Pour traiter les maladies cardiovasculaires, les chercheurs étudient depuis quelques années une approche prometteuse qui consiste à créer de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants grâce à l’utilisation de facteurs de croissance. Jusqu’à présent, la combinaison adéquate de ces facteurs ainsi que le système de diffusion aboutissant au développement de vaisseaux fonctionnels, n’avaient pas été découverts. Aujourd’hui, Ebba Brakenhielm, chargée de recherche à l’Inserm (unité 644, Rouen “Pharmacologie des dysfonctionnements endothéliaux et myocardiques”) et ses collaborateurs, viennent de mettre au point une stratégie innovante répondant à ce double défi. Ils ont conçu des microcapsules, contenant deux facteurs de croissance efficaces, qui, une fois injectées dans le muscle cardiaque, préviennent ses dysfonctionnements.
Ces résultats, publiés dans la revue Circulation, sont disponibles en ligne
Stimuler la croissance de vaisseaux sanguins, via la création de nouveaux vaisseaux (angiogenèse) et leur maturation(artériogénèse), représente une solution thérapeutique prometteuse dans le traitement des maladies cardiovasculaires, telles que l’infarctus du myocarde ou l’insuffisance cardiaque chronique. Cette thérapie nouvelle dite “angiogénique” est basée sur la diffusion ciblée de facteurs de croissance qui stimulent la migration et la prolifération de cellules vasculaires aboutissant à la formation et la croissance de vaisseaux sanguins. Toutefois, les récents essais cliniques basés sur l’administration d’un seul facteur pro-angiogénique n’ont pas montré les résultats bénéfiques attendus et les méthodes de diffusion utilisées présentaient de nombreuses limites.
Afin d’améliorer la thérapie angiogénique, les chercheurs de l’unité Inserm 644 “pharmacologie des dysfonctionnements endotheliaux et myocardiques” à Rouen, viennent de mettre au point une stratégie innovante permettant la libération contrôlée de facteurs pro-angiogéniques par des microcapsules formées à partir de biopolymères tels que l’alginate. En plus de l’innovation technologique, ils ont identifié une combinaison de facteurs de croissance qui stimule de façon synergique l’angiogenèse et l’arteriogenèse (création d’artères matures).
“Cette combinaison, libérée par des microcapsules administrées directement dans le muscle cardiaque, stimule la croissance de vaisseaux sanguins cardiaques stables et fonctionnels” souligne Ebba Brakenhielm, chercheuse à l’Inserm et principal auteur de l’étude.
De la formule à la microcapsule…
© Ebba Brakenhielm, Inserm – Facteurs de croissance encapsulés – Gauche: image de microscopie confocale “3D” du FGF (en rouge) directement après son chargement dans la microcapsule – Droite: image de microscopie confocale du HGF (en rouge) encapsulé dans la microcapsule, visualisé 5 jours après le chargement.
© Florence Edwards-Lévy, CNRS-Université de Reims Champagne-Ardenne – Microphotographies des microcapsules destinées à contenir les facteurs de croissance – En haut : microscopie optique après coloration – En bas: microscopie électronique à balayage après séchage
Pour parvenir à ce double résultat, les chercheurs ont procédé par étapes. Ils ont d’abord constaté, in vitro, que l’association de deux facteurs de croissance, (FGF-2 et HGF), comparée à l’utilisation d’un seul facteur, stimule davantage la migration et la prolifération de cellules vasculaires animales et humaines.
Ensuite, ils ont vérifié leur observationin vivo en observant l’effet renforcé de cette formulation sur des cornées de souris : des vaisseaux fonctionnels et stables se sont formés.
En parallèle, les chercheurs se sont penchés sur le système permettant le transport et la diffusion ciblée des facteurs de croissance. Ils ont alors envisagé l’utilisation de microcapsules, préparées notamment à partir d’alginate.
“L’utilisation des microcapsules permet une diffusion locale lente et une protection des facteurs de croissance. Ils sont alors 3 à 6 fois plus actifs pour induire l’angiogenèse que des facteurs non encapsulés” précise Florence Edwards-Lévy, de l’Institut de Chimie Moléculaire de Reims (CNRS UMR 6229), qui travaille à la mise au point et à l’optimisation des microcapsules.
… pour prévenir les maladies cardiovasculaires
Chez le rat, cette thérapie angiogénique atténue le remodelage pathologique du cœur qui a lieu après l’infarctus. Au niveau du cœur, la création de nouveaux vaisseaux améliore la circulation du sang, permet l’oxygénation du muscle cardiaque et prévient ses dysfonctionnements. “Notre thérapie pourrait constituer une nouvelle approche pour la prévention de l’insuffisance cardiaque. Elle pourrait s’adresser notamment aux patients atteints de maladies coronariennes qui répondent mal aux traitements classiques pharmaceutiques et chirurgicaux ou aux patients développant une insuffisance cardiaque“, conclut Ebba Brakenhielm.
Ces travaux font l’objet d’un dépôt d’une demande de brevet par Inserm Transfert.