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Communiqués et dossiers de presse

Une thérapie améliore les fonctions cognitives chez des patients porteurs de trisomie 21

01 Sep 2022 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

La pompe, similaire à un pansement adhésif, est en train d’être placée sur le bras d’un patient. Ce dispositif médical permet de délivrer la GnRH de façon pulsatile en sous-cutané © 2022 CHUV Éric Deroze

 

Une équipe de l’Inserm au sein du laboratoire Lille neuroscience & cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille) et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne) ont collaboré afin de tester l’efficacité d’une thérapie fondée sur l’injection de l’hormone GnRH, pour améliorer les fonctions cognitives d’un petit groupe de patients porteurs de trisomie 21. Les scientifiques de l’Inserm ont d’abord mis en évidence un dysfonctionnement des neurones à GnRH dans un modèle animal de la trisomie 21 et ses conséquences sur l’altération des fonctions cognitives associées à la maladie. Une étude pilote a ensuite été menée chez sept patients pour tester une thérapie basée sur l’injection pulsatile de GnRH, avec pour résultat une amélioration des fonctions cognitives et de la connectivité cérébrale. Cette étude fait l’objet d’une publication dans Science.

Le syndrome de Down, ou trisomie 21, touche environ une naissance sur 800 et se traduit par un éventail de manifestations cliniques, parmi lesquelles un déclin des capacités cognitives. Ainsi, en vieillissant, 77 % des personnes atteintes de trisomie 21 connaissent des symptômes proches de ceux de la maladie d’Alzheimer. Une perte progressive de l’olfaction, typique des maladies neurodégénératives, est également fréquente à partir de la période prépubère, et les hommes peuvent présenter des déficits de maturation sexuelle.

Un dysfonctionnement des neurones secrétant la GnRH identifié dans la trisomie 21

De récentes découvertes ont suggéré que les neurones exprimant l’hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), connus pour réguler la reproduction via l’hypothalamus, auraient aussi une action dans d’autres régions du cerveau avec un rôle potentiel sur d’autres systèmes, tels que celui de la cognition.

Partant de cette idée, le groupe de chercheurs du laboratoire Lille neuroscience & cognition, mené par Vincent Prévot, directeur de recherche Inserm, a étudié le mécanisme de régulation de la GnRH sur des souris modèles de la trisomie 21.

Le laboratoire a ainsi démontré que cinq brins de micro-ARN régulant la production de cette hormone et présents sur le chromosome 21 étaient dérégulés. Ce chromosome surnuméraire entraîne alors des anomalies dans les neurones secrétant la GnRH. Ces résultats ont été confirmés aux niveaux génétique et cellulaire. Les scientifiques de l’Inserm sont ainsi parvenus à démontrer que les déficiences cognitives et olfactives progressives de ces souris étaient étroitement liées à une sécrétion de GnRH dysfonctionnelle.

Restaurer la production de GnRH pour améliorer les fonctions cognitives

Les scientifiques de l’Inserm ont ensuite réussi à démontrer que la remise en fonction d’un système GnRH physiologique permettait de restaurer les fonctions cognitives et olfactives chez la souris trisomique.

Ces résultats chez la souris ont été discutés avec Nelly Pitteloud, professeure à la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne et cheffe du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. Ce groupe est expert dans le diagnostic moléculaire et le traitement d’une maladie rare, la déficience congénitale de GnRH, se manifestant par une absence de puberté spontanée. Un traitement de GnRH pulsatile est prodigué à ces patients et patientes, afin de reproduire le rythme pulsatile naturel de la sécrétion de cette hormone permettant d’induire une puberté.

Les chercheurs ont donc décidé de tester l’efficacité d’un traitement de GnRH pulsatile sur les déficits cognitifs et olfactifs des souris trisomiques, selon un protocole identique à celui utilisé chez l’humain. Au bout de 15 jours, l’équipe a démontré une restauration des fonctions olfactives et cognitives chez les souris.

Le traitement de GnRH pulsatile améliore les fonctions cognitives et la connectivité neuronale chez un petit groupe de patients

Les scientifiques et médecins sont donc passés à l’étape suivante, et ont mené un essai clinique pilote sur des patients[1], afin d’évaluer les effets de ce traitement. Sept hommes porteurs de trisomie 21, âgés de 20 à 50 ans, ont reçu une dose de GnRH toutes les deux heures en sous-cutané pendant 6 mois, à l’aide d’une pompe placée sur le bras. Des tests de la cognition et de l’odorat ainsi que des examens IRM ont été réalisés avant et après le traitement.

D’un point de vue clinique, les performances cognitives ont augmenté chez 6 des 7 patients : meilleure représentation tridimensionnelle, meilleure compréhension des consignes, amélioration du raisonnement, de l’attention et de la mémoire épisodique.

En revanche, le traitement n’a pas eu d’impact sur l’olfaction. Ces mesures de l’amélioration des fonctions cognitives étaient associées à un changement de la connectivité fonctionnelle observée par imagerie cérébrale [2].

 

L’un des exemples les plus significatifs concerne l’évolution de la représentation d’objets en 3D par le dessin ci-dessus. À gauche, un cube dessiné avant le début du traitement. À droite, un lit dessiné 6 mois après par un des participants.

Ces données suggèrent que le traitement agit sur le cerveau en renforçant notamment la communication entre certaines régions du cortex.

« Le maintien du système GnRH semble jouer un rôle clé dans la maturation du cerveau et les fonctions cognitives », explique Vincent Prévot. « Dans la trisomie 21, la thérapie GnRH pulsatile est prometteuse, d’autant qu’il s’agit d’un traitement existant et sans effet secondaire notable », ajoute Nelly Pitteloud.

Ces résultats prometteurs justifient désormais le lancement d’une étude plus vaste – incluant des femmes – visant à confirmer l’efficacité de ce traitement pour les personnes atteintes de trisomie 21, mais aussi pour d’autres pathologies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer.

 

[1] Ces patients ont été adressés par la Pre Ariane Giacobino, responsable de la consultation Trisomie 21 aux Hôpitaux universitaires de Genève.

[2] Ces mesures ont été réalisées par le Département des neurosciences cliniques du CHUV.

Contacts
Contact Chercheur

Vincent Prévot

Directeur de recherche Inserm

Responsable de l’équipe Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine

Unité U1172 – Lille Neuroscience & Cognition – Lille

E-mail : rf.mresni@toverp.tnecniv

Téléphone sur demande

Sources

GnRH replacement rescues cognition in Down Syndrome

Science, 1er septembre 2022

https://doi.org/10.1126/science.abq4515

Maria Manfredi-Lozano1,2#, Valerie Leysen1,2#, Michela Adamo3,4#, Isabel Paiva5, Renaud Rovera6, Jean-Michel Pignat7, Fatima Ezzahra Timzoura1,2, Michael Candlish8,†, Sabiha Eddarkaoui1, Samuel A. Malone1,2, Mauro S. B. Silva1,2, Sara Trova1,2, Monica Imbernon1,2, Laurine Decoster1,2, Ludovica Cotellessa1,2,Manuel Tena-Sempere9, Marc Claret10, Ariane Paoloni-Giacobino11, Damien Plassard12, Emmanuelle Paccou3, Nathalie Vionnet3, James Acierno3, Aleksandra Maleska Maceski13, Antoine Lutti14, Frank Pfrieger15, S. Rasika1,2, Federico Santoni4, Ulrich Boehm8, Philippe Ciofi16, Luc Buée1, Nasser Haddjeri6, Anne-Laurence Boutillier5, Jens Kuhle13, Andrea Messina3,4, Bogdan Draganski14,17, Paolo Giacobini1,2, Nelly Pitteloud3,4*, Vincent Prevot1,2 *

1 Univ. Lille, Inserm, CHU Lille, Lille Neuroscience & Cognition, UMR-S 1172, Labex DistAlz,Lille, France

2 Laboratory of Development and Plasticity of the Neuroendocrine Brain, FHU 1000 days for health, EGID, Lille, France

3 Department of Endocrinology, Diabetology, and Metabolism, Lausanne University Hospital, 1011 Lausanne, Switzerland

4 Faculty of Biology and Medicine, University of Lausanne, Lausanne 1005, Switzerland

5 Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Adaptatives (LNCA), UMR 7364, Université de Strasbourg-CNRS, Strasbourg, France

6 Univ. Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, Inserm, Stem Cell and Brain Research Institute U1208, Bron 69500, France

7 Department of Clinical Neurosciences, Neurorehabilitation Unit, University Hospital CHUV, Lausanne, Switzerland

8 Experimental Pharmacology, Center for Molecular Signaling (PZMS), Saarland University School of Medicine, 66421, Homburg, Germany

9 Univ. Cordoba, IMIBC/HURS, CIBER Fisiopatología de la Obesidad y Nutrición, Instituto de Salud Carlos III, Cordoba, Spain

10 Neuronal Control of Metabolism Laboratory, Institut d’Investigacions Biomèdiques August Pi I Sunyer (IDIBAPS), 08036 Barcelona, Spain; Centro de Investigación Biomédica en Red (CIBER) de Diabetes y Enfermedades Metabólicas Asociadas (CIBERDEM), 08036 Barcelona, Spain

11 Department of Genetic Medicine, University Hospitals of Geneva, 4 rue Gabrielle-Perret-Gentil, 1211, Genève, Switzerland

12 CNRS UMR 7104, INSERM U1258, GenomEast Platform, Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire (IGBMC), Université de Strasbourg, Illkirch, France

13 Neurologic Clinic and Polyclinic, MS Centre and Research Centre for Clinical Neuroimmunology and Neuroscience Basel; University Hospital Basel, University of Basel, Basel Switzerland

14 Laboratory for Research in Neuroimaging LREN, Centre for Research in Neurosciences, Department of Clinical Neurosciences, Lausanne University Hospital and University of Lausanne, Switzerland

15 Centre National de la Recherche Scientifique, Université de Strasbourg, Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, 67000 Strasbourg, France

16 Univ. Bordeaux, Inserm, U1215, Neurocentre Magendie, Bordeaux, France

17 Neurology Department, Max-Planck-Institute for Human Cognitive and Brain Sciences, Leipzig, Germany

† New address, Institute of Cell Biology and Neuroscience and Buchmann Institute for Molecular Life Sciences (BMLS), University of Frankfurt, Max-von-Laue-Str. 15, 60438, Frankfurt am Main, Germany

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* ont contribué de manière équivalente

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