Seules 10 % des personnes infectées par la Mycobacterium tuberculosis, responsable de la tuberculose, vont développer la maladie. Pourquoi ? C’est une des questions que s’est posé Jean-Laurent Casanova et son équipe de l’Unité Inserm 980 “Génétique humaine des maladies infectieuses” / Université Paris Descartes avec leurs collaborateurs de l’Université Rockefeller de New York. Pour tenter d’y répondre, les chercheurs se sont penchés sur l’étude des composantes génétiques de la susceptibilité aux mycobactéries chez l’homme. Leurs travaux, qui paraissent cette semaine dans la revue Science, mettent en évidence l’importance d’une protéine spécifique, appelée ISG15, dans l’immunité contre les mycobactéries.
© Inserm – En rouge : cellules de poumon infectées par des mycobactéries
La tuberculose est provoquée par une mycobactérie, principalement Mycobacterium tuberculosis (ou bacille de Koch). On estime qu’un quart de la population humaine est infectée par la tuberculose et 10 % de cette population (233 millions d’êtres humains) développera des signes cliniques de la maladie. A ce jour, 1,4 million de morts par an sont attribués à la tuberculose. Les traitements antibiotiques actuels deviennent moins actifs et au moins 50 % de ceux qui sont vaccinés ne développent aucune immunité, signant l’échec de la vaccination. De nouvelles stratégies sont donc nécessaires, pour lutter efficacement contre la tuberculose.
L’enjeu des travaux de l’équipe de Jean-Laurent Casanova depuis plus de 15 années consiste à comprendre pourquoi l’ensemble de la population infectée ne déclare pas la maladie. Il y a un siècle, il a été montré que des vrais jumeaux, qui partagent un matériel génétique et un environnement identique, ont une plus forte chance de développer tous les deux la maladie, comparés aux faux jumeaux qui vivent dans le même environnement. C’est pourquoi les chercheurs ont décidé de tester l’hypothèse de déterminants génétiques du développement de la maladie.
Pour identifier ces composantes génétiques chez des enfants souffrant d’infections mycobacteriennes, les dernières technologies de séquençage du génome entier humain ainsi que l’ensemble des moyens matériels de l’Université de Rockefeller ont été utilisés.
En 2010, l’équipe a identifié l’étiologie génétique responsable de la maladie chez trois enfants issus de deux familles indépendantes : deux mutations du gène ISG15, aboutissant à une perte de fonction totale, ont été observées.
Le rôle d’ISG15 avait été principalement décrit jusqu’alors in vitro et in vivo chez le modèle murin dans l’immunité antivirale. Les souris déficientes en ISG15 montrent une plus grande susceptibilité à l’infection par M. tuberculosis, comparées à des souris sauvages.
Dans l’article publié ce 2 août dans Science, l’équipe de Jean-Laurent Casanova détaille le mode d’action de la protéine ISG15. Les chercheurs montrent qu’il s’agit d’une molécule sécrétée en réponse à l’infection mycobacterienne, qui induit la production d’IFN-γ (1). Ces travaux mettent donc en lumière un nouvel acteur, ISG15, dans la lutte contre les maladies mycobactériennes.
De nombreuses perspectives s’ouvrent grâce à cette découverte. Sur le plan médical, le dépistage de nouveaux patients est en cours, et une alternative thérapeutique pourrait être l’injection d’IFN-γ. Sur le plan scientifique, la compréhension fine du mécanisme d’action d’ISG15 et de ses régulations permettra certainement une meilleure connaissance de l’immunité anti-mycobactérienne, étape nécessaire à la lutte contre la tuberculose.
(1) Un “messager” produit par le système immunitaire en présence d’une agression virale ou bactérienne dont le rôle crucial dans la lutte contre les mycobactéries a déjà été démontré.