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Les femmes ont le cœur plus fragile que les hommes, vraiment ?

Longtemps considérés comme des maladies « masculines », on sait aujourd’hui que les problèmes cardiaques touchent aussi les femmes, et que certaines maladies cardiovasculaires seraient presque essentiellement féminines. Alors, si on délaisse le champ stéréotypé des émotions et qu’on s’intéresse spécifiquement à la santé, peut-on dire que le cœur des femmes est plus fragile que celui des hommes ? Quelles sont les différences entre les sexes en matière de santé cardiovasculaire ?

Le 18 Déc 2024 | Par Inserm (Salle de presse)

image décorativeC’est un stéréotype véhiculé depuis longtemps :  le cœur des femmes serait plus « fragile » que celui des hommes. Alors que le cœur est souvent décrit comme le siège des « émotions », ce cliché sous-entend aussi que les femmes seraient plus émotives que les hommes.  Mais au-delà de la symbolique, le cœur est surtout l’organe le plus important de l’organisme, moteur de la circulation sanguine.

Longtemps considérés comme des maladies « masculines », on sait aujourd’hui que les problèmes cardiaques touchent aussi les femmes, et que certaines maladies cardiovasculaires seraient presque essentiellement féminines. Alors, si on délaisse le champ stéréotypé des émotions et qu’on s’intéresse spécifiquement à la santé, peut-on dire que le cœur des femmes est plus fragile que celui des hommes ? Quelles sont les différences entre les sexes en matière de santé cardiovasculaire ?

Canal Détox s’est penché sur la question.

Une anatomie et des symptômes qui diffèrent

D’un point de vue anatomique, il existe des différences entre le cœur des hommes et celui des femmes car en moyenne, les femmes possèdent un cœur plus petit et des artères plus fines que les hommes.

En revanche, hommes et femmes sont à égalité en ce qui concerne la prévalence des maladies cardiovasculaires. Les maladies cardiovasculaires et leurs complications sont la première cause de décès dans le monde, et  sont la deuxième cause de mortalité en France, après les cancers, chez les hommes comme chez les femmes (données 2022).

Depuis une vingtaine d’années, on observe toutefois une inquiétante progression des taux d’hospitalisation pour le syndrome coronarien aigu[1] particulièrement chez les femmes de moins de 65 ans. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance :  une hausse de l’exposition à des facteurs de risque bien connus comme le tabagisme, qui est en augmentation de manière notable chez les femmes de 35 à 64 ans ; l’association tabac et contraception oestroprogestative ; une activité physique en baisse et une sédentarité élevée ;  la consommation d’alcool, ou encore l’augmentation de la prévalence de l’obésité et du diabète de type 2. Le taux d’hospitalisation en augmentation chez les femmes pourrait aussi être dû à une plus grande prise de conscience du risque qu’elles encourent face à des maladies cardiovasculaires longtemps considérées comme masculines.

Toutefois, c’est surtout quand on s’intéresse aux symptômes des accidents cardiovasculaires que les différences entre les hommes et les femmes sont les plus visibles.

Reprenons le cas du syndrome coronarien aigu. Des études mettent en avant, par exemple, le risque supplémentaire pour les femmes de ressentir des douleurs entre les omoplates, d’avoir des nausées ou des vomissements, et un essoufflement. Contrairement aux hommes, elles auraient moins de risque de ressentir des douleurs thoraciques ou de présenter une transpiration.

Dans une revue de la littérature, les auteurs ont d’ailleurs soulevé la question de l’inégalité de catégorisation des symptômes des femmes, présentés dans le cadre du syndrome coronarien aigu comme des symptômes « atypiques » ; tandis que les symptômes masculins sont considérés « typiques ». Cette symptomatologie considérée comme « atypique » jointe à la plus grande capacité en moyenne des femmes à ignorer  la douleur explique en partie le caractère souvent tardif de la consultation et, de ce fait, le retard dans la prise en charge qui peut pénaliser le pronostic.

Enfin, on peut aussi souligner que les femmes sont plus sensibles que les hommes aux effets secondaires de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Après avoir eu un cancer, notamment du sein, et après avoir pris des traitements anticancéreux, elles ont un risque accru d’accident cardiovasculaire. Ces données soulignent l’importance de mettre en place un parcours de soins incluant un suivi cardiologique des femmes après le traitement d’un cancer.

Un risque cardiovasculaire sous-estimé depuis de nombreuses années

Jusqu’à la fin des années 1980, peu d’essais cliniques d’envergure recrutaient des femmes. Il en a résulté un manque de données pour documenter la relation entre les facteurs de risque connus et le sexe, mais aussi un manque de communication des professionnels de santé sur les risques cardiovasculaires encourus par les femmes. Le risque cardiovasculaire des femmes est donc sous-estimé depuis de nombreuses années. Ce manque de données a également eu pour conséquence, comme mentionné plus haut, une moindre réactivité des femmes face aux alertes de leur corps.

Depuis, si des directives ont été lancées pour inclure plus de femmes dans les essais cliniques[2], la parité n’a pas encore été atteinte. Une étude publiée en 2020 dans le Journal of American Heart Association, portant sur l’analyse de dix ans d’essais cliniques ne montrait pas beaucoup d’amélioration :  les essais cliniques menés entre 2008 et 2017 ont révélé la participation de 36 % de femmes.

Pourtant, alors que les maladies cardiovasculaires continuent de représenter un fléau de santé publique mondial, il semble plus que jamais essentiel de mieux comprendre les spécificités de ces pathologies chez les femmes, pour améliorer le diagnostic et la prévention, ou encore afin d’adapter les traitements à leur physiologie.

Des maladies du cœur 100 % féminines, vraiment ?

Le syndrome du cœur brisé ou syndrome de takotsubo a été décrit pour la première fois au Japon en 1990. Cette défaillance cardiaque survient dans la grande majorité des cas après un choc émotionnel intense, entraînant une faiblesse soudaine du muscle cardiaque après la libération massive d’hormones du stress (de la famille des catécholamines : adrénaline, noradrénaline et dopamine qui « resserrent » les artères du cœur qui, brutalement privé d’un apport sanguin suffisant, voit sa contractilité sévèrement altérée). Dans 9 cas sur 10, cette affection touche les femmes, et plus spécifiquement les femmes ménopausées. En revanche, si les femmes sont effectivement les principales touchées, les hommes peuvent aussi connaître le syndrome du cœur brisé et le risque de décès liés à la maladie est d’ailleurs plus élevé que chez les femmes.

Autre exemple : la SCAD (dissection spontanée de l’artère coronaire) qui touche plus particulièrement les femmes est une déchirure spontanée dans les parois des artères coronaires, qui peut entraîner un infarctus du myocarde. Elle touche majoritairement les jeunes femmes (9 femmes sur 10 également), souvent en bonne santé et sans présence des facteurs de risque cardiovasculaire habituels.

Bien que ces maladies ne soient pas exclusivement féminines, elles dépendent pour autant des facteurs hormonaux et physiologiques spécifiques qui augmentent le risque pour les femmes.

En attendant que les connaissances de la recherche progressent, la prévention reste le meilleur moyen de diminuer le risque cardiovasculaire chez les femmes comme chez les hommes.

[2]En 1993, la Food and Drug Administration (FDA) a par exemple établi des lignes directrices visant à accroître la diversité des participants aux essais cliniques.

Texte rédigé avec le soutien de Nabila Bouatia-Naji, directrice de recherche Inserm, responsable de l’équipe Approches génétiques pour comprendre la maladie artérielle au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris (PARCC), unité 970 ; et Philippe Menasché, chirurgien cardiaque au service de chirurgie cardiovasculaire à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou et chercheur au PARCC
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