Crédit @ MNHN/CNRS – Christine Bailly
Un banal champignon pourrait-il aider à combattre certaines maladies génétiques ? Si surprenante soit-elle, c’est bien la découverte que viennent de faire des chercheurs français de l’Inserm, du Muséum national d’Histoire naturelle, du CNRS, de l’Université de Lille et de l’Institut Pasteur de Lille[1]. En passant au crible de nombreux extraits, les chercheurs ont ainsi mis en évidence une activité significative d’un extrait du champignon Lepista inversa, sur trois lignées cellulaires isolées de patients atteints de mucoviscidose. Ces travaux sont publiés dans la revue Plos One.
Environ 10% des malades atteints de maladies génétiques rares, telles que la mucoviscidose ou la myopathie de Duchenne, (ou plus fréquentes comme certains cancers), sont porteurs d’une mutation non-sens, c’est-à-dire d’un changement dans la séquence de l’ADN. Cette mutation se traduit par la présence d’un “codon stop” qui ne code aucun acide aminé connu et arrête prématurément la synthèse des protéines issues des gènes mutés. Dès lors, les protéines obtenues sont tronquées et dysfonctionnent. Incapables d’assurer leur rôle au sein de l’organisme, elles entrainent les conséquences délétères que l’on connaît : obstruction des bronches et incapacité respiratoire dans la mucoviscidose et destruction des muscles dans la myopathie.
Plusieurs stratégies sont aujourd’hui développées pour corriger les conséquences d’une mutation non-sens. La translecture est une des pistes parmi les plus prometteuses. Elle consiste à ce que la machinerie cellulaire continue la synthèse de la protéine malgré la présence d’un “codon stop” dans l’ADN. Pour cela, au moment de la transformation de l’ARN en protéine, des molécules “leurre” situées dans l’environnement très proche de la machinerie cellulaire peuvent tromper sa vigilance et permettre, comme si de rien n’était, la fabrication d’une protéine complète. Néanmoins, les molécules capables de jouer ce rôle et identifiées jusqu’à présent ont une efficacité très limitée et/ou une toxicité importante.
@ Extrait du journal Médecine sciences https://doi.org/10.1051/medsci/2012282018
En alliant leurs savoir-faire et grâce à l’utilisation d’un système de criblage sur la chimiothèque-extractothèque du Muséum national d’Histoire naturelle, deux équipes de scientifiques[2] ont réussi à montrer que l’extrait d’un champignon, Lepista inversa ou clitocybe inversé, est capable de restaurer très efficacement l’expression de gènes humains présentant des mutations non-sens sur des cellules en culture.
Une activité significative a aussi été mise en évidence sur des cellules de patients atteints de mucoviscidose[3] grâce à la collaboration des deux laboratoires de recherche avec le CHU de Lille, Les Hospices Civils de Lyon, l’hôpital Cochin et l’association Vaincre la Mucoviscidose.
“Quand on sait que restaurer 5% de protéines fonctionnelles dans la mucoviscidose pourrait avoir un impact sur les conséquences de la maladie, ces travaux sont extrêmement encourageants.” Estiment les auteurs qui précisent que cette stratégie présente aussi l’avantage de ne pas toucher au patrimoine génétique des patients.
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Cette découverte est porteuse d’espoir car ce champignon, bien que non prisé pour ses qualités gustatives, est comestible ; il est de plus très courant – il pousse en Ile-de-France et dans diverses régions de France et d’Europe.” explique Fabrice Lejeune, chercheur à l’Inserm et dernier auteur de ce travail. Les étapes pour aboutir à une réelle stratégie thérapeutique sont encore longues” nuance-t-il. “Il faut encore que l’on arrive à purifier les molécules d’intérêt présentes dans cet extrait puis les tester in vivo pour contrôler leur efficacité sur le long terme et l’absence de toxicité.”
Cette étude pluridisciplinaire montre également l’intérêt de la collection d’extraits conservée dans l’extractothèque du Muséum pour des équipes de biologistes et de chimistes travaillant dans le domaine de la santé.
[1] Laboratoire Mécanismes de la Tumorigenèse et Thérapies Ciblées (CNRS, Université de Lille, Institut Pasteur de Lille) et laboratoire Molécules de Communication et Adaptation des Microorganismes (MNHN, CNRS)
[2] Laboratoire Mécanismes de la Tumorigenèse et Thérapies Ciblées (CNRS, Université de Lille, Institut Pasteur de Lille) et laboratoire Molécules de Communication et Adaptation des Microorganismes (MNHN, CNRS)