OMS©C. Onuekwe
L’OMS recommande une dose unique de vaccin contre la fièvre jaune à partir de l’âge de 9 mois pour les personnes qui habitent ou se rendent dans les zones à risque de transmission de la maladie, mais des données manquent sur l’efficacité à long terme du vaccin lorsqu’il est administré aux nourrissons. José Enrique Mejía, chercheur Inserm au Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (Inserm/UT3 Paul Sabatier/CNRS) et Cristina Domingo (Institut Robert Koch, Berlin) viennent de montrer qu’environ la moitié des enfants initialement protégés par la vaccination à 9 mois ne le seraient plus dans les deux à cinq ans qui suivent, en raison de la disparition des anticorps neutralisants. Ces travaux sont parus dans The Lancet Infectious Diseases.
La fièvre jaune est une maladie virale transmise par différentes espèces de moustiques qui sévit dans 34 pays d’Afrique et 13 d’Amérique latine. L’infection peut être asymptomatique et passer inaperçue ou, au contraire, évoluer rapidement vers une maladie sévère associant fièvre, céphalées, douleurs musculaires, nausées, vomissements, fatigue. Le virus s’attaque aux cellules du foie, et provoque souvent une jaunisse qui a donné son nom à la maladie. Des troubles hémorragiques graves surviennent dans 25 à 50 % des cas, avec une mortalité élevée observée 7 à 10 jours après le début des symptômes.
Leur étude a permis de vérifier si des enfants vaccinés vers l’âge de 9 mois étaient toujours protégés par la vaccination plusieurs années après. Pour cela, les chercheurs se sont appuyés sur deux cohortes d’enfants du Mali (587 enfants) et du Ghana (436 enfants) au sein desquelles les taux d’anticorps spécifiques du virus de la fièvre jaune avaient été mesurés quatre semaines après la vaccination. Ils ont de nouveau mesuré les taux de ces anticorps spécifiques plusieurs années après, sachant qu’à la suite de travaux antérieurs, ils ont estimé qu’un taux supérieur à 0,5 IU/ml devait permettre de protéger les enfants de l’infection.
Dans la cohorte malienne, 4 ans et demi après la vaccination, seulement la moitié des enfants présentaient encore un taux d’anticorps supérieur à 0,5 IU/ml. Et 19,3 % présentaient des anticorps détectables contre le virus mais à un taux inférieur à ce seuil recommandé (<0,5 IU/ml). Le taux d’enfants séropositifs pour ces anticorps était donc de 69,7 % alors qu’il avait atteint 96,7 % juste après la vaccination.
Dans la cohorte ghanéenne, 2 ans et demi après la vaccination, seulement près de 30 % des enfants étaient encore protégés contre l’infection et 11,7 % présentaient toujours des anticorps spécifiques mais en faible concentration (<0,5 IU/ml). Ainsi, 39,4 % d’enfants au total étaient considérés comme séropositifs contre 72,7 % peu de temps après la vaccination.
Indépendamment des différences d’efficacité vaccinale entre ces deux groupes qui pourraient s’expliquer par des facteurs ethniques et environnementaux (population urbaine/rurale, saisonnalité de la vaccination, régime alimentaire, exposition à d’autres agents infectieux, etc.), les résultats montrent dans les deux cas une chute importante des taux d’anticorps protecteurs dans les années qui suivent la vaccination, pratiquement de moitié, et qui prédit l’absence de protection contre l’infection pour de nombreux enfants.