Élafine ainsi produite restaure l’équilibre et les fonctions de la muqueuse intestinale en diminuant l’inflammation et en accélérant la guérison des cellules.

Élafine (en vert) libérée par la bactérie recombinante à la surface du colon d'une souris traitée. En rouge, les cellules épithéliales. En bleu, les noyaux cellulaires.

Élafine (en vert) libérée par la bactérie recombinante à la surface du colon d’une souris traitée. En rouge, les cellules épithéliales. En bleu, les noyaux cellulaires.

JP Motta, C. Deraison, N. Vergnolle, Inserm

Les applications cliniques potentielles
Ces résultats pourraient déboucher sur une application clinique où l’Élafine serait délivrée aux patients atteints de MICI par des bactéries bénéfiques (probiotiques), déjà couramment présentes dans l’alimentation (yaourts, fromages), ce qui protégerait ces patients des symptômes inflammatoires. Selon les chercheurs «  Un tel traitement sécurisé pourrait être utilisé, même à long terme, pour le traitement des maladies inflammatoires. ».

Ces travaux ont fait l’objet d’une protection par le brevet et d’une cession de licence exclusive à un partenaire industriel, gérée par Inserm Transfert.

Une souris blanche …

Des souris au pelage noir qui deviennent blanches ? Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Institut Curie et de l’Université Paris-Sud, spécialisés dans l’étude des cancers, ont cherché à mieux comprendre comment se développent les cellules de la peau (appelées mélanocytes) responsables de la pigmentation. En manipulant génétiquement des souris au pelage noir, les chercheurs ont identifié deux acteurs clés : les protéines BRAF et CRAF, indispensables au maintien du cycle cellulaire des cellules souches de mélanocytes et donc à la bonne pigmentation au cours de la vie. Sans ces deux protéines, le pelage des souris devient blanc.

Ces travaux publiés dans la revue Cell Report constituent une piste sérieuse pour enrayer la formation des mélanomes, tumeurs dont la cellule d’origine est précisément le mélanocyte.

Les mélanocytes sont les cellules de l’organisme qui permettent la pigmentation de la peau, des poils et des cheveux. Cette fonction de pigmentation protège du soleil et permet de colorer les organismes. Un dysfonctionnement de ces cellules peut entrainer des cancers de la peau appelés mélanomes. Ces mélanomes sont des cancers très agressifs qui deviennent difficiles à traiter lorsqu’ils progressent et forment des métastases.

Chez l’homme, les chercheurs ont découvert il y a quelques années que le gène BRAF qui code pour la protéine du même nom est muté dans plus de 50% des mélanomes. Des progrès spectaculaires ont été obtenus ces dernières années dans le traitement de ce cancer grâce au développement d’inhibiteurs pharmacologiques ciblant une enzyme, la kinase BRAF.

Toutefois, malgré ces traitements, le cancer resurgit chez de nombreux patients, signe que toutes les cellules cancéreuses ne sont pas éliminées.

Tout laissait penser aux chercheurs que BRAF n’était pas le seul acteur responsable du processus cancéreux.

Dans ce nouveau travail, les scientifiques ont donc essayé de comprendre comment les mélanocytes fonctionnaient de manière normale pour cerner ensuite leur implication précise dans le cancer. Ils ont pour cela supprimé tour à tour l’expression de la protéine BRAF, puis celle d’une protéine de la même famille, CRAF, chez des souris au pelage noir (idéal pour bien voir les changements de pigmentation).

Des souris noires qui deviennent blanches en vieillissant

Chez les souris auxquelles les chercheurs ont supprimé seulement l’expression de BRAF ou seulement l’expression de CRAF dans la lignée de cellules donnant naissance aux mélanocytes, on n’observe pas de changement de pigmentation

souris blanches et noires

© A. Eychène / F. Bertrand (Institut Curie)

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Les souris auxquelles on a supprimé simultanément les deux gènes codant pour BRAF et CRAF ont également une couleur normale à la naissance.

En revanche, elles perdent petit à petit leur pigmentation au fur et à mesure de leur croissance. De noires, elles deviennent grises puis de plus en plus blanches.

Pour Alain Eychène, responsable de l’équipe ayant mené cette étude « ces observations traduisent un défaut dans le renouvellement des mélanocytes. Puisque la couleur noire est présente à la naissance, les cellules pigmentaires existent bien. En revanche, le blanchiment progressif du pelage en l’absence de BRAF et CRAF dans cette lignée cellulaire prouve que ces deux protéines sont nécessaires au renouvellement des mélanocytes ».

Comme toutes les cellules, les mélanocytes dérivent de cellules souches qui assurent ce renouvellement lors des mues. Ces travaux montrent que c’est précisément et uniquement cette population de cellules souches qui disparaît progressivement chez les souris mutantes.

Pour Alain Eychène, « il s’agit de la première démonstration in vivo du rôle des protéines RAF dans l’auto-renouvellement de cellules souches normales ».

Le fait que BRAF et CRAF soient toutes deux impliquées dans le contrôle et le renouvellement des cellules souches pigmentaires représente un pas de plus dans la compréhension et le traitement du mélanome. En les bloquant chez les patients traités par les inhibiteurs, peut-être que les chercheurs arriveront à terme à éliminer toutes les cellules souches cancéreuses, probablement responsables des cas de rechute.

Vers le développement de substituts du bisphénol A

Très présent dans notre environnement domestique, le bisphénol A (BPA) est suspecté d’induire des effets hormonaux chez l’Homme. Des chercheurs de l’Inserm et du CNRS à Montpellier ont étudié au niveau moléculaire les interactions entre le BPA, ses dérivés et le récepteur des estrogènes, une de ses principales cibles. Dans cette étude publiée dans PNAS, les chercheurs décrivent pour la première fois le mode d’action de ce composé à l’échelle moléculaire et présentent un outil bio-informatique capable à la fois de prédire son interaction avec le récepteur en 3D, et d’évaluer les liaisons de potentiels substituts à ce récepteur. Ces résultats permettront à terme d’orienter la synthèse de nouveaux composés conservant leurs caractéristiques industrielles mais dénués de propriétés hormonales.

Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur. De récentes études ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoires. Le BPA est actuellement fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’Homme. La fabrication et la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A sont interdits depuis janvier 2011 en Europe. Les études se poursuivent et certaines ont d’ailleurs déjà mis en évidence des taux significatifs de BPA dans le sang, les urines et le placenta humain.

Bien qu’il soit considéré comme un perturbateur endocrinien capable de dérégler certains récepteurs cellulaires en mimant l’action d’hormones naturelles, son mécanisme d’action moléculaire à l’origine de ces effets délétères, restait obscur.

En associant des approches complémentaires de biologie cellulaire et structurale, deux équipes montpelliéraines (Unité 896 Inserm/UM1/CRLC « Institut de recherche en cancérologie de Montpellier » et Unité 1054 Inserm/CNRS/UM1 « Centre de biochimie structurale ») ont montré comment le BPA et ses dérivés interagissent avec le récepteur des estrogènes et modulent son activité.

Les chercheurs ont d’abord montré, par des tests biologiques, que les régions du récepteur activées par la liaison des bisphénols A, AF et C diffèrent de celles activées par l’estradiol, l’hormone qui s’y fixe naturellement. « Ces résultats suggèrent que les bisphénols pourraient ne pas reproduire tous les effets de l’estradiol dans les différents tissus ciblés et soulignent l’importance du choix des tests biologiques dans l’évaluation du caractère « perturbateur endocrinien » des bisphénols », indiquent Patrick Balaguer et William Bourguet, les deux chercheurs Inserm principaux auteurs de l’étude.

Pour savoir comment les bisphénols se fixent au récepteur des estrogènes, ils ont ensuite caractérisé au niveau atomique l’interaction par cristallographie aux rayons X. Cette technique, qui a recours à des instruments de pointe tels que le synchrotron ESRF de Grenoble, consiste à obtenir un cristal de protéines (ici d’1/10ème de mm) à partir des composés à analyser et de l’éclairer par un faisceau de rayons X afin d’en déterminer sa structure atomique.

Contrairement aux modèles théoriques conçus à partir de l’analogie avec la structure du récepteur en présence de l’estradiol, le résultat issu de l’analyse cristallographique a permis de visualiser en 3D les structures réelles, très précises du mode de liaison (Figure 1) bisphénol-récepteur. A partir de ces résultats, les chercheurs ont développé un outil bio-informatique capable de prédire les interactions entre les bisphénols et leurs différents récepteurs cibles (récepteurs des estrogènes, des androgènes et le récepteur apparenté au récepteur des estrogènes g).

Cette structure cristallographique montre comment le BPA (atomes de carbone gris et atomes d’oxygène rouge) se lie au récepteur des estrogènes (surface moléculaire bleue clair). Certains acides aminés importants pour l’interaction sont représentés en orange.

©Inserm CNRS / V. Delfosse et W.Bourguet

« Les résultats de notre étude ainsi que les outils cellulaires, biophysiques et bioinformatiques que nous avons mis au point vont permettre d’orienter la synthèse de nouveaux composés conservant leurs caractéristiques industrielles mais dénués de propriétés hormonales », expliquent Patrick Balaguer et William Bourguet, directeurs de recherche Inserm.

« Nous poursuivons actuellement notre travail pour mettre au jour les structures cristallographiques avec d’autres perturbateurs endocriniens, tels que les alkylphénols, les pesticides, les parabènes ou encore les benzophénones, et ainsi étendre notre programme informatique à ces polluants environnementaux. La mise à disposition de ces résultats devrait également faciliter l’évaluation du caractère « perturbateur endocrinien » de l’ensemble des molécules visées par la réglementation REACH (140 000 composés)« , concluent les chercheurs.

Mieux cibler les origines du glaucome pour préserver la vue

Dans un article à paraître dans Plos One, des chercheurs de l’Inserm ont réussi à préserver la fonction visuelle de rats atteints de glaucome. Cette maladie, associée à une élévation anormale de la pression à l’intérieur de l’œil, peut conduire à la cécité. L’équipe de chercheurs dirigée par Christophe Baudouin au sein de l’Institut de la Vision ((Inserm/CNRS/UPMC) a ciblé des molécules spécifiques de l’inflammation : les chimiokines. Le blocage d’un des récepteurs aux chimiokines (CXCR3) a entrainé une diminution de la pression à l’intérieur de l’œil, grâce à la restauration de l’écoulement normal de l’humeur aqueuse, conduisant à une protection de la rétine et de la fonction visuelle.

Deuxième cause de cécité dans le monde, le glaucome touche cinquante à soixante millions de personnes dont 6 à 7 millions sont aveugles. En France, environ 800 000 personnes sont traitées pour un glaucome. Cette maladie se caractérise par une destruction progressive du nerf optique et une altération irréversible de la fonction visuelle, généralement associée à une élévation anormale de la pression à l’intérieur de l’œil.

Cette forte pression intraoculaire est causée par une résistance à l’écoulement normal de l’humeur aqueuse au niveau d’une structure oculaire spécifique : le trabéculum. Toutefois, la dégénérescence des tissus du trabéculum, à l’origine de ce dysfonctionnement, est mal comprise.

Les traitements actuels contre le glaucome ne ciblent pas directement la trabéculopathie originelle. Ceci pourrait en partie expliquer l’échec thérapeutique souvent observé et conduisant parfois à la cécité en dépit d’une prise en charge médicale optimale.

L’équipe de chercheurs dirigée par Christophe Baudouin à l’Institut de la Vision est impliquée dans l’étude des mécanismes physiopathologiques responsables de la trabéculopathie glaucomateuse, et plus spécifiquement du rôle de certaines molécules de l’inflammation appelées chimiokines.

Plusieurs chercheurs de cette équipe viennent de montrer sur des tissus de patients glaucomateux et sur une lignée cellulaire humaine de trabéculum, l’existence d’une balance entre la chimiokine  dite CXCL12, et une forme tronquée de celle-ci, le SDF-1(5-67). Tandis que la première favorise la viabilité des tissus du trabéculum via le récepteur CXCR4, l’autre forme induit la mort trabéculaire via le récepteur CXCR3. Il semble que le passage d’une forme « saine » à la forme tronquée est favorisé par un environnement particulier et des cytokines et métalloprotéinases impliquées dans le glaucome.

Dans un deuxième temps, les chercheurs ont observé dans un modèle animal de glaucome, que le blocage de CXCR3 permet de diminuer la pression intraoculaire, de restaurer la fonction de filtration du trabéculum, et de préserver ainsi la fonction visuelle en protégeant la rétine.

Ces travaux permettent d’améliorer la compréhension du glaucome. Pour Alexandre Denoyer, premier auteur de cette publication, « La stratégie inédite utilisée ciblant les chimiokines au niveau du trabéculum pourrait aboutir au développement d’un traitement innovant en remplacement ou en complément des traitements à long terme par les collyres actuels. »

Un test prédictif de risque de cancer du côlon

Une découverte présentée par Catherine Seva, biologiste Inserm.

Deux chercheuses de l’Inserm, Catherine Seva et Audrey Ferrand, issues d’une équipe mixte Inserm / Université Toulouse III – Paul Sabatier (Centre de recherches en cancérologie de Toulouse), viennent de mettre au point un test prédictif du risque de cancer colorectal. Ce test, basé sur la présence d’une protéine : la progastrine, permet de prédire la survenue de tumeurs chez des patients précédemment opérés de polypes considérés actuellement comme bénins. En pratique, ces tests pourraient être réalisés en routine sur ces polypes prélevés chez les patients afin d’identifier les personnes présentant un risque élevé de développer une lésion précancéreuse et pour lesquels aucun suivi n’est recommandé à ce jour. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Cancer Prevention Research.

Le cancer colorectal est la 4e cause de décès par cancer en France. Mars 2012 a été baptisé « Mars bleu », mois de mobilisation contre le cancer colorectal.


© Inserm
Un test prédictif de risque de cancer du côlon par Catherine Seva

En France, le cancer colorectal représente le 2e cancer le plus fréquent. Les polypes hyperplasiques sont les lésions colorectales les plus fréquentes. Près d’un quart de la population européenne entre 20 et 54 ans en développe. Ces lésions ont longtemps été considérées comme des lésions bénignes et à l’heure actuelle, aucun suivi n’est recommandé pour ces patients après l’ablation chirurgicale des polypes. Cependant, certains de ces polypes pourraient être des précurseurs de cancers colorectaux. Jusqu’à présent, rien ne permettait d’identifier le sous-groupe de polypes qui pouvait avoir un potentiel malin.

Dans l’optique de trouver un marqueur prédictif du risque de cancer colorectal chez les patients présentant des polypes hyperplasiques, qui sont les polypes les plus bénins, Catherine Seva et ses collaborateurs ont réalisé une étude clinique rétrospective sur 10 ans en analysant, sur des polypes hyperplasiques de 74 patients, la présence d’une protéine particulière, la progastrine, déjà connue pour être impliquée dans la cancérogenèse colique. Cette protéine produite par les cellules tumorales colorectales n’est d’ailleurs pas présente dans les cellules saines du côlon. Pour les chercheurs, il s’agissait de déterminer si son expression pouvait prédire l’apparition de lésions cancéreuses dans les années suivant la résection chirurgicale des polypes. « Lorsque nous avons émis cette hypothèse, nous pensions qu’une telle avancée serait très utile pour un suivi adéquat et une détection très précoce du cancer colorectal » explique Catherine Seva, directrice de recherche à l’Inserm.

Grâce à leurs analyses, les chercheurs ont montré une association significative entre des taux élevés de progastrine et la survenue ultérieure de lésions précancéreuses. Alors que ces polypes étaient considérés comme bénins et sans risque, 100% des patients qui présentaient des taux élevés de progastrine ont développé dans les 2 à 10 ans des adénomes, reconnus comme des lésions précoces du cancer colorectal. A l’inverse, chez les patients n’exprimant pas ou très peu cette molécule, aucune lésion ne s’est développée dans les 10 ans qui ont suivi le retrait des polypes.

Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont établi un test prédictif basé sur l’âge du patient et le marquage par immunohistochimie de la progastrine. Ce test permet de prédire, avec une très bonne sensibilité et spécificité, la survenue de tumeurs chez les patients ayant développé un polype hyperplasique.

Marquage en immunohistochimie d’un polype bénin hyperplasique qui ne présente pas de marquage de progastrine

© C. Seva / Inserm
Marquage en immunohistochimie d’un polype bénin hyperplasique qui ne présente pas de marquage de progastrine 

Marquage en immunohistochimie d’un polype bénin hyperplasique qui  présente un marquage de progastrine

© C. Seva / Inserm
Marquage en immunohistochimie d’un polype bénin hyperplasique qui présente un marquage de progastrine

« Alors qu’aucun suivi n’est recommandé à l’heure actuelle chez ces patients, mesurer l’expression de la progastrine dans les polypes hyperplasiques sert à connaître la population de patients présentant un risque élevé de développer une lésion précancéreuse », conclut Audrey Ferrand, chercheuse à l’Inserm et signataire de ce travail.

A la suite de cette étude, il pourrait être envisagé d’inclure un plus grand nombre de patients pour valider ce test en routine.

Ces travaux de recherche ont fait l’objet d’une protection par dépôt de demande de brevet par Inserm Transfert

Quand votre main gauche mime ce que fait votre main droite : une histoire de gène

Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’UPMC et de l’AP-HP au sein du Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle (CRICM) de la Pitié-Salpêtrière, viennent de mettre en évidence des mutations à l’origine de la maladie des mouvements en miroir congénitaux. Les personnes atteintes de cette maladie ont perdu la capacité de réaliser un mouvement différent des deux mains. Grâce au séquençage du génome de plusieurs membres d’une même famille française, le gène RAD51 a été identifié. Des travaux complémentaires menés chez la souris suggèrent qu’il s’agit d’un gène impliqué dans le croisement des voies motrices. Ce croisement est un point clé de transmission des informations cérébrales puisqu’il permet à la partie droite du cerveau de contrôler la partie gauche du corps et inversement. Ces travaux sont publiés dans la revue The American Journal of Human Genetics.

La maladie du miroir par Emmanuel Flamand-roze

Les mouvements en miroir congénitaux constituent une maladie rare qui se transmet de génération en génération. Les personnes atteintes ont perdu la capacité de réaliser un mouvement différent des deux mains : lorsqu’une main effectue un mouvement, l’autre main est « obligée » d’effectuer le même mouvement, même contre la volonté du sujet. Dans cette maladie, il est donc rigoureusement impossible d’avoir une activité motrice bi-manuelle telle que jouer du piano par exemple. Il arrive que l’on observe ces phénomènes chez les enfants, mais ils disparaissent généralement spontanément avant l’âge de 10 ans, surement grâce à la maturation des réseaux de neurones moteurs. Toutefois chez les personnes malades, les symptômes de la maladie débutent dès la petite enfance et restent inchangés tout au long de la vie.

En 2010, des chercheurs québécois ont découvert un gène responsable de la maladie grâce à l’analyse du génome des membres d’une grande famille canadienne. Des mutations avaient été identifiées dans le gène DCC (Deleted in Colorectal Carcinoma). Après cette découverte, l’équipe de chercheurs et de médecins coordonnée par Emmanuel Flamand-Roze a donc cherché des mutations de ce gène chez plusieurs membres d’une famille française atteinte de la maladie des mouvements en miroir congénitaux : sans succès. « Le gène DCC était intact, explique Emmanuel Flamand-Roze. Alors que l’on croyait toucher au but, il a donc fallut chercher une mutation dans un autre gène. » ajoute-t-il.

Par une approche couplant une analyse génétique conventionnelle et une analyse en « whole exome » (une technique d’analyse génétique de nouvelle génération permettant le séquençage entier de la partie signifiante du génome) les chercheurs ont démontré que le gène RAD51 était responsable de la maladie des mouvements en miroir congénitaux dans une grande famille française et confirmé ce résultat dans une famille allemande atteinte de la même maladie.

« Le gène RAD51 était bien connu de la communauté scientifique pour son rôle potentiel dans la survenue de certains cancers et dans les phénomène de résistance aux chimiothérapies » explique Emmanuel Flamand-Roze. « Nous avons donc cherché s’il pouvait avoir une fonction différente pouvant expliquer les symptômes moteurs de cette maladie. »

Le système moteur se constitue chez l’homme selon une organisation croisée : le cerveau gauche commandant la motricité du côté droit et réciproquement, avec un croisement qui s’effectue au niveau du tronc cérébral. En étudiant l’expression de la protéine RAD51 au cours du développement du système moteur chez la souris, les chercheurs ont découvert que ce gène pourrait être impliqué dans le croisement des voies motrices reliant le cerveau à la moelle épinière au niveau du tronc cérébral.

Cette découverte ouvre un champ complètement nouveau d’investigation pour la connaissance du développement du système moteur et pour une meilleure compréhension des mécanismes cérébraux qui contrôlent la motricité bi-manuelle (très mal connus). Elle pourrait ainsi permettre d’apporter un éclairage sur d’autres désordres moteurs impliquant une altération de l’organisation fine du mouvement tels que la dystonie ou sur certaines maladies génétiques neuro-développementales.

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