Contact Chercheur
Emmanuel BARBIERDirecteur de recherche Inserm
Unité Inserm 836 "Grenoble institut des neurosciences (gin)"
rf.elbonerg-fju@reibrab.leunamme
Tel : 04 56 52 05 88
Dans des conditions normales et à défaut de pouvoir le stocker, le cerveau ne supporte pas d’être privé d’oxygène plus de quelques minutes sans risque de provoquer de graves séquelles. Après un accident (traumatisme crânien ou accident vasculaire cérébral (AVC)), c’est donc l’oxygénation cérébrale que les équipes d’urgence et les médecins tentent de restaurer le plus rapidement possible. Plus les médecins seront rapides et précis, plus les chances de récupérer seront grandes. Une équipe multidisciplinaire au sein de l’Institut des Neurosciences de Grenoble (GIN, Inserm / Université Grenoble Alpes / CHU de Grenoble) associant physiciens, biologistes et médecins (neurologues et anesthésistes-réanimateurs) a mis au point une nouvelle approche pour mesurer l’oxygénation cérébrale grâce à l’IRM. En plus d’être non invasive, cette technique identifie précisément les zones du cerveau les moins oxygénées. Elle pourrait à terme guider les interventions thérapeutiques pour les rendre plus précises, moins risquées et plus efficaces.
Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Cerebral Blood Flow and Metabolism.
Alors que le cerveau représente en poids simplement 2 % du corps, il utilise 20 % de l’oxygène total consommé par l’organisme. Il ne sait par ailleurs pas faire de « réserves » et le moindre manque d’oxygène, peut conduire à des séquelles graves (par exemple, perte du langage ou de la motricité) voire au décès s’il n’est pas restauré très rapidement. Idéalement, dans une situation de traumatisme, il faudrait donc être capable de savoir immédiatement quelles sont les zones du cerveau les plus touchées par le manque d’oxygène et si possible sans avoir à intervenir physiquement sur des organismes déjà affaiblis.
Après un accident, le suivi de l’oxygénation du cerveau est primordial. Aujourd’hui des méthodes internationales standardisées, notamment la pose d’une sonde dans le cerveau, permettent d’estimer localement l’oxygénation du cerveau. Cette intervention nécessite un acte neurochirurgical lourd et ne conduit qu’à une mesure très locale de l’oxygénation cérébrale.. Le seul moyen de cartographier la teneur en oxygène du cerveau (développée dans les années 80) est la mesure de l’oxygène radioactif en imagerie fonctionnelle. Mais là aussi cette méthode a ses limites car elle est coûteuse et nécessite la disponibilité d’appareils TEP (Tomographie par émission de positons) peu nombreux sur le territoire. Enfin, si la consommation totale d’oxygène par le cerveau reste constante, elle varie cependant d’une région cérébrale à l’autre.
La nouvelle approche d’IRM, développée par les chercheurs de l’Inserm, caractérise la saturation tissulaire en oxygène du cerveau, c’est-à-dire la quantité d’oxygène présente dans la microvascularisation tissulaire (notée StO2).
Grâce à cette technique, les chercheurs ont pu observer une réduction importante du niveau d’oxygénation cérébrale dans un modèle animal d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique et, à un moindre degré, après un traumatisme crânien. En permettant de cartographier l’oxygénation cérébrale, une hétérogénéité régionale de StO2 a été mise en évidence dans l’AVC, le traumatisme crânien et un modèle de tumeur cérébrale.
Cette approche innovante présente plusieurs avantages, dont celui d’être utilisable immédiatement chez l’homme. L’examen IRM ne nécessite pas d’injection d’un traceur radioactif, contrairement à l’imagerie par émission de positon (ou imagerie TEP), technique de référence. L’IRM permet également d’obtenir des cartes de StO2 avec une meilleure résolution spatiale. Par ailleurs, un examen IRM est moins coûteux qu’un examen TEP, et les imageurs IRM sont plus répandus en France que les imageurs TEP.
Les résultats obtenus dans cette étude préclinique correspondent parfaitement à ceux obtenus avec deux approches de références et pour différents niveaux d’oxygénation : d’une part, une mesure des gaz du sang et d’autre part, une cartographie des zones privées d’oxygène obtenues par histologie.
D’un point de vue clinique, plusieurs applications sont envisageables, illustrées dans ce travail par 3 situations :
Si aujourd’hui la fiabilité de ce dispositif a été démontrée, il reste à voir dans quelles mesures il pourra guider le travail des médecins neurologues et ou anesthésistes réanimateurs.
Ces travaux ont été réalisés sur la plateforme IRMaGe, une plateforme de l’infrastructure nationale en imagerie du vivant « France Life Imaging ». Ils ont notamment bénéficié du soutien de l’Agence Nationale pour la Recherche (projet IMOXY).