Des chercheurs du laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses (Université Paris Descartes, Inserm), sous la direction du Dr Anne Puel et du Pr Jean-Laurent Casanova, en étroite collaboration avec des équipes françaises et étrangères*, viennent de démontrer l’implication du gène CARD9 dans la dermatophytose profonde. Il s’agit d’une maladie infectieuse fongique qui peut, dans certains cas, être mortelle. Ces résultats renforcent l’hypothèse que les maladies infectieuses peuvent être des maladies héréditaires monogéniques de la réponse immunitaire. Cette découverte majeure ouvre la voie à de nouvelles possibilités diagnostiques et à de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Ces travaux font l’objet d’une publication ce 16 octobre 2013 dans la revue The New England Journal of Medicine.
Les dermatophytes sont des champignons filamenteux ubiquitaires, faiblement virulents, habituellement responsables d’infections superficielles bénignes de la peau (herpès circiné), des ongles (onychomycoses) et du cuir chevelu (teigne). Chez certaines personnes, les dermatophytes peuvent envahir les couches profondes de la peau (le derme et l’hypoderme), disséminer vers les ganglions lymphatiques, et occasionnellement les os, l’intestin et/ou le cerveau, conduisant alors à une maladie pouvant engager le pronostic vital : la dermatophytose profonde.
Cette maladie a été décrite pour la première fois en 1959 et appelée « maladie dermatophytique » chez des individus par ailleurs sains (ne présentent pas d’infections sévères par d’autres microorganismes), essentiellement d’origine Nord-Africaine et issus de familles consanguines et/ou de familles avec plusieurs individus atteints. Ces observations suggèrent fortement qu’un défaut héréditaire monogénique est à l’origine d’une réponse immunitaire défectueuse contre les dermatophytes. De façon remarquable, ces patients sont très vulnérables aux dermatophytes alors qu’ils sont résistants aux autres microorganismes durant toute leur vie.
Les chercheurs se sont intéressés au gène CARD9 dont la protéine joue un rôle majeur dans la signalisation cellulaire déclenchée par l’activation de récepteurs de surface (les lectines de type C), qui reconnaissent certains composants de la paroi des champignons et induisent une réponse immunitaire adaptée. En étudiant 17 patients issus de 8 familles consanguines d’origine nord-africaine présentant une dermatophytose profonde, sans facteur de risque connu, les chercheurs ont pu démontrer l’implication du gène CARD9 dans le développement de cette pathologie. En effet deux mutations homozygotes (Q289X et R101C) de CARD9 ont été identifiées chez ces patients. Ces mutations, portées par les 2 allèles, induisent une perte de fonction de la protéine. La ségrégation familiale montre une transmission autosomique récessive avec une pénétrance clinique complète.
« Nos résultats montrent sans ambiguïté que CARD9 est la cause génétique de la dermatophytose profonde, explique Anne Puel. Notre découverte élargit le spectre des infections fongiques associées à un déficit en CARD9. Elle renforce également l’hypothèse que les maladies infectieuses peuvent être des maladies héréditaires monogéniques de la réponse immunitaire ».
Ces travaux ouvrent de nouvelles possibilités diagnostiques et probablement thérapeutiques de la pathologie. Ils permettent le diagnostic génétique précoce conduisant à un traitement prophylactique antifongique permettant de limiter l’évolution de la maladie, mais également la mise en place d’un conseil génétique aux familles de patients.
* en collaboration avec le Service de Maladies Infectieuses et Tropicales, dirigé par Pr Olivier Lortholary, le Centre d’Etude des Déficits Immunitaires dirigé par Pr Capucine Picard (Hôpital Necker Enfants malades, AP-HP, Paris), le Département d’Immunologie dirigé par Pr Bodo Grimbacher (Royal Free Hospital & University College London, UK), le service de dermatologie de l’Hôpital Saint-Louis (AP-HP, Paris), les services de dermatologie et de maladies infectieuses d’Alger, de Tlemcen (Algérie), de l’hôpital Erasme à Bruxelles, de l’hôpital Farhat Hached à Sousse (Tunisie), vient d’être publié dans la revue NJEM.