Motoneurones (marquage par immunohistochimie pour ChAT) dans la partie lombaire de la moelle épinière chez les modèles murins de SLA. Échelle 100 mm. © Simon J Guillot, Daniel Beckett et Matei Bolborea
La sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative grave qui conduit à une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. À ce jour, aucun traitement curatif n’existe pour cette maladie dont l’issue est fatale après 3 à 5 ans d’évolution en moyenne. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg, au Centre de recherche en biomédecine, viennent de faire un pas de plus dans la compréhension des mécanismes en œuvre dans la maladie. Dans une nouvelle étude, ils montrent que les symptômes caractéristiques de la SLA sont précédés par des altérations du sommeil. Leurs travaux suggèrent que les troubles du sommeil seraient présents avant l’apparition de la déficience motrice et des problèmes respiratoires. Ils révèlent un rôle nouveau de certains neurones de l’hypothalamus dans la survenue de ces troubles du sommeil associés à la SLA. Ces travaux, publiés dans la revue Science Translational Medicine, identifient dans le cerveau de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles et proposent l’exploration d’une nouvelle famille de molécules pour contrer les effets du manque de sommeil.
La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est due à la mort progressive des cellules nerveuses appelées motoneurones. Cette dégénérescence provoque une atrophie progressive et rapide des muscles, et entraîne une perte d’autonomie liée à l’apparition de troubles et de déficits moteurs. Le plus souvent, c’est l’atteinte des muscles respiratoires qui cause le décès des patients.
L’effort de recherche de ces dernières années a permis de significativement développer les connaissances sur la génétique et la biologie de cette maladie. En revanche, il est encore difficile d’établir précisément les mécanismes qui initient et maintiennent la dégénérescence neuronale impliquée dans la SLA. Percer le mystère de ces mécanismes est l’un des objectifs de recherche de l’équipe de Luc Dupuis et Matei Bolborea, tous deux chercheurs Inserm au Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg (Inserm/Université de Strasbourg).
La progression de la maladie atteint les fonctions respiratoires et induit donc indirectement des troubles du sommeil lors de son évolution. Cependant, il n’était pas déterminé si ces troubles pouvaient préexister aux symptômes moteurs, comme cela a été observé dans plusieurs maladies neurodégénératives (Parkinson ou encore Alzheimer). Quand apparaissent-ils ? Sont-ils une conséquence de l’apparition des troubles et déficits moteurs ? Ces questions ont justement été étudiées par l’équipe de Luc Dupuis et Matei Bolborea, grâce à une collaboration étroite avec le centre allemand d’étude des maladies neurodégénératives (DZNE) d’Ulm.
Dans leurs derniers travaux, les chercheurs ont obtenu et analysé plusieurs dizaines d’enregistrements de sommeil de groupes de personnes atteintes de SLA, à différents stades de la maladie. Des enregistrements qu’ils ont comparés à des groupes contrôles.
Un premier groupe était composé de patients atteints de SLA à un stade où ils n’avaient pas encore développé de symptômes respiratoires. Un autre était composé de personnes pré-symptomatiques, porteuses de certaines mutations génétiques caractéristiques de la maladie (ces personnes avaient un risque accru de déclarer la maladie).
Ces tests indiquent que les deux groupes d’individus souffraient du même type de troubles du sommeil : un temps d’éveil plus important et une quantité de sommeil profond inférieure aux données issues des groupes contrôles.
Les résultats suggèrent que les troubles du sommeil sont présents et observables, et ce de façon précoce, plusieurs années avant la manifestation des troubles moteurs.
Restaurer le sommeil des patients atteints de SLA
À la suite de cette découverte, les chercheurs ont essayé de trouver l’origine de ces troubles du sommeil dans le cerveau – ils se sont intéressés à des neurones spécifiques retrouvés dans l’hypothalamus et connus pour jouer un rôle important dans la stimulation de l’état d’éveil : les neurones à orexine[1]. Sur des modèles de souris atteintes de SLA, l’équipe a décrit les mêmes types de troubles du sommeil. Les scientifiques ont aussi découvert que les circuits de neurones dans lesquels les neurones à orexine fonctionnent sont altérés par la disparition de neurones annexes au cours de la maladie.
Ils ont ensuite eu l’idée d’administrer aux souris une molécule inhibitrice de l’orexine, retrouvée dans un somnifère déjà commercialisé et prescrit pour les insomnies[2]. Grâce à ce traitement, ils sont parvenus à restaurer le sommeil chez les animaux par une seule prise orale. Une restauration de l’activité des neurones annexes des neurones à orexine a permis, après 15 jours de traitement, une conservation des motoneurones chez les souris.
Un essai clinique est en cours pour tester la molécule sur des patients atteints de SLA. L’objectif est, à terme, de tester si un sommeil restauré peut avoir un effet sur la progression de la maladie.
« Notre étude avait pour ambition principale d’essayer de reconstituer ce qu’il se passe chez les patients avant qu’ils ne soient malades. Ces découvertes sur la chronologie des symptômes nous permettent de repenser le rôle du cerveau et particulièrement celui de l’hypothalamus dans le début de la pathologie et d’imaginer de nouvelles cibles thérapeutiques », explique Matei Bolborea, co-dernier auteur de l’étude.
«Les découvertes de notre équipe sont importantes à deux niveaux. Tout d’abord, elles mettent en lumière une nouvelle chronologie des symptômes de la SLA, questionnant à nouveau les origines de la maladie, et notamment le rôle du cerveau dans sa genèse, explique Luc Dupuis, co-dernier auteur de l’étude. Elles représentent aussi un léger espoir pour les malades, et ceux qui déclareront la maladie, en imaginant qu’agir sur les premières manifestations de celle-ci puissent ralentir sa progression extrêmement rapide. »
[1]Des études révèlent par exemple que les personnes narcoleptiques ont moins de neurones à orexines que les autres.
[2] Il s’agit du Suvorexant® qui appartient à la classe des médicaments appelés hypnotiques, dont la commercialisation est autorisée aux États-Unis.
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