Localisation des bactéries dans l’iléum de souris soumises à un régime standard (image de gauche) ou à un régime riche en graisse (image de droite).
© Institut Pasteur
Les milliards de bactéries qui peuplent notre intestin – et qu’on appelle le microbiote – jouent un rôle central dans la digestion mais aussi dans certaines maladies comme le diabète de type 2 ou l’obésité. Ces pathologies ont souvent été associées à un déséquilibre de la flore intestinale, certaines bactéries devenant clairement prédominantes, et à un intestin perméable, susceptible de libérer dans le sang des substances inflammatoires. Mais si de nombreuses études se sont intéressées à l’état du microbiote intestinal une fois la pathologie installée, très peu se sont focalisées sur l’installation de ce déséquilibre intestinal lors de l’introduction d’une alimentation riche en graisse par exemple. C’est pourquoi une équipe internationale de recherche s’est penchée sur la question. « Nous voulions voir, de façon précoce, comment se comportaient les bactéries intestinales face à un régime riche en gras, souligne Thierry Pédron, ingénieur de recherche dans l’unité de Pathogénie microbienne moléculaire (Institut Pasteur/Inserm). Et rapidement, nous avons concentré nos recherches sur l’intestin grêle car c’est là que nous avons observé les variations les plus flagrantes ! »
Certaines souris de l’étude ont donc reçu une alimentation ordinaire tandis que d’autres recevaient une alimentation composée à 70 % de lipides. Grâce à des techniques de génomique, les chercheurs ont pu identifier les différentes espèces bactériennes contenues dans des échantillons de fèces et suivre l’évolution de la composition du microbiote au cours du temps. Ils ont également localisé et identifié avec précision les bactéries au sein de l’intestin grêle.
D’ordinaire, les bactéries ne peuvent pas se rapprocher ni même traverser la paroi intestinale car l’épithélium libère des peptides antimicrobiens et il est tapissé d’un mucus protecteur. Les chercheurs se sont alors intéressés à ces défenseurs de la paroi intestinale : ils ont constaté que la production de peptides antimicrobiens chutait suite à une ingestion massive de lipides et que la couche de mucus s’affinait. Autrement dit, non seulement le microbiote se réorganise sous l’influence des lipides mais l’intestin, lui-même, subit des métamorphoses. Et les modifications ne s’arrêtent pas là. Des mesures complémentaires ont permis de mettre en évidence une augmentation de la perméabilité de l’intestin grêle et une diminution de l’activité de PPAR-γ. « PPAR-γ est une molécule qui a de nombreuses fonctions, elle joue un rôle important dans le métabolisme des acide gras, mais aussi dans l’inflammation et le développement embryonnaire, explique Thierry Pédron. Cette chute semble intimement liée à celle des peptides antimicrobiens. » Et si les liens entre tous ces résultats, et leurs implications potentielles dans certains déséquilibres alimentaires, ne sont pas encore établis, il est rassurant de noter que lorsque les souris retrouve un régime alimentaire équilibré, tout rentre dans l’ordre au bout d’un mois !