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Communiqués et dossiers de presse

Une molécule contre la douleur découverte à l’état naturel en Afrique

25 Sep 2013 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Une équipe de recherche dirigée par Michel De Waard, directeur de recherche à l’Inserm au sein du Grenoble Institut des neurosciences (Inserm, Université Joseph Fourier, CNRS) à Grenoble, a découvert qu’une plante médicinale africaine produisait des quantités importantes de molécules antidouleur. Plus surprenant, après analyse, la molécule s’est avérée identique au Tramadol, un médicament de pure synthèse très largement utilisé comme analgésique dans le monde entier. D’après les chercheurs, c’est la première fois qu’un médicament de synthèse issu de l’industrie pharmaceutique est découvert à forte concentration dans une source naturelle. Cette découverte inédite vient d’être publiée dans le journal de chimie, Angewandte Chemie

Nauclea latifolia est un petit arbuste (aussi appelé pêcher africain) abondamment répandue dans toute l’Afrique sub-saharienne. En médecine traditionnelle, notamment au Cameroun, cette plante est utilisée dans le traitement de différentes pathologies incluant l’épilepsie, la fièvre, le paludisme et la douleur.

Afin d’identifier la présence et la nature de potentielles substances actives au sein de cette plante, Michel De Waard directeur de recherche à l’Inserm a initié une collaboration scientifique entre le Grenoble Institut des Neurosciences (Unité Inserm 836 UJF/CEA/CHU), le Département de Pharmacochimie Moléculaire (UMR UJF/CNRS 5063, Pr. Ahcène Boumendjel) et l’Université de Buea (Dr. Germain Sotoing Taiwe).

Grâce à leurs travaux, les chercheurs ont réussi à isoler et caractériser le composant responsable des effets anti-douleurs présumés de la plante à partir d’un extrait d’écorce de racines. A la surprise générale, ce composant existait déjà dans le commerce sous une forme synthétique : le tramadol.

Le plus surprenant pour nous a été de constater que cette molécule ne nous était pas inconnue. Elle était identique au Tramadol, un médicament de synthèse mis au point dans les années 1970 et utilisé couramment dans le traitement de la douleur, explique Michel De Waard, directeur de recherche à l’Inserm. Ce traitement est utilisé dans le monde entier car ses effets secondaires, notamment de dépendance, sont moins prononcés que ceux de la morphine dont il est dérivé, ajoute-t-il.

Le Tramadol[1] est en réalité une forme simplifiée de la morphine qui conserve les éléments indispensables aux effets analgésiques.

structure tramadol vs morphine

structure tramadol versus structure de la morphine

Pour confirmer leurs résultats, les chercheurs ont testé différents procédés pour prouver l’authenticité de cette origine naturelle. Leurs analyses ont par ailleurs été confirmées par trois laboratoires indépendants ayant reçus différents échantillons à différentes périodes de l’année.

« Tous les résultats convergent et confirment la présence de Tramadol dans l’écorce des racines de Nauclea latifolia. A l’inverse aucune trace de la molécule n’a pu être détectée dans la partie aérienne de l’arbuste (feuilles, tronc et branches) » explique le chercheur. Enfin, pour exclure la possibilité d’une contamination non intentionnelle des échantillons par du tramadol de synthèse, les chercheurs ont prélevé des échantillons à l’intérieur même des racines et ont pu confirmer la présence de la molécule.

D’un point de vue quantitatif, la concentration de tramadol dans les extraits d’écorce séchée est de 0,4 % et de 3,9 % soit des niveaux très élevés de principe actif.

Au-delà de l’aspect inédit de cette découverte (premier cas potentiellement exploitable d’un médicament de synthèse de l’industrie pharmaceutique découverte dans une source naturelle et dans des proportions si élevées), ce résultat majeur ouvre des perspectives aux populations locales pour accéder à une source de traitement de bon marché et valide les concepts de médecine traditionnelle (sous forme de décoction d’écorces de racines).

« Il existe plus de 10 espèces différentes de cet arbuste en Afrique, nous pourrions imaginer refaire les mêmes tests afin de déterminer la présence ou non de Tramadol selon les espèces. » conclut Michel De Waard.

Par ailleurs, cette étude permet d’effectuer une mise en garde contre les risques de pharmacodépendance liés à la surconsommation des racines de cette plante. En effet, le Tramadol est à classer dans la catégorie des opiacés au même titre que la morphine dont il est dérivé.

plant de citronnier


[1] Aucun médicament n’est dépourvu de risque et tous ont des effets secondaires dont certains potentiellement nocifs. Il est impossible de prédire avec une certitude absolue les effets de n’importe quel traitement avec un médicament. Tous les médicaments ont à la fois des effets bénéfiques et un risque de nocivité. On peut réduire au maximum ce risque en veillant à ce que les médicaments prescrits aient la qualité requise, soient sûrs, efficaces et utilisés par le bon patient, à la posologie et au moment voulus. Source OMS

Contacts
Contact Chercheur
Michel De Waard Directeur de recherche Inserm Tel. : +33 4 56 52 05 63 Mail : rf.elbonerg-fju@draawed.lehcim
Sources
Occurrence of the Synthetic Analgesic Tramadol in an African Medicinal Plant. Ahcène Boumendjel, Germain Sotoing Taïwe, Elisabeth Ngo Bum, Tanguy Chabrol, Chantal Beney, Valérie Sinniger, Romain Haudecoeur, Laurence Marcourt, Soura Challal, Emerson FerreiraQueiroz, Florence Souard, Marc LeBorgne, Thierry Lomberget, Antoine Depaulis, Catherine Lavaud, Richard Robins, Jean-Luc Wolfender, Bruno Bonaz, Michel De Waard. Angewandte Chemie L’article a fait l’objet d’un « Research Highlights » dans la revue Nature
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