Une étude collaborative de grande ampleur, conduite par une équipe française réunissant des services des maladies infectieuses et tropicales de l’AP-HP, des laboratoires de bactériologie et d’hygiène hospitalière, de l’Unité de Recherche Clinique de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard, de l’Université Paris Diderot, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur et de l’InVS, révèle l’acquisition d’entérobactéries multi-résistantes (EMR) chez un voyageur sur deux de retour d’un séjour dans des pays situés en zone tropicale. Ces résultats ont été publiés dans la revue internationale Clinical Infectious Diseases, le 22 avril 2015.

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Les entérobactéries sont des micro-organismes naturellement présents dans notre tube digestif. Si certaines sont parfaitement inoffensives, d’autres peuvent être responsables d’infections graves. Dans ce cas, les patients sont traités à l’aide d’antibiotiques. Malheureusement, une partie de ces bactéries y sont résistantes rendant difficile le traitement de ces maladies.
Les équipes coordonnées par Sophie Matheron et Etienne Ruppé ont mené une étude sur 824 personnes bien portantes, avant et après un séjour en zone tropicale (Afrique subsaharienne, Asie ou en Amérique du sud). Ces personnes ont été sollicitées pour répondre à un questionnaire médical et fournir un prélèvement des selles dans la semaine précédant leur départ et dans les trois jours suivant leur retour. Cette étape était répétée chez les voyageurs porteurs d’entérobactéries multi-résistantes (EMR) jusqu’à ce que les prélèvements deviennent négatifs.
L’étude a permis de révéler une fréquence globale d’acquisition d’EMR dans le tube digestif de 51% pendant le voyage, soit chez un voyageur sur deux. Cette fréquence élevée diffère selon les zones géographiques visitées : au retour d’Asie, plus de 72 % des voyageurs en sont porteurs, plus de 47 % au retour d’Afrique Subsaharienne et un peu plus de 31 % au retour d’Amérique du sud.
L’acquisition de ces microorganismes est favorisée par la prise d’antibiotiques (qui altèrent l’effet de protection « barrière » naturelle des bactéries normalement présentes dans le tube digestif), la survenue d’une diarrhée pendant le voyage et le type de voyage. Les séjours ouverts (voyage organisé, familial ou de type « routard ») présentent un risque plus élevé que les séjours fermés en hôtel-club. Le suivi prolongé des voyageurs montre que 95 % d’entre eux éliminent spontanément ces EMR dans les 3 mois suivant leur retour.
Cette étude rappelle l’importance d’un usage prudent des antibiotiques (souvent consommés de manière excessive en cas de simple diarrhée), celle du respect des règles de prévention et d’hygiène élémentaires (laver les aliments, se laver les mains, boire de l’eau en bouteille, etc…) pendant le voyage. Grâce à des consultations dédiées, les centres de vaccinations internationales et de conseils transmettent ces informations aux voyageurs. Ils prodiguent également d’autres conseils et prescriptions en fonction de la destination (vaccinations, prévention du paludisme).
Ces résultats soulignent enfin la nécessité d’étudier l’implication des EMR chez les patients déclarant une infection dans les 3 mois suivant leur retour de zone tropicale. Ainsi, les professionnels de santé de ville et hospitaliers pourront prescrire un traitement adapté à une éventuelle résistance aux antibiotiques.
Il faut rappeler que les voyageurs porteurs d’EMR ne sont pas pour autant malades et n’ont aucune raison de consulter un médecin pour ce seul motif.
Cette étude a été promue par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris au titre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique.
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