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Communiqués et dossiers de presse

Vers le développement de substituts du bisphénol A

19 Sep 2012 | Par INSERM (Salle de presse) | Bases moléculaires et structurales du vivant | Technologie pour la sante

Très présent dans notre environnement domestique, le bisphénol A (BPA) est suspecté d’induire des effets hormonaux chez l’Homme. Des chercheurs de l’Inserm et du CNRS à Montpellier ont étudié au niveau moléculaire les interactions entre le BPA, ses dérivés et le récepteur des estrogènes, une de ses principales cibles. Dans cette étude publiée dans PNAS, les chercheurs décrivent pour la première fois le mode d’action de ce composé à l’échelle moléculaire et présentent un outil bio-informatique capable à la fois de prédire son interaction avec le récepteur en 3D, et d’évaluer les liaisons de potentiels substituts à ce récepteur. Ces résultats permettront à terme d’orienter la synthèse de nouveaux composés conservant leurs caractéristiques industrielles mais dénués de propriétés hormonales.

Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur. De récentes études ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoires. Le BPA est actuellement fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’Homme. La fabrication et la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A sont interdits depuis janvier 2011 en Europe. Les études se poursuivent et certaines ont d’ailleurs déjà mis en évidence des taux significatifs de BPA dans le sang, les urines et le placenta humain.

Bien qu’il soit considéré comme un perturbateur endocrinien capable de dérégler certains récepteurs cellulaires en mimant l’action d’hormones naturelles, son mécanisme d’action moléculaire à l’origine de ces effets délétères, restait obscur.

En associant des approches complémentaires de biologie cellulaire et structurale, deux équipes montpelliéraines (Unité 896 Inserm/UM1/CRLC « Institut de recherche en cancérologie de Montpellier » et Unité 1054 Inserm/CNRS/UM1 « Centre de biochimie structurale ») ont montré comment le BPA et ses dérivés interagissent avec le récepteur des estrogènes et modulent son activité.

Les chercheurs ont d’abord montré, par des tests biologiques, que les régions du récepteur activées par la liaison des bisphénols A, AF et C diffèrent de celles activées par l’estradiol, l’hormone qui s’y fixe naturellement. « Ces résultats suggèrent que les bisphénols pourraient ne pas reproduire tous les effets de l’estradiol dans les différents tissus ciblés et soulignent l’importance du choix des tests biologiques dans l’évaluation du caractère « perturbateur endocrinien » des bisphénols », indiquent Patrick Balaguer et William Bourguet, les deux chercheurs Inserm principaux auteurs de l’étude.

Pour savoir comment les bisphénols se fixent au récepteur des estrogènes, ils ont ensuite caractérisé au niveau atomique l’interaction par cristallographie aux rayons X. Cette technique, qui a recours à des instruments de pointe tels que le synchrotron ESRF de Grenoble, consiste à obtenir un cristal de protéines (ici d’1/10ème de mm) à partir des composés à analyser et de l’éclairer par un faisceau de rayons X afin d’en déterminer sa structure atomique.

Contrairement aux modèles théoriques conçus à partir de l’analogie avec la structure du récepteur en présence de l’estradiol, le résultat issu de l’analyse cristallographique a permis de visualiser en 3D les structures réelles, très précises du mode de liaison (Figure 1) bisphénol-récepteur. A partir de ces résultats, les chercheurs ont développé un outil bio-informatique capable de prédire les interactions entre les bisphénols et leurs différents récepteurs cibles (récepteurs des estrogènes, des androgènes et le récepteur apparenté au récepteur des estrogènes g).

Cette structure cristallographique montre comment le BPA (atomes de carbone gris et atomes d’oxygène rouge) se lie au récepteur des estrogènes (surface moléculaire bleue clair). Certains acides aminés importants pour l’interaction sont représentés en orange.

©Inserm CNRS / V. Delfosse et W.Bourguet

« Les résultats de notre étude ainsi que les outils cellulaires, biophysiques et bioinformatiques que nous avons mis au point vont permettre d’orienter la synthèse de nouveaux composés conservant leurs caractéristiques industrielles mais dénués de propriétés hormonales », expliquent Patrick Balaguer et William Bourguet, directeurs de recherche Inserm.

« Nous poursuivons actuellement notre travail pour mettre au jour les structures cristallographiques avec d’autres perturbateurs endocriniens, tels que les alkylphénols, les pesticides, les parabènes ou encore les benzophénones, et ainsi étendre notre programme informatique à ces polluants environnementaux. La mise à disposition de ces résultats devrait également faciliter l’évaluation du caractère « perturbateur endocrinien » de l’ensemble des molécules visées par la réglementation REACH (140 000 composés)« , concluent les chercheurs.

Contacts
Contact Chercheur
Patrick Balaguer, PhD Directeur de recherche Inserm (Approche biologique) Unité mixte de recherche 896 Inserm/UM1/CRLC Val d'Aurelle "IRCM - Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier" Equipe Signalisation Hormonale et Cancer Parc Euromédecine Tel 04 67 61 24 09 patrick Balaguer  William Bourguet, PhD Directeur de recherche Inserm (Approche structurale / cristallographie) Centre de Biochimie Structurale/ CNRS UMR5048 / INSERM U1054 Equipe Récepteurs Nucléaires et Epigénétique rf.srnc.sbc@teugruob
Contact Presse
rf.mresni@esserp
Sources
Structural and mechanistic insights into bisphenols action provide guidelines for risk assessment and discovery of BPA substitutes Vanessa Delfosse, Marina Grimaldi, Jean-Luc Pons, Abdelhay Boulahtouf, Albane le Maire, Vincent Cavailles, Gilles Labesse, William Bourguet, and Patrick Balaguer   VD, JLP, AlM, GL, WB. Centre de Biochimie Structurale, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale U1054, Centre National de la Recherche Scientifique, Unité Mixte de Recherche 5048, Universités Montpellier 1 and 2, 34090 Montpellier, France MG, AB, VC, PB. Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier, Institut National de la Santé et de la recherche Médicale U896, Centre Régional de Lutte contre le Cancer Val d’Aurelle Paul Lamarque, Université Montpellier 1, 34298 Montpellier, France PNAS,  11 septembre 2012
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