Menu
Communiqués et dossiers de presse

Un traitement de Parkinson pourrait retarder la progression d’une des formes de la DMLA

04 Sep 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

DMLALa dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans. © Adobe Stock

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans. Améliorer l’offre thérapeutique pour les patients est un enjeu de taille pour la recherche. Dans une nouvelle étude, une équipe composée de chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Sorbonne Université à l’Institut de la vision[1] à Paris, décrit l’efficacité des médicaments dopaminergiques pour ralentir la progression de l’une des formes de la maladie, la forme néovasculaire ou « humide » caractérisée par la prolifération de vaisseaux sanguins dysfonctionnels sous la rétine. Ces médicaments spécifiques sont déjà utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson. Ces résultats sont publiés dans la revue The Journal of Clinical Investigation.

La DMLA est une maladie de la rétine d’origine multifactorielle qui concerne les plus de 50 ans. Elle correspond à une dégradation d’une partie de la rétine – la macula – et peut mener à la perte de la vision centrale. Bien que très invalidante, elle ne rend jamais totalement aveugle puisque la partie périphérique de la rétine reste intacte.

Il existe deux formes de la maladie qui ont une prévalence à peu près équivalente : la forme néovasculaire, dite « exsudative » ou « humide » et la forme atrophique, ou « sèche avancée » (voir encadré).

Si la forme sèche de la maladie ne dispose actuellement d’aucun traitement curatif, la forme néovasculaire peut être ralentie par des injections régulières administrées directement dans l’œil du patient (des injections dites « intravitréennes »).

Bien que nécessaires, celles-ci peuvent représenter un fardeau thérapeutique important du fait de la fréquence des piqûres, mensuelles ou bimestrielles, selon l’évolution de la maladie. Il est donc intéressant de continuer à identifier de nouvelles alternatives pour les patients.

Des médicaments pour Parkinson

Des études épidémiologiques antérieures ont déjà mis en évidence une association possible entre la maladie de Parkinson et un risque réduit de DMLA néovasculaire[2]. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, et de Sorbonne Université à l’Institut de la vision, ont exploré les mécanismes sous-jacents qui expliqueraient cette protection potentielle.

Dans des modèles cellulaires et animaux, les scientifiques ont montré que la L-Dopa, médicament de la famille des dopaminergiques[3] utilisé dans le traitement de la maladie de Parkinson, active un récepteur spécifique du cerveau, appelé DRD2. Cette activation du DRD2 bloque la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans l’œil, un processus clé dans le développement de la DMLA néovasculaire.

Pour aller plus loin, l’équipe a ensuite analysé les données de santé de plus de 200 000 patients atteints de DMLA néovasculaire en France[4].

Ils ont montré que les patients qui prenaient de la L-Dopa ou d’autres médicaments inhibant le récepteur DRD2 (des agonistes DRD2) pour traiter leur maladie de Parkinson développaient la DMLA néovasculaire plus tard dans leur vie et nécessitaient moins d’injections intravitréennes. 

En effet, les patients traités avec ces médicaments pour leur maladie de Parkinson déclaraient la maladie à 83 ans au lieu de 79 ans pour les autres patients.

« Ces résultats ouvrent des perspectives inédites pour les patients atteints de DMLA dans sa forme humide. Nous avons maintenant une piste sérieuse pour retarder l’évolution de cette maladie et réduire le fardeau des traitements actuels », explique Florian Sennlaub, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision (CNRS/Sorbonne Université/Inserm).

Thibaud Mathis, professeur des universités et praticien hospitalier dans le service d’ophtalmologie de l’hôpital de la Croix-Rousse – Hospices civils de Lyon, et chercheur à l’Université Lyon 1, ainsi qu’au sein de l’Institut de la vision abonde dans le même sens :

« Ces résultats suggèrent que les médicaments dopaminergiques, au-delà de leur rôle dans la maladie de Parkinson, pourraient avoir un effet bénéfique dans la prévention et le traitement de la DMLA néovasculaire. »

Même si des études cliniques plus approfondies seront nécessaires pour confirmer ces résultats et évaluer l’efficacité et la sécurité de ces médicaments dans le traitement de la DMLA, cette découverte ouvre de nouvelles perspectives encourageantes pour la lutte contre la forme néovasculaire, offrant l’espoir d’un traitement plus efficace et moins contraignant pour les patients.

Deux formes de DMLA :

La DMLA humide est caractérisée par la prolifération de nouveaux vaisseaux dysfonctionnels sous la rétine. Le sang peut se diffuser à travers leurs parois et conduire à la formation d’un œdème maculaireDu sang s’échappe parfois de celui-ci et entraîne l’apparition d’hémorragies rétiniennes.

La forme humide de la DMLA évolue rapidement si elle n’est pas prise en charge. Auparavant, une perte de vision centrale pouvait apparaître en quelques semaines ou même quelques jours. Ce processus peut aujourd’hui être stoppé grâce à des médicaments (anti-VEGF) injectés dans l’œil, qui inhibent la croissance de nouveaux vaisseaux. Néanmoins, après plusieurs années de traitement, la maladie peut évoluer vers une forme atrophique.

Dans la DMLA atrophique ou « sèche avancée », les photorécepteurs de la macula disparaissent progressivement, suivis par les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien. Ce processus génère des trous de taille croissante dans la macula, visibles par une simple observation de la rétine (fond d’œil). Ce processus est lent et il s’écoule en général entre cinq et dix ans avant que le patient ne perde sa vision centrale. Actuellement, aucun traitement pour cette forme de DMLA n’est autorisé en Europe.

Des formes mixtes de la maladie peuvent être observées, et chacune de ces deux formes peut précéder l’apparition de la seconde.

[1]Ce travail est le fruit d’une collaboration avec des équipes de l’université et du CHU de Lyon, de l’université de Bourgogne et de l’Institut du cerveau à Paris.

[2]Levodopa Is Associated with Reduced Development of Neovascular Age-Related Macular Degeneration, Max J Hyman et al. Ophthalmology retina 2023

[3]Les médicaments dopaminergiques apportent la dopamine nécessaire au fonctionnement du cerveau. Dans la maladie de Parkinson, la dopamine va diminuer l’intensité des tremblements, de la rigidité et de l’akinésie.

[4] Il s’agit des données du Système national des données de santé (SNDS).

Contacts
Contact Chercheur

Florian Sennlaub

Directeur de recherche Inserm

Institut de la vision (unité 968 Inserm/Sorbonne Université/CNRS)

sybevna.fraaynho@vafrez.se

Thibaud Mathis

Professeur des universités et praticien hospitalier dans le service d’ophtalmologie de l’Hôpital de la Croix-Rousse – Hospices civils de Lyon

Laboratoire MATEIS (UMR CNRS 5510/INSA/Université Lyon 1)

Institut de la vision (unité 968 Inserm/Sorbonne Université/CNRS)

guvonhq.znguvf@puh-ylba.se

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

DRD2 activation inhibits choroidal neovascularization in patients with Parkinson’s disease and age-related macular degeneration

The Journal of Clinical Investigation, 16 juillet 2024

Thibaud Mathis1,2,3, Florian Baudin4,5, Anne-Sophie Mariet6, Sébastien Augustin1 , Marion Bricout1,2,3, Lauriane Przegralek1 , Christophe Roubeix1 , Éric Benzenine6 , Guillaume Blot1 , Caroline Nous1, Laurent Kodjikian2,3, Martine Mauget-Faÿsse7 , José-Alain Sahel1,7,8, Robin Plevin9, Christina Zeitz1, Cécile Delarasse1, Xavier Guillonneau1*, Catherine CreuzotGarcher4*, Catherine Quantin6,10*, Stéphane Hunot11* , Florian Sennlaub1*†

1 Sorbonne Université, INSERM, CNRS, Institut de la Vision, 17 rue Moreau, F-75012 Paris, France.

2 Hopital de la Croix-Rousse, Hospices Civils de Lyon, 103 grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon, France

3 UMR-CNRS 5510, MATEIS, INSA, Université Lyon 1, Campus de la Doua, 69100 Villeurbanne, France

4 Service d’ophtalmologie, CHU Dijon, 14 rue Paul Gaffarel 21000 Dijon, France

5 Ramsaysanté, Clinique d’Argonay, 74370 Argonay, France

6 Service de Biostatistiques et D’Information Médicale (DIM), CHU Dijon Bourgogne, INSERM, Université de Bourgogne, CIC 1432, Module Épidémiologie Clinique, 14 rue Paul Gaffarel F21000 Dijon, France

7 Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 29 rue Manin, F75019 Paris, France

8 Department of Ophthalmology, University of Pittsburgh school of Medicine, Pittsburgh, PA 15213, United States

9 Strathclyde Institute for Pharmacy & Biomedical Sciences, University of Strathclyde, 161 Cathedral Street, Glasgow G4 0RE, UK

10 Université Paris-Saclay, UVSQ, INSERM, CESP, 94807 Villejuif, France

11 Paris Brain Institute—ICM, Inserm, CNRS, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Sorbonne Université, 75013 Paris

*These authors contributed equally to the work

fermer