Interpréter les signaux émis par le cerveau et les traduire en commande utilisables par l’homme est l’objectif poursuivi par les chercheurs qui développent ce que l’on appelle des interfaces cerveau-machine. Dans le domaine de la santé, ces interfaces pourraient servir aux personnes paralysées. Jusqu’à présent les chercheurs se heurtent à des limites technologiques car les capteurs utilisés pour enregistrer l’activité cérébrale ne le font pas encore assez finement.
Avec l’appui du département de Bioélectronique de l’Ecole des Mines de St Etienne, des chercheurs dirigés par Christophe Bernard au sein de l’Unité Inserm 1106 « Institut de neurosciences des systèmes » ont conçu un système de capteurs de l’activité du cerveau 100% biocompatibles en matériau organique. Le support épais de quelques microns est fin et souple comme de la cellophane, et très résistant. Le système a été testé dans un modèle animal d’épilepsie. La qualité du signal cérébral enregistré est multipliée par 10 par rapport aux systèmes classiques d’enregistrement de l’activité cérébrale. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.
Les interfaces Homme-machine jouent depuis quelques années, un rôle central dans le diagnostic et le traitement de certaines pathologies, dans le pilotage de membres artificiels (exosquelettes) ou encore dans la conception d’organes sensoriels artificiels. Dans le cas des interfaces cerveau-machine, le problème consiste à capter les signaux émis par le cerveau et les traduire en commande utilisable par l’homme. Ces signaux sont utilisés à des fins diagnostiques (comme par exemple pour déterminer si une personne est épileptique et quelles sont les régions du cerveau responsables des crises), pour relier un œil artificiel aux régions du cerveau qui traitent l’information visuelle, ou pour commander des exosquelettes pour les personnes paralysées à partir de l’enregistrement des neurones des régions du cerveau qui contrôlent la motricité des membres.
Afin de capturer le maximum de signaux émis par le cerveau, il faut être en contact direct avec le système nerveux central. Or, cette prouesse est très difficile à réaliser avec des systèmes de mesure non invasifs (c’est-à-dire avec des électrodes posées sur la tête). Autre inconvénient, la plupart des capteurs utilisés aujourd’hui ne sont pas biocompatibles, ce qui déclenche une réaction de défense des tissus aboutissant à une perte de signal au bout d’un certain temps. Enfin, et c’est le plus important, les signaux captés sont pré-amplifiés loin de la source, ce qui entraîne la présence d’un bruit important dans les enregistrements, empêchant leur exploitation optimale.
Une solution : les transistors organiques
Le département de Bioélectronique de l’Ecole des Mines de St Etienne à Gardanne, l’Institut de Neuroscience des Systèmes (Unité Inserm 1106) et la PME Microvitae basée à Gardanne apportent une solution technologique à ces problèmes.
Une telle solution technologique va permettre l’enregistrement de nombreux neurones et l’interfaçage avec les structures du cerveau sur le long terme. Parmi les applications cliniques immédiates, on peut envisager l’aide au diagnostic de l’épilepsie et la cartographie fonctionnelle dans le cadre de la neurochirurgie des tumeurs cérébrales. Bien entendu, ces transistors peuvent aussi être utilisés pour des enregistrements non invasifs en contact direct avec la tête.
En plus de la pathologie, cette technologie permettra des avancées majeures en recherche fondamentale, notamment dans le cadre du Human Brain Project financé à 1 milliard d’Euros par la communauté européenne. Les systèmes d’enregistrements basés sur les transistors organiques préfigurent les interfaces Homme-machine de demain.