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Communiqués et dossiers de presse

L’Inserm publie une expertise collective sur le polyhandicap

11 Juin 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique

handicap© Julie Borgese

L’Inserm publie une nouvelle expertise collective sur le polyhandicap, commandée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Pour ce travail qui aura duré 3 ans, un groupe de 12 expertes et experts a passé en revue plus de 3400 documents de la littérature scientifique internationale disponible en date du second semestre 2023. Les conclusions et les recommandations émanant de cette expertise apportent des éléments nouveaux et utiles pour améliorer la prise en soins et aider à répondre aux interrogations sur la considération, les interactions et l’intégration des personnes polyhandicapées.

Le polyhandicap désigne les conséquences définitives d’une lésion (génétique ou accidentelle) survenue lors du développement du cerveau et entraînant une déficience motrice sévère et une déficience mentale évaluée comme sévère à profonde, associées à une restriction extrême de la communication, de l’autonomie et de la mobilité. S’y associent en outre des comorbidités, des atteintes sensorielles et des troubles du comportement.

On estime aujourd’hui en France une prévalence du polyhandicap autour de 0,3-0,5 personnes touchées pour 1 000.

Une prise en charge clinique complexe

Le polyhandicap induit des situations d’une grande hétérogénéité d’une personne à l’autre avec de nombreux troubles imbriqués. Chacun d’entre eux doit être pris en compte lors de la mise en place des soins.

Ainsi, l’épilepsie, très fréquente, se présente comme un véritable surhandicap. Les troubles respiratoires constituent quant à eux la première cause de mortalité et la première cause d’hospitalisation en urgence chez les personnes polyhandicapées.

D’autres troubles sont fréquemment rencontrés notamment :

  • des difficultés à s’alimenter et des troubles de la digestion et nutritionnels ;
  • du fait de la mobilité très restreinte, une fragilité osseuse chez l’enfant et de l’ostéoporose chez l’adulte, un tonus musculaire trop faible, des défauts de posture et des déformations orthopédiques (scoliose, luxation des hanches…) ;
  • des troubles du sommeil fréquents chez l’enfant (avec un retentissement important sur la qualité de vie de l’entourage) ;
  • des perturbations de la puberté (retard ou précocité).

La douleur, souvent multifactorielle, est fréquente, parfois de façon chronique dès le plus jeune âge et son expression passe rarement par les modes de communication habituels (comme la plainte verbale), ce qui la rend difficile à évaluer et entraîne un risque de la sous-estimer. En général dépendante d’un tiers (soignant ou aidant), cette évaluation pose donc des questions éthiques et méthodologiques.

Le groupe d’experts recommande :

  • troubles moteurs : réadaptation via des interventions adaptées visant à favoriser les mouvements volontaires de la personne et l’apprentissage moteur ; au quotidien, la prévention des conséquences d’une activité motrice altérée par la réduction des activités passives (regarder la télévision par exemple) au profit d’activités en mouvement;
  • déficience intellectuelle: favoriser les environnements générateurs d’interactions pour les personnes polyhandicapées et leur intégration dans des espaces de socialisation ordinaires, avec des conditions d’accueil adaptées et des personnes formées. Un environnement adapté et apaisant permet notamment d’améliorer les fréquents troubles du comportement (auto-agressivité, comportements répétitifs…) en grande partie liés à l’environnement de vie ;
  • douleur : rechercher systématiquement sa présence, évaluer son intensité, sa fréquence et sa durée à l’aide d’outils spécifiques validés et en rechercher la ou les cause(s) par un examen détaillé ;
  • plus globalement : généraliser les méthodes validées d’évaluation de la qualité de vie, combinant de façon complémentaire différentes approches objectives (évaluations par les soignants, parents et entourage) et une auto-évaluation.

Une cohorte française de personnes polyhandicapées (Eval-PLH) qui inclut des enfants et des adultes est en cours. Les données à venir permettront, entre autres, d’évaluer le taux de mortalité et les causes de décès des personnes polyhandicapées.

Accompagner et intégrer socialement la personne polyhandicapée.

En parallèle des soins médicaux, le polyhandicap implique un accompagnement global et individualisé, tout au long de la vie, afin de proposer à la personne un projet de vie adapté à l’ensemble de ses besoins et de sa trajectoire personnelle d’évolution. L’évaluation des compétences, des difficultés (médicales, psychologiques, relationnelles) et des modes de communication de la personne polyhandicapée nécessite d’être régulière.

Cet accompagnement est crucial au niveau des dimensions éducative et sociale, en particulier pour le sujet central de la communication, mais aussi pour les apprentissages, la scolarisation, l’inclusion et la participation sociale. La personne polyhandicapée a la possibilité d’apprendre tout au long de sa vie avec des aménagements adéquats. Certaines compétences, si elles sont stimulées dans la petite enfance, permettent notamment d’améliorer la socialisation et la communication à long terme. En outre, les personnes polyhandicapées peuvent participer aux diverses activités de la vie quotidienne et sociale grâce à certaines aides, méthodes et outils rendant leur environnement plus adapté.

Le groupe d’experts recommande :

  • l’utilisation de l’Échelle de sévérité du polyhandicap, validée en langue française pour évaluer les compétences et les difficultés à l’échelle individuelle ;
  • de permettre l’accès des enfants polyhandicapés à une scolarisation ajustée à leurs besoins et leur permettant de développer leurs capacités au plus haut de leur potentiel ;
  • de réfléchir aux types d’apprentissages bénéfiques aux enfants polyhandicapés pour construire un parcours de scolarisation « sur mesure » au sein d’unités d’enseignement impliquant les équipes des établissements spécialisés et celles des écoles ordinaires ;
  • la mise en place d’une combinaison de plusieurs modes de communication (voix, toucher, regard, gestes…) et de moyens dits de Communication alternative et améliorée (CAA) adaptés individuellement aux capacités motrices et cognitives de la personne et permettant à la fois la communication et la compréhension réciproque – il peut s’agir en l’occurrence d’une succession de gestes (par exemple inspirés de la langue des signes) ou d’objets ayant un sens précis, mais aussi de moyens technologiques.

L’entourage de la personne polyhandicapée au cœur des questions de prise en soins

Du fait de sa dépendance et de son extrême vulnérabilité physique et psychique, la personne polyhandicapée a besoin d’un haut niveau d’attention et de soin. La famille, l’entourage et les professionnels sont ainsi très impactés sur le plan concret (soins, organisation du quotidien) et émotionnel et tiennent une place prépondérante dans l’accompagnement. L’évaluation des besoins, leur mise en place coordonnée et leur adaptation à l’avancée en âge nécessitent une multidisciplinarité des approches et une coordination complexe entre les aidants.

Si le système de soins mis en œuvre en France (filière de prise en soin des personnes polyhandicapées, labélisation de centres de référence et compétence polyhandicaps de causes rares) est susceptible de répondre à l’ensemble des besoins des personnes polyhandicapées tout au long de leur vie, la coordination et la continuité du parcours de soins n’est pas toujours optimale.

Ainsi, la transition vers l’âge adulte, processus continu qui débute entre 13 et 15 ans, reste difficile avec des implications médicales, sociales et juridiques pour la personne et sa famille. La sévérité du polyhandicap s’accroît avec l’âge et a pour conséquence une majoration de la dépendance de la personne. La fin de vie de la personne polyhandicapée soulève également de multiples enjeux éthiques et de moyens.

L’intimité et l’affectivité sont essentielles pour une personne en situation de dépendance physique complète et ne possédant pas une perception unifiée de son corps. L’affection et l’attention ont ainsi une place déterminante dans le soin et l’apprentissage.

Lorsqu’elle s’applique à une personne dont la vie psychique et le développement psycho-affectif évoluent de façon atypique, la question de la sexualité se heurte quant à elle à des problématiques communicationnelles et des questions éthiques.

Enfin, dans un contexte où la personne est entièrement dépendante des interprétations de ses partenaires de communication, la vulnérabilité majeure, à la fois physique, psychique et communicationnelle, qui caractérise le polyhandicap renforce les risques de maltraitance – volontaires ou involontaires – qui peuvent se cumuler.

Le groupe d’experts recommande :

  • d’effectuer un repérage et un diagnostic précoces du polyhandicap chez l’enfant, en impliquant les familles dès le début et en offrant un soutien adéquat ;
  • que des interventions précoces soient proposées, tout en favorisant l’accueil dans des environnements inclusifs de la petite enfance en partenariat avec les services spécialisés ;
  • pour prévenir la maltraitance institutionnelle, la mise en place de groupes d’analyse de la pratique, d’une formation continue solide, de l’instauration d’une culture de la bientraitance et d’une cellule de veille dans les établissements et services. Les experts alertent cependant sur le fait que ces mesures ne peuvent pas se substituer à des moyens humains suffisants avec des équipements adaptés ;
  • pour prévenir la maltraitance parentale, de prendre en compte la souffrance psychique des parents et de favoriser le travail en binôme et les échanges de groupes et pluridisciplinaires. Les associations et les groupes de discussion sur les réseaux sociaux sont un moyen de limiter les effets de la mise à l’écart sociale, en particulier pour les parents contraints de renoncer à leur activité professionnelle ;
  • de prendre garde aux formes de maltraitance involontaire ou passive (laisser-faire, négligence, manque de connaissances…) qui peuvent être liées à des soins inadaptés, à des habitudes relationnelles susceptibles de renforcer la vulnérabilité communicationnelle, voire à une sous-estimation des capacités cognitives de la personne pouvant conduire à une négation de sa vie psychique ;
  • de reconnaître et prendre en compte les manifestations de sexualité de la personne, de s’interroger sur ce que peuvent être les modalités de cette sexualité ;
  • de ne pas négliger ce qui relève de la vie affective en la distinguant bien des questions de sexualité.

Pour aller plus loin : la synthèse de l’expertise collective Polyhandicap sera disponible en ligne le 11 juin sur la page dédiée sur le site de l’Inserm. L’expertise sera mise en ligne dans sa version intégrale le 12 juin.

Les expertises collectives de l’Inserm

Développées par l’Inserm depuis 1993, les expertises collectives constituent une démarche d’évaluation et de synthèse des connaissances scientifiques existantes sur des thèmes de santé publique.

Ces expertises répondent aux demandes d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche. L’objectif est le partage de connaissances et l’apport d’un éclairage scientifique indépendant sur des questions précises de santé, dans une perspective d’aide à la décision publique dans le champ de la santé des populations.

Le cadrage scientifique, le support bibliographique, la coordination et la valorisation des expertises collectives sont assurés par le pôle Expertises collectives de l’Inserm.

Pour les consulter : inserm.fr/expertise-collective

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