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Communiqués et dossiers de presse

L’exposition au chlordécone rallonge le délai pour concevoir un enfant

16 Oct 2025 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique

Bien qu’interdit depuis 1993, le chlordécone a durablement contaminé les terres agricoles aux Antilles, car la molécule est très persistante dans l’environnement. © Adobe Stock

Une étude publiée le 16 octobre dans la revue Environmental Health par une équipe de recherche de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) montre que l’exposition de la femme au chlordécone est associée à un allongement du délai nécessaire à concevoir. Obtenus grâce aux données recueillies en Guadeloupe auprès de 668 femmes enceintes entre novembre 2004 et décembre 2007, ces résultats suggèrent fortement que cet insecticide (largement utilisé aux Antilles jusqu’à son interdiction en 1993) pourrait nuire à la fertilité des femmes, comme le laissaient déjà penser des études expérimentales menées chez l’animal.

Plusieurs études ont montré que l’exposition au chlordécone est associé à des effets néfastes sur la grossesse (risque augmenté de prématurité[1]) et le développement de l’enfant (moins bons scores aux tests cognitifs et difficultés comportementales après une exposition prénatale et postnatale[2]), en particulier aux Antilles, où ce pesticide a été largement utilisé jusqu’à son interdiction en 1993 en raison de sa forte toxicité et où il a durablement contaminé les terres agricoles.

Une nouvelle étude publiée par une équipe de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique), dans la revue Environmental Health le 16 octobre montre que ce pesticide allonge la durée du délai nécessaire à concevoir un enfant, un indicateur reconnu de la fertilité du couple.

Ces résultats ont été obtenus grâce à des données de la cohorte mère-enfant Timoun, collectées entre novembre 2004 et décembre 2007 auprès de 668 femmes enceintes, interrogées lors de visites de contrôle au cours du deuxième ou du troisième trimestre de grossesse au CHU de la Guadeloupe et dans les centres hospitaliers de la Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre, ainsi que dans les services de soins prénatals. En parallèle, des prélèvements avaient également été réalisés pour mesurer la concentration de chlordécone dans leur sang.

Résultat : « Plus les femmes ont été exposées à des niveaux élevés de chlordécone, plus elles ont mis de temps à concevoir leur enfant », résume Luc Multigner, directeur de recherche émérite à l’Inserm et co-auteur de l’étude.

Pour analyser le lien entre l’exposition au chlordécone et les difficultés à concevoir, les femmes ont été classées en quatre groupes selon leur niveau d’exposition à l’insecticide. L’équipe de recherche a observé que les femmes les plus exposées, dont la concentration du chlordécone dans le sang dépassait 0,4 µg/l, avaient mis plus de temps à tomber enceintes et que leur chance d’y parvenir au cours d’un cycle menstruel était réduite d’environ un quart (entre 24 et 28 % pour les deux groupes les plus exposés).

Faute de mesures de l’exposition chez les conjoints, il est difficile d’attribuer cet allongement du délai à concevoir uniquement aux femmes.

« Cependant, des études précédentes en Guadeloupe chez les hommes, à des niveaux d’exposition similaires à ceux des femmes, n’avaient montré aucun effet sur la qualité du sperme ni sur les hormones de la reproduction[3]. Chez des animaux de laboratoire, le chlordécone a déjà été associé à une diminution de la fertilité des femelles[4]. À la lumière de ces travaux, notre étude soutient l’hypothèse selon laquelle ce pesticide pourrait altérer la fertilité des femmes », ajoute le chercheur.

Même si l’association observée est importante, l’étude n’établit pas formellement de lien de cause à effet. En effet, l’infertilité féminine peut avoir de multiples origines, telles que le syndrome des ovaires polykystiques ou l’endométriose par exemple.

« L’étude Karu-Fertil[5], qui est en cours en Guadeloupe[6],  permettra de mieux préciser les liens entre l’exposition au chlordécone et l’infertilité féminine », explique Ronan Garlantézec, professeur de santé publique à l’Université de Rennes et responsable scientifique de cette étude.

« En attendant, les résultats que nous venons de publier soutiennent déjà la nécessité de poursuivre les efforts en matière de santé publique visant à réduire l’exposition au chlordécone, en particulier chez les femmes en âge de procréer », conclut Ronan Garlantézec.

Ronan Garlantézec revient sur les conclusions de cette étude dans une vidéo réalisée par l’Université de Rennes.

 

[1]https://presse.inserm.fr/exposition-au-chlordecone-et-prematurite-nouvelles-donnees/10687

[2]https://presse.inserm.fr/lexposition-pre-et-postnatale-au-chlordecone-pourrait-impacter-le-developpement-cognitif-et-le-comportement-des-enfants/66616

[3]https://journals.lww.com/epidem/fulltext/2006/11001/exposure_to_chlordecone_and_male_fertility_in.989.aspx

[4]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6192033/

[5]L’étude Karu-Fertil s’appuie sur deux approches complémentaires : une étude épidémiologique, qui s’adresse aux femmes âgées de 18 à 39 ans consultant pour infertilité du couple au CHU de la Guadeloupe et une approche sociologique qui s’adresse aux femmes participantes au volet épidémiologique et aux professionnels de santé prenant en charge de l’infertilité du couple en Guadeloupe. Cette , inancée par l’ANR et la Fondation de France, réunit quatre partenaires : l’Inserm, le CHU de la Guadeloupe, l’Institut national d’études démographiques et l’Institut Pasteur de la Guadeloupe.

[6]https://anr.fr/Projet-ANR-22-CHLD-0001

Contacts
Contact Chercheur

Luc Multigner

Directeur de recherche émérite Inserm

Unité 1085 Inserm, Irset, équipe Épidémiologie et science de l’exposition en santé-environnement (Elixir)

yhp.zhygvtare@vafrez.se

Ronan Garlantézec

Professeur des universités en Santé publique

Université de Rennes

Unité 1085 Inserm,  Irset, équipe Épidémiologie et science de l’exposition en santé-environnement (Elixir)

CHU de Rennes

ebana.tneynagrmrp@puh-eraarf.se

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

 

 

Sources

Chlordecone exposure in women and time to pregnancy: The Timoun cohort study in Guadeloupe, French West Indies

 

Maryem Ben-Fares a, Christine Monfort a, Philippe Kadhel b, Nathalie Costet a, Florence Rouget c, Léah Michineau a, Jean-Pierre Thomé d, Sylvaine Cordier a, Luc Multigner a, Charline Warembourg a and Ronan Garlantézec c*

C.W. and R.G. ont apporté une contribution égale à cette étude.

* Corresponding author. Université de Rennes – 9 Av. du Professeur Léon Bernard, 35000 Rennes. Phone number: 02 99 28 93 00. E-mail address: ebana.tneynagrmrp@puh-eraarf.se

a Univ Rennes, Inserm, EHESP, Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail) – UMR_S 1085, Rennes F-35000, France

b CHU de Guadeloupe, Univ Antilles, Inserm, EHESP, Irset (Institut de Recherche en Santé, Environnement et Travail) – UMR_S 1085, Pointe à Pitre, France

c Univ Rennes, CHU Rennes, Inserm, EHESP, Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail) – UMR_S 1085, Rennes F-35000, France

d Center for Analytical Research and Technology (CART), Laboratory of Animal Ecology and Ecotoxicology (LEAE), Université de Liège, 4000 Liege, Belgium

Environmental Health

Doi : https://doi.org/10.1186/s12940-025-01233-z

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