Chaque année, les services d’urgences des hôpitaux français reçoivent plus de 100 000 personnes victimes d’un traumatisme crânien, dont 90% sont considérés comme légers. Léger ne signifie pas pour autant bénin. Ils peuvent en effet être responsables d’hémorragies cérébrales entraînant un risque de handicap sévère, dans la vie quotidienne des patients, quelques semaines ou quelques mois après un choc. Les accidents de la route en sont la première cause et touchent en majorité les 15-25 ans. Mais les chutes font des jeunes enfants et des personnes âgées des publics exposés, le vieillissement de la population laissant craindre un nombre toujours plus important de traumatismes auprès des plus anciens. Au regard de sa fréquence et de ses conséquences potentiellement graves, le traumatisme crânien léger constitue un problème de santé publique de taille. La généralisation de l’utilisation du scanner cérébral constitue à la fois un enjeu financier et de santé publique. Lourd et coûteux, il ne révèle des lésions significatives que dans moins de 10 % des cas et produit des doses de radiations 100 fois plus forte qu’une radiographie.
Les chercheurs de l’Inserm ont évalué la pertinence d’un test sanguin qui déterminerait la gravité du traumatisme et permettrait de ne pratiquer un scanner qu’à un petit nombre de patients, ceux qui présentent un risque réel de complication. Lorsqu’ils sont soumis à un stress trop important, les astrocytes, des cellules qui environnent les neurones de notre cerveau, produisent une protéine appelée S-100B que l’on retrouve dans la circulation sanguine. Des chercheurs ont alors pensé qu’en dosant cette protéine par une simple prise de sang, on disposerait d’un indicateur de l’état du cerveau : avec ou sans lésions importantes, nécessitant de surveiller le patient. Ce test peu onéreux (environ 15 euros soit dix fois moins qu’un scanner), dont les résultats peuvent être connus en moins d’une heure, pourrait donc permettre de rassurer rapidement les patients sans avoir à pratiquer un scanner cérébral. Mais pour que ce test soit performant, il fallait être certain qu’aucun des patients présentant un test négatif ne risquait de développer une complication (des cas “faux négatifs”).
Pour confirmer que la “piste” de cette protéine S-100B était intéressante, les chercheurs ont recruté plus de 1500 patients pendant 15 mois au sein du service des urgences adultes du CHU de Bordeaux. Pour les besoins de l’étude, tous les patients présentant un traumatisme crânien léger ont reçu, comme dans la pratique courante, un scanner cérébral et il leur a été proposé en plus de pratiquer à partir d’un peu du sang déjà prélevé pour les autres examens de routine le dosage de la protéine S-100B.Grâce à l’implication de l’ensemble des personnels et la mise à disposition d’attachés de recherche clinique spécialement formés, le projet a pu être mené à bien malgré les contraintes liées à l’activité d’un service d’urgence.
En comparant les résultats des deux examens (scanner et protéine S-100B) les chercheurs ont pu faire les constatations suivantes :
– seuls 7 % des patients présentaient un scanner positif, évoquant une lésion cérébrale
– parmi les 292 patients qui avaient un test de la protéine S-100B négatif, un seul avait un scanner positif et il n’a pas développé de complications nécessitant des soins importants.
Pour les chercheurs, “Le test sanguin de la protéine S-100B est donc une technique prometteuse qui permettra vraisemblablement dans un avenir proche d’apporter une prise en charge des traumatisés crâniens légers plus sûre et moins coûteuse”.