Le transport routier est l’un des principaux vecteurs de propagation des épidémies animales. Il est donc crucial de comprendre comment des animaux potentiellement infectés sont échangés et transportés dans un pays. Une équipe franco-italienne incluant des chercheurs du Centre de physique théorique (CNRS/Aix-Marseille Université/Université du Sud Toulon Var) et de l’unité Epidémiologie, systèmes d’information, modélisation (Inserm/UPMC) (1), vient de présenter des simulations numériques à grande échelle permettant de recréer des scénarios de propagation d’une épidémie potentielle touchant les bovins en Italie. Ce modèle, le premier à prendre en compte les variations journalières du réseau italien de transport d’animaux, pourrait permettre de développer des stratégies de prévention et de surveillance plus efficaces. Ces travaux sont publiés en ligne sur le site du Journal of the Royal Society Interface.
La possibilité de transporter des animaux de ferme sur de grandes distances est vitale pour l’élevage et l’industrie agroalimentaire. Cependant, ceci fournit aux pathogènes des moyens de se répandre. On peut citer comme exemples l’épidémie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni en 2001, qui a eu un coût estimé de 8 milliards de livres, ou l’épidémie de peste porcine en Allemagne en 2006, qui a eu des coûts indirects estimés à 60 millions d’euros. De plus, sujet d’inquiétude grandissant, les maladies animales peuvent représenter une menace pour la santé humaine, comme l’ont montré récemment la grippe H1N1 ou la grippe aviaire.
Afin de mieux comprendre comment des animaux potentiellement infectés sont échangés et transportés dans un pays, et comment cela peut jouer sur la propagation d’une épidémie, les chercheurs ont utilisé le registre de déplacement de 5 millions de bovins au long de l’année 2007. Ils ont créé un modèle à partir d’outils venus de l’analyse des réseaux complexes. En mathématiques, un réseau est une série de points reliés par des liens. Dans le cas présent, les points représentaient les fermes et les liens, le transport d’animaux de l’une à l’autre.
L’originalité principale de ce modèle est de prendre en compte les modifications d’une semaine sur l’autre, ou même d’un jour sur l’autre, du réseau italien de transport d’animaux. Les modèles traditionnels prennent comme base un réseau figé, ce qui peut conduire à des mesures de prévention et de contrôle inadéquates.
Les simulations numériques construites par les chercheurs permettraient de prédire comment une maladie survenue dans n’importe quelle ferme italienne se propagerait par la route à travers tout le pays. Il pourrait surtout aider à identifier les fermes à surveiller en priorité lorsqu’une épidémie se déclenche, ou lorsque l’on soupçonne qu’une épidémie est en cours. Il permettrait enfin, lors d’une crise, de retracer le chemin parcouru par l’infection et d’en découvrir la ferme d’origine. Ces travaux montrent aussi que les fermes les plus intéressantes à surveiller ne sont pas seulement celles où le trafic d’animaux est le plus intense, comme le prévoiraient des modèles plus simples ne tenant pas compte de la dynamique du réseau. Difficiles à identifier par des caractéristiques standard, les chercheurs développent actuellement les méthodes mathématiques pour y parvenir.
Ce travail, fondamental dans le sens où son but était de développer de nouveaux outils mathématiques, pourrait facilement servir comme base à la création d’un outil performant et simple d’utilisation destiné aux autorités sanitaires. En outre, les chercheurs veulent à présent étendre leur étude au reste de l’Europe.
Chemins de propagation d’épidémies
Répartition géographique des groupes de fermes dans le réseau italien de transport de bovins
(1) En collaboration avec la Fondation ISI (Turin, Italie) et l’Instituto Zooprofilattico Sperimentale Abruzzo-Molise (Teramo, Italie).