L’alcool perturbe nos centres de régulation thermique et brouille les signaux dans notre cerveau : la sensation de soif est masquée, et on oublie de se rafraîchir (image d’illustration). © Adobe stock.
Quoi de plus tentant qu’une bière bien fraîche en terrasse quand il fait 35 °C ? Pourtant, loin d’aider notre corps à supporter la chaleur, l’alcool fait exactement l’inverse : il dérègle les mécanismes naturels qui nous aident à nous rafraîchir.
Alors qu’on a l’impression de se détendre, on ne réalise pas toujours qu’on transpire moins et qu’on se déshydrate plus vite. La cellule Canal Détox de l’Inserm, qui passe au crible les idées reçues sur la santé, décrypte ce qu’il se passe vraiment dans notre corps quand on boit sous un soleil de plomb.
Pourquoi boire de l’alcool n’est pas une bonne idée pour se rafraîchir ?
Quand il fait très chaud, le corps fait tout pour éviter la surchauffe : il transpire, nos vaisseaux sanguins se dilatent (c’est pourquoi certains ont les joues qui rougissent !), et l’activité musculaire est ralentie. Mais en buvant un cocktail ou un verre de vin, tout se complique.
L’alcool bloque la sécrétion de l’hormone antidiurétique (l’ADH) dont le rôle initial est d’augmenter la quantité d’eau réabsorbée dans les reins et de réduire la production d’urine. Résultat, si cette hormone est bloquée on va davantage aux toilettes, et on se déshydrate plus vite. Problème : sans eau, le corps ne peut plus produire assez de sueur pour se refroidir.
En plus, le corps est moins efficace pour évacuer la chaleur. En effet, l’alcool perturbe les centres de régulation thermique situés dans l’hypothalamus, au cœur de notre système nerveux central. Concrètement, le thermostat interne du corps ne réagit plus correctement aux signaux de surchauffe, notre organisme ne sait plus quand il faut transpirer et dilater nos vaisseaux sanguins.
Enfin, l’alcool brouille les signaux dans notre cerveau : on ne sent pas venir le coup de chaud, la sensation de soif est masquée et on oublie de se rafraîchir jusqu’à ce qu’il soit trop tard, au risque de faire un malaise.
Pourquoi ce n’est pas non plus une bonne idée pour se réchauffer ?
Au passage, l’alcool n’est pas un meilleur allié pour se réchauffer en hiver. En effet, lorsqu’il fait froid, les vaisseaux sanguins proches de la peau se contractent pour garder un maximum de chaleur autour des organes vitaux, tels que le cœur et le cerveau.
Mais l’alcool interfère directement avec ce processus. Les vaisseaux se dilatent et le sang afflue vers la peau. De façon trompeuse, cette pulsation sanguine nous donne l’impression d’avoir chaud, alors qu’en réalité, le corps est en train d’évacuer la chaleur.
La température centrale chute alors sans qu’on n’en ait conscience, car l’alcool altère aussi la perception du froid et empêche de réagir, par exemple, en mettant un manteau, ou en rentrant se mettre à l’abri. De plus, l’alcool empêche aussi le foie de produire assez de glucose : or, le corps a besoin de sucre pour déclencher les frissons qui servent à se réchauffer.
En bref, que faut-il retenir ?
Que ce soit par froid intense ou forte chaleur, l’alcool donne des signaux contraires à ceux que le corps devrait recevoir pour s’adapter. C’est d’autant plus trompeur que les sensations immédiates ne reflètent pas la réalité : quand il fait chaud, on a l’impression de se rafraîchir, quand il fait froid, on croit se réchauffer… Le tout avec une agréable sensation de détente, qui altère notre vigilance et retarde les bons réflexes.
Dans les deux cas, le corps est mis en difficulté alors même qu’il tente de faire face à un stress. Et dans les deux cas, l’alcool affaiblit sa capacité à se défendre. Notre organisme s’épuise, et c’est là que les accidents arrivent.
En cas de forte chaleur, mieux vaut boire de l’eau, rester à l’ombre et éviter les efforts intenses. Car l’alcool ne nous rafraîchit pas plus qu’il ne nous réchauffe en hiver. Il trompe. Il affaiblit. Et il met en danger, que ce soit sous la neige ou sous le soleil. Le corps humain est conçu pour survivre à des extrêmes, mais pas avec un verre d’alcool à la main !
Cet article a été écrit avec le soutien du professeur Mickael Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool de l’Université de Picardie et de l’Inserm et auteur du livre « J’arrête de boire sans devenir chiant », paru aux éditions Solar en février 2025, et Judith André, maître de conférences, enseignante-chercheuse en neurosciences au sein du même groupe de recherche.