Le syndrome de l’intestin irritable (SII), un des troubles fonctionnels intestinaux, est caractérisé par des douleurs et/ou un inconfort abdominal. Des chercheurs du laboratoire CNRS/Inserm “Institut de génomique fonctionnelle” et de l’unité Inserm “Pharmacologie fondamentale et clinique de la douleur”, en collaboration avec les universités de Montpellier et de Clermont Ferrand, ont découvert une cible potentielle dans le traitement des douleurs abdominales générées par ce syndrome. Pour la première fois, ils ont montré chez l’animal que des canaux présents en grand nombre dans les neurones situés le long du côlon sont impliqués dans les phénomènes d’hypersensibilité colique. Ces canaux pourraient constituer, dans un avenir proche, une cible alternative efficace dans la prise en charge des douleurs abdominales liées au SII et, plus largement, aux douleurs viscérales. Les résultats de ces travaux sont publiés sur le site internet de la revue PNAS.
On estime que le syndrome de l’intestin irritable touche environ 10 % de la population, principalement des femmes et il représente la cause principale de consultation en gastroentérologie. Ce syndrome est associé à d’autres syndromes ou symptômes en lien ou non à des perturbations de la sensibilité : fibromyalgie, migraine, fatigue chronique, dépression, anxiété, phobie… La complexité et l’absence de cause évidente de la maladie font que son traitement, par des constipants ou des laxatifs pour les troubles de motricité et par des antispasmodiques ou des antidépresseurs pour les douleurs abdominales, reste souvent d’efficacité limitée.
Des canaux situés sur… des neurones du côlon
Les chercheurs se sont intéressés à une cible potentielle du traitement de la douleur abdominale, la famille des canaux calciques (dépendants du voltage). Ces canaux jouent un rôle important dans l’excitabilité des neurones en s’ouvrant lorsqu’un signal électrique les stimule. Les chercheurs ont montré pour la première fois l’implication de certains canaux calciques, “les Cav 3.2”, dans les phénomènes de sensibilité colique. Ces canaux, localisés dans des neurones dont les terminaisons nerveuses se situent dans le côlon (Figure ci-dessous), ont déjà été mis en cause dans des douleurs provenant de territoires cutanés, d’articulations et de muscles.
e schéma montre qu’une injection de traceur fluorescent dans la paroi du côlon est capable de marquer les extrémités des neurones sensoriels qui innervent cette région. Par leur fluorescence orange, il est ensuite possible d’identifier au sein des ganglions sensoriels les neurones détectant la douleur dans le colon.
Aujourd’hui, l’équipe des laboratoires de l’Inserm et du CNRS révèle qu’en cas d’hypersensibilité colique à l’origine des douleurs abdominales, les canaux “Cav3.2” sont surexprimés et fonctionnellement plus actifs dans les neurones du côlon par rapport à d’autres neurones.
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont mis en place un dispositif innovant. Ils ont réussi à individualiser spécifiquement les neurones provenant de la muqueuse colique et constaté, in vitro, grâce à l’injection de marqueurs fluorescents, qu’ils contenaient beaucoup de ces canaux ioniques. En parallèle, ils ont utilisé un modèle mimant le syndrome de l’intestin irritable chez l’animal et mesuré cette fois-ci, in vivo, la sensibilité colique (mesures des crampes abdominales) en fonction de l’activité des canaux “Cav3.2”.
“Lorsque l’activité de ces canaux est limitée soit par l’inhibition de leur synthèse soit en les bloquant à l’aide de substances pharmacologiques, la sensibilité colique diminue”, souligne Emmanuel Bourinet, un des principaux auteurs de l’étude.
Bien que les mécanismes en jeu dans la suractivité des canaux soient mal connus, les chercheurs suggèrent que “ce n’est pas l’augmentation de leur synthèse qui est en cause mais la place stratégique de ces canaux, localisés en grand nombre sur la membrane des cellules, qui pourrait expliquer leur activité plus importante dans ces contextes douloureux”.
L’équipe de recherche tente aujourd’hui de “mieux préciser le rôle des canaux ioniques Cav3.2 impliqués dans les processus de sensibilisation en utilisant des bloqueurs spécifiques des canaux qui pourraient, dans un avenir proche, représenter des alternatives efficaces dans la prise en charge des douleurs abdominales liées au SII et plus généralement des douleurs viscérales” concluent les chercheurs.
Identification des neurones dans le colon © Inserm