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Communiqués et dossiers de presse

Les bases neurobiologiques de l’anxiété

19 Juin 2012 | Par INSERM (Salle de presse) | Europe | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Une journée scientifique intitulée « Neurobiological basis of Anxiety disorders » réunit lundi 18 juin à Paris les scientifiques des 6 organismes partenaires de DEVANX [1], projet européen coordonné par l’Inserm, démarré en 2008. L’occasion de faire un point sur l’état des connaissances acquises sur les bases neurobiologiques de l’anxiété.

La connaissance des circuits cérébraux et les molécules-clés impliqués dans les manifestations de l’anxiété a fait de grand progrès depuis quelques années. L’utilisation de modèles animaux a beaucoup contribué à cette compréhension. Chez la souris, il est ainsi possible d’observer les changements comportementaux  qui interviennent dans les situations de conflit émotionnel, par exemple comment l’animal va choisir entre l’exploration d’un espace neuf (curiosité) et le repli sur soi (peur). L’étude de l’animal dans une situation de peur apprise a aussi été bien décrite : comment l’animal va apprendre à associer un environnement neutre avec un danger potentiel.

La sérotonine et le GABA sont les 2 principales molécules « messagères » entre les neurones (« neurotransmetteurs »)  qui sont impliquées dans les états anxieux. Ce sont de fait les cibles communes des médicaments « anxiolytiques ».

Mais le rôle exact de ces molécules, leurs interactions avec l’environnement sont encore à préciser. L’apport de la génétique et les nouvelles données concernant la plasticité du cerveau doivent s’intégrer à la compréhension chaque jour plus fine des mécanismes en jeu. Patricia Gaspar et Laurence Lanfumey, directrices de recherche Inserm – coordinatrices du projet DEVANX – et leurs collègues, ont cherché à aborder l’étude des bases neurobiologique de l’anxiété sous divers angles.

1.   LES ASPECTS PHARMACOLOGIQUES

Les récepteurs GABAb, présents sur les neurones, sont des cibles de nouvelles molécules dont le mode d’action est complètement différent des anxiolytiques classiques (benzodiazépines) qui, quant à eux, agissent sur les récepteurs GABAa. La connaissance de la structure et de la fonction des récepteurs GABAb, ainsi que leurs interactions avec le système sérotoninergique permet de proposer des nouvelles cibles thérapeutiques.

En particulier l’équipe de Benny Bettler, membre du consortium DEVANX localisé en Suisse, a montré que les récepteurs GABAb sont des hétérodimères (assemblage de 2 sous unités différentes de récepteurs) qui possèdent des protéines partenaires pouvant modifier leurs propriétés de couplage. Les propriétés pharmacologiques des récepteurs GABAb varient en fonction de l’organisation des protéines partenaires. D’un point de vue thérapeutique, la modulation positive de ces récepteurs représente une possible stratégie pour le développement de nouveaux anxiolytiques. John Cryan, partenaire du consortium DEVANX en Irlande, a montré que le blocage des récepteurs GABAb induit en effet la diminution d’un comportement dépressif. Dans ce cadre, l’équipe de Laurence Lanfumey à Paris a étudié le lien entre les récepteurs GABAb et le système sérotoninergique.

Sous unités du récepteur GABAB : GABAB1a, GABAB1b et GABAB2.

© Gassmann et Bettler, 2012

Ces sous unités sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplées aux protéines G via la sous unité GABAB2 .Les sous unités GABAB1a et GABAB1b diffèrent entre elles par la présence de deux domaines terminaux (sushi-domain) sur la sous unitéGABAB1a.

2.   LE RÔLE DE LA SÉROTONINE

Chez les personnes souffrant de dépression, d’attaques de panique, d’anxiété, ou de phobies, un traitement permettant d’augmenter le niveau de sérotonine réduit ces pathologies.

Cependant, peu de données étaient disponibles sur la cause initiale de ce manque de sérotonine, déclencheur de ces troubles. C’est pourquoi différents modèles animaux sont nécessaires aux chercheurs pour découvrir et analyser les différentes situations d’un cerveau « pauvre » en sérotonine.

La sérotonine est impliquée dans de nombreux rôles physiologiques : rythmes veille-sommeil, impulsivité, appétit, douleur, comportement sexuel, et anxiété. Son action est médiée par près d’une quinzaine de  sous-types de récepteurs différents.

Le système sérotoninergique est en fait multiple : il est présent dans le système nerveux central (dans les  noyaux du raphé dans le cerveau) et périphérique (dans les cellules entérochromaffines du tube digestif).

La « spécialisation » de neurones en « neurones à sérotonine » est contrôlée par différents facteurs moléculaires, selon leur localisation, et ne se fait pas aux mêmes moments du développement.

Une des études réalisées par les spécialistes de la génétique au sein du projet DEVANX a consisté à cibler de manière conditionnelle la production de sérotonine à un temps donné, dans une localisation choisie. L’équipe de Dusan Bartsch, partenaire DEVANX localisé à Mannheim, a par exemple produit des modèles de souris génétiquement modifiées qui permettent de diminuer la sérotonine à différents temps de la vie, en créant des modèles dits inductibles (l’extinction d’un gène peut être induite par l’administration d’une drogue). L’équipe de Patricia Gaspar à Paris a caractérisé des mutations dans lesquelles seule une partie des neurones sérotoninergiques est atteinte (mutation d’un facteur de transcription pet1). Chez ces souris, l’équipe a observé que l’anxiété spontanée était diminuée, mais leur conditionnement à la peur accru. Ainsi, le défaut de sérotonine centrale pourrait contribuer à associer plus facilement une réaction de panique avec des situations neutres.

3.   LES AUTRES CIRCUITS EN JEU : CIRCUITS DE LA PEUR

Les connexions avec des travaux sur la peur et les derniers enseignements d’un point de vue neurocomportemental permettent de croiser les approches.

Il apparaît de plus en plus que ce sont des circuits neuronaux normaux de réaction à l’environnement qui sont détournés ou amplifiés de manière pathologique dans l’anxiété. Dès lors, il est très important de comprendre et d’analyser le fonctionnement de ces circuits chez les animaux « en situation ». A terme, l’objectif consiste à trouver les moyens de « déconditionner » certains circuits cérébraux anormalement ou excessivement activés.

Les nouvelles approches de la physiologie sur l’animal vigile et de pharmacogénétique ont permis des avancées dans ce domaine. Par exemple le laboratoire d’Agnés Gruart à Séville, une des équipes partenaires de DEVANX, a enregistré différents neurones des circuits hippocampiques dans des situations d’apprentissage de la peur et ont observé l’effet de la modification du message médié par le GABAb et la sérotonine. Le laboratoire de Cornelius Gross à l’EMBL de Rome, a montré que l’on pouvait utiliser des récepteurs sérotoninergiques (5-HT1A) exprimés dans différentes régions cérébrales pour abolir transitoirement l’activité des circuits neuronaux très spécifiques. Ceci lui a permis de préciser les circuits hippocampiques et amygdaliens impliqués dans le phénomène de généralisation de la peur.

 

 

La recherche dans le domaine de l’anxiété, comme dans de nombreux domaines des Neurosciences, met à profit des approches intégrées, qui nécessitent des expertises multiples. Les études moléculaires doivent à présent impérativement s’intégrer dans le contexte de l’animal entier qui exprime des comportements les plus proches possibles de situations physiologiques, tout en étant rigoureusement contrôlées sur le plan expérimental. Les outils génétiques donnent une puissance inégalée pour rechercher la fonction d’une molécule déterminée ou d’un assemblage moléculaire dans un circuit donné et dans une fenêtre temporelle précise. Ce type d’approche est appelé à se développer dans les années à venir avec des outils qui permettront d’activer ou de rendre silencieux certains circuits neuronaux sélectionnés.

La résolution, pas à pas, de ces processus élémentaires imbriqués, devrait permettre d‘expliquer les mécanismes sous-tendant l’anxiété pathologique.


[1] DEVANX: “Serotonin and GABA-B receptors in anxiety : From developmental risk factors to treatment”, projet soutenu par la Commission Européenne, démarré en 2008, dont les partenaires sont l’Inserm (coordinateur), University College Cork, Irlande, European Molecular Biology Laboratory, Italie/Allemagne, Central Institute of Mental Health, Mannheim, Allemagne, Universitaet Basel, Suisse, Universidad Pablo de Olavide, Espagne

Contacts
Contact Chercheur
Patricia Gaspar Unité Inserm 839 institut du fer à Moulin Tel: 01 45 87 61 11 rf.mresni@rapsag.aicirtap Laurence Lanfumey-Mongrédien UMR Inserm 894 Site Pitié Salpêtrière Tel: 01 40 77 97 07 rf.mresni@yemufnal.ecnerual
Contact Presse
Séverine Ciancia Service de presse de l’Inserm Tel : 01 44 23 60 86 rf.mresni@esserp
Sources
BERGER SM , WEBER T, PERREAU-LENZ S, KUTSCHERJAWY S, VOGT MA, MASER-GLUTH C, LANFUMEY L, GASS P, SPANAGEL R, BARTSCH DA (2012) Functional Tph2 C1473G polymorphism causes an anxiety phenotype via compensatory, developmental changes in the serotonergic system. Neuropsychopharmacology 2012 Apr 11. [Epub ahead of print] GASSMANN M, BETTLER B. Regulation of neuronal GABA(B) receptor functions by subunit composition.Nat Rev Neurosci. 2012 May 18;13(6):380-94 MARKOU A, CRYAN JF. Stress, anxiety and depression: toward new treatment strategies. Neuropharmacology. 2012 Jan;62(1):1-2. NARBOUX-NÊME N, SAGNÉ C, DIAZ S, MARTIN C, ANGENARD G, HAMON M, MARTRES MP, GIROS B, LANFUMEY L, GASPAR P, MONGEAU R (2011) Severe serotonin depletion, growth and behavioral abnormalities in conditional vesicular monoamine transporter 2 knockout mouse Neuropsychopharmacology 36:2538-2550.
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