L’implantation de dispositifs médicaux n’est pas sans risques. Des infections dues à des bactéries ou des champignons peuvent survenir et la réponse immunitaire forte de l’organisme peut entrainer le rejet de l’implant. Des chercheurs de l’Unité 1121 “Biomatériaux et Bioingénierie” (Inserm/Université de Strasbourg) sont parvenus à créer un film biologique aux propriétés antimicrobiennes, antifongiques et anti-inflammatoires. Il pourrait recouvrir les dispositifs médicaux implantables (prothèses orthopédiques, pacemakers…) afin de prévenir ou contrôler les infections post-opératoires. D’autres dispositifs médicaux fréquemment utilisés à l’origine de nombreux problèmes infectieux tels que les cathéters pourraient aussi en bénéficier.
Ces résultats sont publiés dans la revue Advanced Healthcare Materials.
Voir la découverte en vidéo présentée par Philippe Lavalle, directeur de recherche Inserm :
Les dispositifs médicaux implantables (prothèses orthopédiques, pacemakers, valves cardiaques, implants dentaires) constituent une interface idéale pour les micro-organismes qui peuvent facilement coloniser leur surface. L’infection bactérienne peut alors survenir et entrainer une réaction inflammatoire. Elle risque d’aboutir au rejet de l’implant. Ces infections sont principalement dues aux bactéries, telles que les staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus) hébergées par l’organisme et au bacille pyocyanique. Elles sont aussi parfois causées par des champignons ou des levures. L’enjeu lié à l’implantation des dispositifs médicaux dans l’organisme est de prévenir l’apparition de ces infections engendrant des réactions immunitaires qui compromettent le succès de l’implantation. Actuellement, des antibiotiques sont utilisés mais l’émergence de bactéries multi-résistantes limite dorénavant leur action.
Un film biologique invisible à l’œil nu…
Dans ce contexte, les chercheurs de l’Unité 1121 “Biomatériaux et Bioingénierie” (Inserm/Université de Strasbourg) en collaboration avec quatre laboratoires[1], ont mis au point un film biologique aux propriétés antimicrobiennes et anti-inflammatoires. Pour sa mise au point, les scientifiques ont utilisé la combinaison de deux substances : la poly(arginine) (PAR) et l’acide hyaluronique (HA) pour réaliser un film invisible à l’œil nu (entre 400 et 600 nm d’épaisseur) constitué de plusieurs couches. L’arginine est métabolisée par les cellules immunitaires pour combattre les pathogènes, c’est pourquoi elle a été utilisée pour communiquer avec le système immunitaire afin d’obtenir l’effet anti-inflammatoire souhaité. L’acide hyaluronique, un composant naturel de l’organisme, a été choisi pour sa biocompatibilité et son effet inhibiteur de la croissance bactérienne.
…avec des peptides antimicrobiens embarqués,
L’originalité du film vient également du fait qu’il embarque des peptides antimicrobiens naturels, en particulier la catéstatine, pour empêcher d’éventuelles infections autour de l’implant. Ceux-ci constituent une alternative aux antibiotiques actuellement utilisés. En plus d’avoir une activité antimicrobienne importante, ces peptides sont peu toxiques pour l’organisme qui en sécrète également. Ils sont capables de tuer les bactéries en créant des trous dans leur paroi cellulaire tout en empêchant une contre-attaque de leur part.
…déposé sur une fine couche d’argent,
Dans cette étude, les chercheurs montrent que la poly(arginine) associée à l’acide hyaluronique possède une activité antimicrobienne contre le staphylocoque doré pendant plus de 24h. “Pour prolonger cette activité, nous avons déposé sur l’implant en titane un précurseur à base d’argent avant l’apposition du film. L’argent est une substance anti infectieuse actuellement utilisée sur les cathéters et les pansements. Cette stratégie nous a permis d’obtenir une activité antimicrobienne à long terme” explique Philippe Lavalle, directeur de recherche Inserm.
… efficace pour limiter l’inflammation, prévenir et contrôler les infections
Les résultats des nombreux tests réalisés sur ce nouveau film révèlent qu’il limite l’inflammation et prévient les infections bactériennes et fongiques les plus courantes.
D’une part, les chercheurs montrent, qu’au contact du sang humain, la présence du film sur l’implant supprime l’activation des marqueurs de l’inflammation produits en temps normal par les cellules du système immunitaire en réaction à l’implantation. D’autre part, “en présence de bactéries staphylocoques (Staphylococcus. aureus), d’une souche de levure (Candida albicans) ou de champignon (Aspegillus fumigatus) à l’origine d’infections fréquentes associées à l’implant, le film inhibe leur croissance et leur prolifération à long terme” souligne Philippe Lavalle.
Ces travaux ont reçu le soutien financier de l’Institut Carnot MICA et de la Commission européenne dans le cadre du projet européen “Immodgel”.
[1] la société Protip Medical, l’Université d’Heidelberg, l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg) et l’Institut Charles Sadron (CNRS) ;