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Communiqués et dossiers de presse

Une toxine à l’origine de dommages à l’ADN retrouvée chez des patients souffrant d’infections urinaires

 

Bactérie E Coli

« Lors d’une infection urinaire, les bactéries Escherichia coli uropathogènes (leur ADN est marqué en rouge) forment des communautés bactériennes au sein des cellules superficielles de la vessie (le noyau des cellules est marqué en bleu, leur contenu cellulaire en sucre est marqué en vert), ici 6 heures après une infection reproduite chez la souris ». © Inserm/Motta, Jean-Paul/Chagneau, Camille

Les infections urinaires touchent plus de 50 % des femmes, dans certains cas de manière récurrente. La bactérie E. coli est très souvent impliquée dans le développement de ces infections. Pour la première fois, des scientifiques de l’Inserm, du CHU de Toulouse, d’INRAE, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et de l’École nationale vétérinaire de Toulouse ont identifié la présence d’une toxine produite par ces bactéries dans les urines de patientes, qui aurait pour effet d’endommager l’ADN des cellules de la vessie. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles réflexions pour affiner la prise en charge des patientes sujettes à infections urinaires récurrentes. L’étude est publiée dans le journal Plos Pathogens le 25 février 2021.

Tous les ans, 150 millions de personnes sont touchées par les infections urinaires. Celles-ci sont plus fréquentes chez les femmes : plus d’une sur deux en connaîtra une au cours de sa vie. Ces infections constituent donc un problème de santé publique majeur, d’autant que la prise d’un traitement antibiotique est souvent nécessaire, favorisant l’émergence d’antibiorésistances.

Les infections urinaires surviennent lorsque la région urogénitale est contaminée par des bactéries issues du microbiote intestinal. Les bactéries Escherichia coli (E. coli) sont ainsi impliquées dans 80 % de ces infections[1] et font l’objet de travaux de recherche menés depuis plusieurs années par Eric Oswald et son équipe à l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/INRAE/Université de Toulouse III Paul Sabatier/École nationale vétérinaire de Toulouse) dans le cadre d’une collaboration avec plusieurs équipes de recherche de Toulouse.[2]

Les scientifiques s’intéressent notamment aux facteurs de virulence de ces bactéries, c’est-à-dire à leur capacité à infecter ou endommager les tissus de l’hôte. Ils avaient déjà montré que dans certaines conditions, les E. coli présentes dans le tractus intestinal peuvent produire une toxine, la colibactine, qui est associée à un risque accru de cancer colorectal. Dans cette nouvelle étude, l’équipe a analysé les prélèvements urinaires de 223 adultes avec une infection urinaire liée à la présence d’E. coli et prise en charge aux urgences du CHU de Toulouse.

Ils ont ainsi identifié un biomarqueur témoignant de la présence de colibactine produite par les bactéries E. coli dans au moins 25 % des urines collectées. C’est la première fois que cette toxine est identifiée dans le contexte d’une infection urinaire et que des chercheurs apportent une preuve directe de sa production lors d’une infection chez l’Homme.

 

ADN endommagé chez la souris

Pour essayer de mieux comprendre et de caractériser les effets de la colibactine dans le contexte des infections urinaires, les chercheurs se sont tournés vers des modèles animaux. Ils montrent que chez la souris, la toxine est produite lors d’une infection urinaire par E. coli et qu’elle induit des dommages à l’ADN dans les cellules de la muqueuse de la vessie.

« Ces expérimentations nous permettent de sortir d’un cadre très théorique et de montrer que lors d’une infection urinaire, la colibactine peut avoir un effet génotoxique : les dommages causés à l’ADN ne se réparent pas complètement et des mutations génétiques peuvent survenir. Si on ne peut pour le moment que spéculer sur l’impact de ces mutations, il est probable qu’elles soient associées à un risque accru de cancer de la vessie », précise Eric Oswald.

Si ces résultats portant sur des modèles animaux ne peuvent en l’état être appliqués aux humains, le chercheur et son équipe estiment qu’ils pourraient néanmoins inciter à une surveillance plus importante et plus ciblée des personnes sujettes à infections urinaires récurrentes.

Par ailleurs, mieux comprendre les liens entre microbiote intestinal et infections urinaires à répétition est considéré comme une priorité. « On pourrait imaginer mettre en place une prise en charge plus spécifique des patientes souffrant régulièrement d’infections urinaires, avec une recherche systématique des marqueurs de la colibactine dans leurs urines. Et de manière plus proactive, proposer des approches thérapeutiques visant à moduler la composition de leur microbiote intestinal, qui représente le réservoir principal des bactéries E. coli mises en cause dans ces infections urinaires », souligne Eric Oswald.

L’équipe travaille notamment sur plusieurs projets de recherche autour des probiotiques et du réservoir intestinal pour limiter les populations nocives d’E. coli dans le microbiote et favoriser l’émergence de « bonnes bactéries ». Ils ont ainsi breveté avec Inserm-Transfert une souche d’E. coli non pathogène, capable de mener une « guerre biologique » aux souches uropathogènes.

 

[1] On parle alors d’Escherichia coli uropathogènes (UPEC).

[2] En particulier la coordination d’un projet ANR avec comme partenaires la société VibioSphen et une équipe de l’institut travaillant sur le métabolisme du fer.

Contacts
Contact Chercheur

Eric Oswald

U1220 Institut de recherche en santé digestive

e-mail : rf.mresni@dlawso.cire

Téléphone : 05 67 69 04 17

 

Jean-Philippe Nougayrède

U1220 Institut de recherche en santé digestive

Téléphone : 05 62 74 45 25

e-mail : rf.earni@ederyaguon.epppilihp-naej

Contact Presse

rf.mresni@esserp

Sources

Uropathogenic E. coli induces DNA damage in the bladder

 

Camille V. Chagneau1, Clémence Massip1,2, Nadège Bossuet-Greif1, Christophe Fremez3, Jean-Paul Motta1, Ayaka Shima1, Céline Besson1, Pauline Le Faouder4, Nicolas Cénac1, Marie-Paule Roth1, Hélène Coppin1, Maxime Fontanié3, Patricia Martin1,3, Jean-Philippe Nougayrède1*, Eric Oswald1,2*

 

1IRSD, INSERM, Université de Toulouse, INRA, ENVT, UT3 Paul Sabatier, Toulouse, France

2CHU Toulouse, Hôpital Purpan, Service de Bactériologie-Hygiène, Toulouse, France

3VibioSphen, Prologue Biotech, Labège, France

4MetaToulLipidomics Facility, INSERM UMR1048, Toulouse, France

 

Plos Pathogens, février 2021

DOI : https://doi.org/10.1371/journal.ppat.1009310

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