Des chercheurs de l’Inserm (Unité 968 « Institut de la Vision ») et du CNRS (laboratoire « Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (CNRS/Universités Bordeaux 1 et 4)) viennent d’identifier des agents protecteurs contre la neurotoxicité du mercure. Ces agents, appelés chimiokines, déjà connus pour leur rôle dans l’infection et l’inflammation, démontrent leur efficacité à protéger le cerveau des souris dont l’alimentation est contaminée par du mercure. Les résultats obtenus démontrent que le mercure peut provoquer une neuroinflammation, et que la chimiokine CCL2 agit comme un système d’alarme neuroprotecteur dans les déficits neuronaux induits par le mercure. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Toxicological Sciences.
Les pollutions chimiques et industrielles restent présentes dans notre environnement et sont une inquiétude pour la santé humaine. Les métaux lourds représentent les agents les plus polluants, et parmi eux le mercure. Son dérivé, le méthylmercure (MeHg) agit sur différents organes (fonction rénale et de reproduction) et sur le cerveau.
Des chercheurs français menés par William Rostène, directeur de recherche Inserm en collaboration avec des équipes japonaises ont étudié les effets neurotoxiques du MeHg et le blocage possible de cette toxicité via un système physiologique, celui des chimiokines. La première originalité de ce travail repose sur le modèle expérimental utilisé qui a pu reproduire chez la souris l’intoxication alimentaire des amérindiens Wayanas vivant en Guyane (1). Une perte d’environ 30% des cellules nerveuses dans le cortex des souris contaminées par le MeHg a été observée dès 3 mois de traitement avec des croquettes contenant de la chair de poisson Aimara Hoplias contaminé péché en Guyane.
Le second aspect original de cette étude a porté sur le fait qu’une chimiokine, le CCL2, a un effet protecteur vis-à-vis de la neurotoxicité au mercure. Les chimiokines sont de petites protéines connues initialement pour participer, dans le système immunitaire, à la maturation et à la migration des leucocytes, en particulier au cours de l’infection et de l’inflammation. Cependant les auteurs de cette étude ont récemment montré que les cellules nerveuses (neurones et cellules gliales) pouvaient également fabriquer et libérer ces chimiokines, dont le CCL2, et jouer ainsi un rôle de neuromédiateur dans le cerveau. Les chercheurs ont observé que le MeHg induisait une diminution des concentrations en CCL2 dans le cortex ainsi qu’une activation des microglies. D’une manière intéressante, les souris dépourvues du gène CCL2 présentent déjà une perte des neurones de 30%, perte qui est exacerbée par le MeHg. Cela suggère que la présence de CCL2 est nécessaire à la survie neuronale dans des conditions normales. En complément de ces expériences in vivo, des études réalisées sur des cultures de neurones ont montré que le blocage de la transmission de CCL2 augmentait la mort neuronale induite par le MeHg via un mécanisme faisant intervenir le système d’oxydoréduction (gènes SOD et glutathion).
Toxicité neuronale du mercure – copyright Inserm, Disc, F. Launay
L’ensemble de ces résultats démontre que le MeHg peut provoquer une neuroinflammation et que la chimiokine CCL2 agit comme un système d’alarme neuroprotecteur dans les déficits neuronaux induits par le MeHg. Ils viennent compléter et confirmer d’autres études récentes montrant les effets toxiques du mercure sur le métabolisme énergique et ses effets neurotoxiques.
Note :
(1) Dans le bassin amazonien, les populations amérindiennes et riveraines de certains fleuves sont contaminées par le MeHg présent dans le poisson (Aimara hoplias), la chaîne alimentaire étant elle-même contaminée par l’activité d’orpaillage et par le lessivage des sols naturellement riches en mercure. En 2005, 84% des amérindiens Wayanas vivant sur les berges du haut Maroni en Guyane française présentaient une concentration en mercure dans les cheveux dépassant la limite fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé (10 μg/g) selon Thierry Cardoso. Une étude de l’Inserm menée par Sylvaine Cordier et ses collaborateurs en 2002 et portant sur les enfants du Haut-Maroni a montré une association entre l’imprégnation mercurielle et des déficits cognitifs et moteurs.