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De par leur rythme cyclique et de durées similaires, un lien entre cycle menstruel et cycle lunaire a souvent été supposé, sans que la science ne soit jusqu’à présent parvenue à fournir de preuves solides. Afin de mieux comprendre l’origine de la régularité rythmique du cycle menstruel, une équipe de recherche internationale associant l’Inserm, le CNRS et l’Université Claude Bernard Lyon 1, a comparé un grand nombre de données de cycles, récoltées dans des études européennes et nord-américaines. Ses résultats montrent que le cycle menstruel serait finement régulé par une horloge interne, elle-même influencée de manière occasionnelle par le cycle lunaire. Ces travaux à paraître dans Science Advances plaident pour l’intérêt d’étudier davantage ce lien potentiel sur des jeux de données de plus grande ampleur, afin d’identifier un éventuel intérêt de la chronobiologie dans le traitement des troubles de la fertilité.
Un cycle ovulatoire classique, ou cycle menstruel, chez l’humain dure en moyenne 29,3 jours, avec des variations de durée d’une personne menstruée à une autre et d’un cycle à l’autre chez une même personne. Il commence au premier jour des menstruations et est constitué de trois phases, chacune dédiée à la réalisation d’un processus spécifique en lien avec l’ovulation qui survient autour du 14e jour de cycle.
Certains travaux ont suggéré que chacune de ces trois phases pourraient se dérouler sous l’influence d’une horloge interne dont la perturbation du rythme serait associée à des irrégularités dans le cycle menstruel.
Chez l’humain, l’horloge interne la plus connue est l’horloge circadienne, très proche de 24h, qui maintient le cycle veille-sommeil et l’ensemble des rythmes physiologiques. Elle est en phase avec le cycle jour-nuit sous l’influence de la lumière. Lorsque l’horloge circadienne est perturbée – comme dans le cas du jet-lag par exemple -, elle met quelques jours à se recaler sur son rythme habituel en se resynchronisant au nouveau cycle jour-nuit.
Dans le cas des cycles menstruels, l’implication d’une horloge interne pourrait se manifester de façon similaire : la durée du cycle serait habituellement hautement stable chez une même personne et, en cas de perturbation, des mécanismes d’adaptation par synchronisation avec des conditions externes entreraient en jeu pour rétablir le rythme optimal.
Alors quel pourrait être ce « synchroniseur externe » ? Une théorie récurrente suggère que le cycle lunaire pourrait jouer ce rôle, mais les preuves scientifiques manquent à ce jour.
Une équipe de recherche internationale menée par Claude Gronfier, chercheur Inserm au sein du Centre de recherche en Neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), s’est intéressée à l’existence potentielle d’une horloge biologique interne qui régulerait le cycle menstruel et qui pourrait être synchronisée avec le cycle lunaire. Grâce à une grande base de données de cycles menstruels collectés dans le cadre d’études européennes et nord-américaines, elle a pu comparer au total près de 27 000 cycles menstruels chez 2 303 européennes et près de 4 800 cycles chez 721 nord-américaines.
Dans un premier temps les chercheuses et chercheurs ont examiné la stabilité d’un cycle menstruel à l’autre au niveau individuel, en comparant la durée de cycles successifs. Ils ont ainsi observé une stabilité globale de la durée moyenne du cycle de chaque participante, alors même que sur un ensemble de cycles successifs, certains duraient en fait plus ou moins longtemps que son cycle « standard ».
« Ces observations suggèrent l’existence d’un mécanisme qui corrigerait la différence entre la durée du cycle en cours et celle d’un cycle menstruel typique chez la personne concernée, explique René Écochard, premier auteur de l’étude, médecin aux Hospices Civils de Lyon et professeur à l’Université Claude Bernard Lyon 1. « Quelques cycles plus courts pourraient ainsi compenser une série de quelques cycles plus longs de manière à ce que la longueur totale du cycle oscille autour de la durée habituelle du cycle menstruel. La durée d’un cycle pourrait donc dépendre de la durée des cycles précédents ».
« L’observation de ce phénomène plaide en faveur de l’existence d’une horloge interne régulant finement les cycles menstruels, elle-même synchronisée par un événement cyclique environnemental », ajoute Claude Gronfier.
Dans un second temps l’équipe de recherche s’est intéressée aux relations potentielles entre la survenue des menstruations dans les cycles étudiés et les phases de la lune à l’époque de la collecte des données.
Elle a ainsi pu observer une association, occasionnelle mais significative, entre le cycle menstruel et le cycle lunaire, avec cependant – et sans que ces travaux ne permettent de statuer sur la cause -, une différence majeure entre les cohortes européennes et la cohorte nord-américaine : chez les européennes, le cycle commençait le plus souvent lors de la phase croissante de la lune tandis qu’il commençait plus souvent à la pleine lune dans la cohorte d’Amérique du Nord.
« Malgré cette différence étonnante que nous ne parvenons pas à expliquer pour le moment, les liens identifiés dans ces travaux entre les cycles lunaires et menstruels, de par leur proximité avec certains phénomènes que nous observons en chronobiologie, suggèrent que la périodicité des menstruations et de l’ovulation pourraient être influencées, de manière modeste mais significative, par le cycle lunaire », précise Claude Gronfier.
Ces résultats plaident donc en faveur d’un système d’horloge interne avec un rythme quasi-mensuel, faiblement synchronisé par le cycle lunaire. Ils demandent cependant à être approfondis et confirmés par des études en laboratoire et des études épidémiologiques plus vastes.
« Grâce aux applications d’enregistrement des cycles pour smartphone, l’émergence de larges bases de données contenant les informations de cycles de plusieurs centaines de milliers de femmes pourrait fournir de nouvelles opportunités d’études », indique René Écochard.
« Confirmer l’existence d’une horloge interne coordonnant le cycle menstruel, ainsi que les mécanismes impliqués dans sa synchronisation, pourrait permettre d’appliquer des approches de médecine dite « circadienne », personnalisée – déjà utilisée en cancérologie et pour le traitement des troubles du sommeil ou de la dépression, par exemple – à des problématiques comme les troubles de l’ovulation et de la fertilité », conclut Claude Gronfier.
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