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Communiqués et dossiers de presse

Une thérapie génique à l’étude contre la maladie de Steinert

La maladie de Steinert est due à une répétition anormale d’une petite séquence d’ADN au niveau du gène DMPK. © Unsplash

La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) ou maladie de Steinert est une maladie neuromusculaire génétique rare et invalidante, qui touche de nombreux organes et dont l’issue est fatale. Aucun traitement n’est disponible à ce jour pour les malades. Forts de précédentes recherches sur les causes moléculaires de la maladie, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université, du CHU Lille et de l’Université de Lille, en partenariat avec l’Institut de myologie, au sein du Centre de recherche en myologie et du centre Lille neuroscience & cognition, ont développé et testé une thérapie génique prometteuse qui agit directement sur l’origine de la maladie. Les premiers résultats publiés dans Nature Biomedical Engineering  montrent, chez la souris, une correction des altérations moléculaires et physiologiques du muscle squelettique[1].

La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) ou maladie de Steinert est une maladie neuromusculaire génétique et héréditaire rare qui touche environ 1 personne sur 8 000. Invalidante et mortelle, cette affection est dite « multisystémique » car, elle touche à la fois les muscles (affaiblissement et atrophie des muscles appelés « dystrophie », défaut de relaxation musculaire appelé « myotonie »), mais aussi d’autres organes (appareil cardiorespiratoire, système digestif, système nerveux…). Elle s’exprime et évolue très différemment d’un malade à l’autre et n’a pour l’heure pas de traitement.

Elle est due à une répétition anormale d’une petite séquence d’ADN (triplet CTG[2]) au niveau du gène DMPK (Dystrophie Myotonine Protéine Kinase) situé sur le chromosome 19. Chez un individu sain, cette séquence est présente mais répétée 5 à 37 fois. En revanche, chez les patients atteints de DM1, on observe une mutation qui se traduit par une augmentation du nombre de triplets, pouvant atteindre plusieurs milliers de répétitions.

À propos des mécanismes permettant l’expression des gènes

Pour conduire à la production d’une protéine, un gène (localisé dans le noyau de la cellule) est d’abord transcrit en une molécule d’ARN. Pour devenir un ARN messager (ARNm), il va subir une maturation, passant notamment par un épissage : schématiquement, la molécule est coupée en morceaux dont certains sont éliminés et d’autres joints. Grâce à ce processus finement régulé, un seul gène peut conduire à la synthèse de différents ARNm, et donc de différentes protéines. Après l’épissage, l’ARNm mature sera finalement traduit en protéine, à l’extérieur du noyau cellulaire. 

Dans la maladie de Steinert, le gène muté est transcrit mais les ARNm mutants sont retenus dans le noyau des cellules sous forme d’agrégats caractéristiques. En effet, dans les cellules des personnes atteintes de DM1, les protéines MBNL1 qui se lient normalement à certains ARN pour réguler leur épissage et leur maturation, sont « capturées » par les ARN porteurs de la mutation.

Ainsi séquestrées dans les agrégats, il leur est impossible d’exercer leurs fonctions, ce qui entraîne la production de protéines non, ou moins, fonctionnelles, dont certaines ont été associées à des symptômes cliniques.

L’équipe dirigée par Denis Furling, directeur de recherche CNRS, au sein du Centre de recherche en myologie (Inserm/Sorbonne université/Institut de myologie), en association avec celle de Nicolas Sergeant, directeur de recherche Inserm du centre Lille neuroscience & cognition (Inserm/Université de Lille/CHU Lille), s’est intéressée à une stratégie thérapeutique visant à restaurer l’activité initiale de MBNL1 dans les cellules musculaires squelettiques exprimant la mutation responsable de la maladie de Steinert.

Pour cela, les scientifiques ont conçu par ingénierie des protéines modifiées présentant, comme la protéine MBNL1, des caractéristiques de liaison aux ARN porteurs de la mutation et agissant par conséquent comme un leurre pour ces ARN.

Ils ont observé en exprimant ces protéines leurres in vitro dans des cellules musculaires issues de patients atteint de DM1, qu’elles étaient capturées par les ARN mutés en lieu et place des protéines MBNL1. Ces dernières, étaient alors libérées des agrégats d’ARN mutés et retrouvaient leur fonction normale. Ainsi, les erreurs d’épissage présentes initialement dans ces cellules disparaissaient. Enfin, l’ARN muté lié aux protéines leurres s’avérait moins stable et pouvait être plus facilement et efficacement éliminé par la cellule.

Agrégats d’ARN-DMPK mutant contenant des répétitions pathologiques de triplets (rouge) visualisées par FISH/IF dans les noyaux (bleu) de cellules musculaires (vert) isolées de patients atteint de Dystrophie Myotonique de type 1. ©Denis Furling et Nicolas Sergeant

L’équipe de recherche a ensuite transposé cette technique dans un modèle animal afin de vérifier la validité de cette approche in vivo. À l’aide des vecteurs viraux utilisés en thérapie génique, les protéine leurres ont été exprimées dans le muscle squelettique de souris modèles de la maladie de Steinert. Chez ces dernières, une seule injection a permis de corriger efficacement, sur une longue durée et avec peu d’effets secondaires, les atteintes musculaires associées à la maladie, en particulier les erreurs d’épissage, la myopathie et la myotonie.

« Nos résultats soulignent l’efficacité contre les symptômes de la maladie de Steinert, d’une thérapie génique fondée sur la production par bio-ingénierie de protéines leurres de liaison à l’ARN possédant une forte affinité pour les répétitions pathologiques présentes dans l’ARN muté, afin de libérer les protéines MBNL1 et de retrouver leurs fonctions régulatrices », déclare Denis Furling. Cependant les auteurs pointent que des études additionnelles sont nécessaires avant de pouvoir transposer cette thérapie en étude clinique.

« Ces travaux ouvrent la voie au développement de solutions thérapeutiques dans le cadre d’autres maladies dans lesquelles des répétitions pathologiques dans l’ARN entraînent une dysfonction de la régulation de l’épissage », conclut Nicolas Sergeant.

 

[1] Le muscle strié squelettique est le muscle qui est attaché au squelette par les tendons et qui, par sa capacité à se contracter, permet d’effectuer des mouvements précis dans une direction bien définie.

[2] La séquence de codage d’un gène est composée d’un enchaînement de différentes combinaisons de 4 acides nucléiques : adénine, guanine, cytosine et thymine (remplacé par uracile dans l’ARN). Ceux-ci sont organisés en triplets (ou codons), dont la bonne « lecture » par la machinerie cellulaire permet l’expression d’une protéine.

Contacts
Contact Chercheur

Denis Furling

Directeur de recherche CNRS

Unité 974 Inserm, Centre de recherche en myologie

Équipe Microsatellites instables et dystrophie myotonique

Institut de myologie

rf.srnc@gnilruf.sined

 

Nicolas Sergeant

Directeur de recherche Inserm

Unité 1172 Inserm Lille Neuroscience & Cognition

Équipe Alzheimer et tauopathies

rf.mresni@tnaegres.salocin

Contact Presse

rf.mresni@esserp

 

Sources

Reversal of RNA toxicity in myotonic dystrophy via a decoy RNA-binding protein with high affinity for expanded CUG repeats

Nature Biomedical Engineering, février 2022 

DOI : https://doi.org/10.1038/s41551-021-00838-2

 

Ludovic Arandel1,&, Magdalena Matloka1,&, Arnaud F. Klein1, Frédérique Rau1, Alain Sureau1, Michel Ney1, Aurélien Cordier1, Maria Kondili1, Micaela Polay-Espinoza1, Naira Naouar1, Arnaud Ferry1,3, Mégane Lemaitre1,4, Séverine Begard2, Morvane Colin2, Chloé Lamarre2, Hélène Tran2, Luc Buée2, Joëlle Marie1, Nicolas Sergeant2* & Denis Furling1*

1 Sorbonne Université, Inserm, Institut de myologie, Centre de recherche en myologie, 75013 Paris, France

2 Université de Lille, Inserm, CHU Lille, Lille Neuroscience & Cognition, 59045 Lille, France

3 Sorbonne Paris Cité, Université Paris Descartes, 75005 Paris, France

4 Sorbonne Université, Inserm, Phénotypage du petit animal, 75013 Paris, France

& These authors contributed equally

* Corresponding authors

 

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