L’équipe de Claire Wyart, chercheuse Inserm au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, vient de mettre en évidence la capacité de neurones sensoriels situés dans la moelle épinière à moduler le mouvement. Chez le poisson zèbre, les chercheurs ont montré que l’activation de ces neurones déclenche la locomotion lorsque l’animal est au repos et l’inhibe lorsque l’animal est en mouvement. Ces résultats suscitent l’espoir de pouvoir, un jour, stimuler précisément ces circuits pour générer un mouvement chez des patients victimes de lésion de la moelle épinière. Ces travaux sont publiés dans Current Biology.
Les lésions de la moelle épinière entraînent des paralysies graves et ne bénéficient d’aucun traitement à ce jour. Lors de l’interruption de la communication entre le cerveau et la moelle épinière, le cerveau ne peut plus contrôler les mouvements de façon volontaire. Cependant, il existe au sein de la moelle épinière, des circuits autonomes générateurs de la marche qui assurent le programme locomoteur, une fois la décision prise au niveau du cerveau de se déplacer. Cette aptitude à entretenir le mouvement provient de la capacité du réseau locomoteur spinal à générer des oscillations électriques.
Afin de comprendre le fonctionnement et la modulation du réseau locomoteur spinal, l’équipe de Claire Wyart étudie la motricité chez le poisson zèbre. Ce vertébré transparent est particulièrement adapté à l’optogénétique, technologie de pointe qui permet de stimuler des neurones cibles grâce à la lumière. Grâce à cette méthode, les neurones stimulés s’allument et sont visibles en transparence.
Les chercheurs ont exploité cette technologie pour identifier et comprendre le fonctionnement d’un nouveau circuit neuronal impliqué dans le contrôle du mouvement. En l’activant à différents moments (animal au repos ou en mouvement), les chercheurs ont mis en évidence des connexions capables de générer les oscillations qui permettent au poisson de se mouvoir. L’originalité de ce circuit est qu’il dépend de l’activité de neurones sensoriels qui en cascade finissent par activer des neurones moteurs.
De façon surprenante, les chercheurs observent que la modulation de la locomotion dépend de l’état initial de l’animal. En effet, la stimulation déclenche la locomotion quand l’animal est à l’état de repos tandis qu’elle l’inhibe quand l’animal est déjà en train de nager. ” Cette modulation est complexe et va dépendre du contexte” explique Claire Wyart, principale auteur de ces travaux.
En 2014, cette même équipe avait montré que ce circuit est conservé entre les différentes espèces vertébrées, en particulier chez les primates. Ces travaux originaux chez le poisson zèbre ouvrent ainsi de nombreuses pistes de recherche pour comprendre la modulation du circuit locomoteur chez l’homme.
Pour la première fois, un type de neurones sensoriels capables d’exercer une modulation sur le réseau locomoteur spinal a été identifié.