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Communiqués et dossiers de presse

Première cartographie digitale des cellules immunitaires responsables des allergies

mastocytes

Marquage des différentes populations de mastocytes (en vert et rouge), acteurs majeurs des réponses allergiques, au contact des neurones (blanc) dans la peau de souris. © Dr Marie Tauber et Dr Lilian Basso.

Les pathologies allergiques touchent jusqu’à un tiers de la population mondiale et leur prévalence est en constante augmentation. Afin de développer des thérapies plus ciblées et plus efficaces, la recherche se mobilise pour mieux comprendre les mécanismes biologiques et cellulaires qui sont impliqués dans le développement des allergies. Un type de cellules immunitaires, les mastocytes, intéresse particulièrement les scientifiques et médecins, mais peu de données existent à leur sujet à l’heure actuelle. Dans une nouvelle étude, publiée en juillet 2023 dans la revue Journal of Experimental Medicine, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’université Toulouse III – Paul-Sabatier, au sein de l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity), sont allés plus loin dans la compréhension de ces cellules et ont créé la première cartographie digitale des mastocytes chez l’humain. Ces résultats ouvrent des pistes pour adapter les stratégies thérapeutiques anti-allergies.

Les pathologies allergiques constituent un problème de santé publique majeur, à tel point que l’OMS a classé l’allergie quatrième maladie chronique mondiale. Il est actuellement estimé que 25 à 30 % de la population souffre d’une allergie, qu’elle soit alimentaire, cutanée ou respiratoire, et cette proportion pourrait passer à 50 % d’ici 2050. Mieux comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents aux allergies est une étape clé pour espérer développer des traitements plus ciblés et plus efficaces.

C’est à cet objectif que travaillent le chercheur Inserm Nicolas Gaudenzio et son équipe au sein de l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires. En 2019, les scientifiques avaient publié un premier article dans la revue Nature Immunology, dans lequel ils montraient le rôle crucial joué par des cellules immunitaires appelées « mastocytes » dans l’initiation de l’eczéma. Ces travaux ont donné lieux à de nouvelles thérapies en cours de développement.

Les mastocytes sont encore mal connus des scientifiques. On sait que leurs fonctions vont bien au-delà des problématiques allergiques et qu’ils peuvent avoir des rôles bénéfiques (comme dans la lutte antibactérienne) ou non, selon les pathologies. Des travaux ont par ailleurs permis de les classer en deux grandes familles : les mastocytes « CTMC » retrouvés principalement dans la peau et les mastocytes « MMC » localisés surtout dans la muqueuse intestinale.

Néanmoins, il reste beaucoup à apprendre sur ces cellules qui sont complexes à étudier, notamment parce qu’elles sont difficiles à extraire des tissus.

« Si on veut comprendre comment on peut agir sur les mastocytes et bloquer leur action délétère dans le cadre des pathologies allergiques, nous devons aller plus loin dans notre connaissance de ces cellules. Cela passe par déterminer leur localisation, s’il en existe plusieurs types au-delà de la dichotomie qui a classiquement été décrite, et si elles ont des fonctions différentes selon les tissus où elles se trouvent », souligne Nicolas Gaudenzio.

Dans cette nouvelle étude, l’équipe de recherche s’est appuyée sur des technologies plus récentes afin d’étudier plus finement les mastocytes chez la souris et l’humain. Les scientifiques ont utilisé la technique du séquençage en cellule unique : ils ont séquencé l’ARN de cellules individuelles issues de plusieurs organes afin d’en extraire leur « carte d’identité » individuelle.

L’analyse de cellules humaines avec cette méthode dévoile une image beaucoup plus complexe que ce qui avait été décrit jusqu’ici. En effet, les cellules de plus de trente organes humains ont été analysées grâce à des techniques poussées d’exploration de banques de données et de bio-informatique. Les chercheurs ont ainsi identifié non pas deux mais sept sous-types de mastocytes différents, présentant des caractéristiques et des fonctions diverses.

À partir de ces données, l’équipe a été en mesure de créer et de mettre en libre accès la première « cartographie digitale » des mastocytes humains, qui permet à n’importe quel scientifique de voir en un coup d’œil quel sous-type de mastocyte est associé à quel organe et d’en apprendre plus sur sa fonction.

 

mastocytes

Ce schéma représente, de manière simplifiée, la distribution des différents sous-types de mastocytes à travers différents organes du corps.

Cette approche constitue un changement de paradigme majeur puisque la nouvelle cartographie permet, simplement en interrogeant une base de données, de mieux comprendre la diversité naturelle des mastocytes dans les pathologies allergiques et donc d’ouvrir une réflexion sur la nécessité d’adapter les thérapies pour qu’elles ciblent plus finement les sous-types cellulaires impliqués.

« Cette étude est la première pierre d’un vaste édifice qui devrait permettre de transformer les thérapies anti-allergiques et d’aller vers une plus grande personnalisation des traitements, avec plus d’efficacité et moins d’effets indésirables. Nous allons continuer de compléter cette cartographie en étudiant les mastocytes dans différents contextes pathologiques, chez des patients traités ou non, afin qu’elle soit la plus précise possible pour la communauté scientifique et médicale qui travaille sur les allergies », conclut Nicolas Gaudenzio.

Contacts
Contact Chercheur

Nicolas Gaudenzio

Chercheur à l’Inserm

Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity)

E-mail : avpbynf.tnhqramvb@vafrez.se

Téléphone :  05 61 15 84 26

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

Landscape of mast cell populations across organs in mice and humans

Journal of Experimental Medicine, juillet 2023

DOI : https://doi.org/10.1084/jem.20230570

Marie Tauber1 *, Lilian Basso1 *, Jeremy Martin1 *, Luciana Bostan1, Marlene Magalhaes Pinto2, Guilhem R. Thierry3, Raïssa Houmadi1, Nadine Serhan1, Alexia Loste1, Camille Bleriot4, Jasper B.J. Kamphuis1, Mirjana Grujic5, Lena Kjellen5, Gunnar Pejler5, Carle Paul1,6, Xinzhong Dong7,8, Stephen J. Galli9,10, Laurent L. Reber1, Florent Ginhoux11,12,13,14,15, Marc Bajenoff3, Rebecca Gentek2, and Nicolas Gaudenzio1,16

 

1 Toulouse Institute for Infectious and Inflammatory Diseases (Infinity) INSERM UMR1291—CNRS UMR5051—University Toulouse III, Toulouse, France

2 Centre for Inflammation Research and Centre for Reproductive Health, Queens Medical Research Institute, University of Edinburgh, Edinburgh, UK

3 Aix Marseille University, CNRS, INSERM, Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, Marseille, France

4 Institut Necker des Enfants Malades, CNRS UMR8253, Paris, France

5 Department of Medical Biochemistry and Microbiology, Uppsala University, Uppsala, Sweden

6 Toulouse University and Centre Hospitalier Universitaire, Toulouse, France

7 The Solomon H. Snyder Department of Neuroscience, School of Medicine, Center for Sensory Biology, Johns Hopkins University, Baltimore, MD, USA

8 Howard Hughes Medical Institute, Johns Hopkins University School of Medicine, Baltimore, MD, USA

9 Departments of Pathology and Microbiology and Immunology, Stanford University, Stanford, CA, USA

10 Sean N. Parker Center for Allergy and Asthma Research, Stanford University, Stanford, CA, USA

11 Singapore Immunology Network , Agency for Science, Technology and Research, Singapore, Singapore

12 Gustave Roussy Cancer Campus, Villejuif, France

13 INSERM U1015, Gustave Roussy, Villejuif, France

14 Shanghai Institute of Immunology, Shanghai JiaoTong University School of Medicine, Shanghai, China

15 Translational Immunology Institute, SingHealth Duke-NUS Academic Medical Centre, Singapore, Singapore

16 Genoskin SAS, Toulouse, France.

*M. Tauber, L. Basso, and J. Martin contributed equally to this paper

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