Le prolapsus est un problème de santé souvent tabou, alors qu’une femme sur trois pourrait être concernée à un moment de sa vie, et qu’une femme sur dix pourrait avoir besoin d’une chirurgie. Communément appelé « descente d’organes », ce problème survient quand l’un des organes présents dans le bassin (la vessie, le rectum ou l’utérus)[1] n’est plus maintenu par les muscles et les ligaments constituant le plancher pelvien.
Le manque de communication autour de la descente d’organes implique que de nombreuses fausses informations circulent toujours, entravant la capacité des femmes touchées à prendre des décisions éclairées sur leur santé. Récemment par exemple, une étude publiée dans le Journal of Obstetrics and gynaecology Canada soulignait les dangers d’une pratique appelée « sauna vaginal », qui consiste à s’assoir au-dessus d’un récipient contenant de l’eau brûlante et des plantes, et qui a parfois été vantée comme permettant d’atténuer les symptômes du prolapsus.
Pourtant, il s’agit d’une approche risquée, qui n’est absolument pas fondée sur des données scientifiques rigoureuses, et qui peut entraîner des brûlures au deuxième degré. De plus, certains sites d’information véhiculent parfois des idées reçues, comme par exemple que le prolapsus concernerait exclusivement les femmes après la grossesse.
Quels sont réellement les facteurs de risque qui prédisposent au prolapsus ? Quelles sont les options thérapeutiques aujourd’hui disponibles pour les personnes qui en souffrent ? Canal Détox revient sur ces questions dans ce nouvel article de sa série « Santé des femmes ».
Le prolapsus touche de nombreuses personnes
Souvent considérée comme taboue, la descente d’organe est souvent reléguée, dans l’imaginaire collectif à un trouble peu fréquent, qui ne toucherait que les femmes après l’accouchement.
Il est vrai que la grossesse est un facteur de risque et que la probabilité de développer un prolapsus augmente si la patiente a eu plusieurs accouchement et/ou a accouché par voie basse, notamment avec l’utilisation de forceps. Cependant, les femmes n’ayant pas eu d’enfant peuvent aussi être concernées, d’autres facteurs pouvant en effet augmenter la probabilité de développer un prolapsus. Parmi les autres facteurs de risque, l’âge est, jusqu’à 50 ans significativement associé à une augmentation de la prévalence.
Après la ménopause, la prévalence demeure stable mais la sévérité du prolapsus, elle, augmente. La constipation chronique, l’obésité, certaines malformations congénitales au niveau vaginal, certaines maladies rares des tissus conjonctifs (comme les syndromes d’Ehlers-Danlos) ou encore la pratique de certaines activités physiques très intenses et régulières ont aussi été mises en cause.
Enfin, si le prolapsus rectal – lorsque le rectum n’est plus soutenu par le plancher pelvien – touche toujours plus les femmes que les hommes, ces derniers peuvent aussi être concernés. Quand c’est le cas, le prolapsus survient plus précocement que chez les femmes, avant l’âge de 40 ans. De manière général, le prolapsus rectal est moins fréquent dans la population adulte que les autres formes, avec une prévalence de 0,5 % environ selon certaines sources (même si les données sur le sujet restent rares et la détection difficile).
Développer de nouveaux traitements
Dans le cas du prolapsus génital qui touche les femmes, les options thérapeutiques proposées vont dépendre de l’âge de la patiente et de la sévérité des symptômes. Pour un cas modéré, il est possible de proposer des mesures de prévention (perte de poids si nécessaire, adaptation de l’activité physique…) visant à contrôler l’évolution des symptômes, des mesures de rééducation périnéale, ou le port d’un pessaire (un dispositif intravaginal en silicone).
La chirurgie est proposée si les autres mesures ne sont pas suffisantes et si les symptômes deviennent handicapants au quotidien. Plusieurs techniques (chirurgie par voie abdominale et chirurgie par voie vaginale) sont possibles en fonction du profil de la patiente, mais toutes comportent des limites.
Le problème principal est qu’actuellement, les prothèses synthétiques qui étaient utilisées pour soutenir les organes dans le cadre de la chirurgie par voie vaginale – plus rapide que la chirurgie abdominale et ne nécessitant pas d’anesthésie générale – ne sont plus autorisées.
En effet, elles provoquent parfois des complications sévères, des douleurs extrêmes, voire des handicaps. En France, elles seraient responsables de complications graves dans 2,8 % des cas à court terme après la chirurgie. Il est par ailleurs très difficile de les retirer une fois posées.
Des équipes de recherche, notamment à l’Inserm, travaillent donc pour proposer de alternatives, par exemple des prothèses en matière biologique, ne cisaillant pas les organes et limitant les réactions inflammatoires. Cependant, ces travaux majeurs nécessiteront encore du temps et des financements pour être menés à terme.
En attendant, le nombre limité de solutions pour certaines femmes peut les conduire à se tourner vers des thérapies alternatives, parfois présentées comme « miraculeuses », alors qu’elles peuvent comporter des risques.
Rappelons donc encore une fois que ni les « saunas vaginaux » évoqués plus haut, ni la consommation d’Aloe vera, ni les techniques comme l’acupression ou la réflexologie plantaire n’ont fait leurs preuves dans la prévention ou dans le traitement du prolapsus. Leur utilité pour accompagner la rééducation du périnée ne repose pas non plus sur des bases scientifiques solides.
Le prolapsus constitue un problème de santé publique auquel vont devoir faire face les médecins. Proposer une médecine centrée sur l’écoute des patientes afin de mettre en place les bonnes mesures de prévention au bon moment et diagnostiquer rapidement, mais aussi continuer les recherches au bénéfice des femmes, constituent des priorités pour le système de santé dans les années à venir.
Texte rédigé avec le soutien de Diane Potart et Yoann Torres, chercheurs au sein du laboratoire Biotis de l’Inserm à Bordeaux.
[1] On parlera de prolapsus génital lorsque le vagin s’extériorise par la vulve. On parlera de prolapsus rectal lorsque le rectum s’extériorise par l’anus, les hommes aussi peuvent être touchés.