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Médecine anti-âge : des exosomes pour « régénérer » la peau et les cheveux, vraiment ?

Les traitements et les produits cosmétiques à base d’exosomes sont de plus en plus populaires dans la médecine anti-âge, mais leurs promesses de régénérer la peau, lutter contre l’acné et favoriser la repousse des cheveux sont loin d’être scientifiquement prouvées.

Le 22 Mai 2025 | Par Inserm (Salle de presse)

Au sein de l’Union européenne, les exosomes d’origine humaine sont interdits en médecine esthétique (image d’illustration). © Pexels

C’est la « nouvelle star » de la médecine anti-âge, à en croire certains magazines. Les exosomes – de minuscules vésicules produites par les cellules humaines, animales ou végétales – sont à la mode dans les cabinets de chirurgie esthétique et les rayons de produits cosmétiques. Leurs promesses ? « Régénérer » la peau, éliminer les rides et l’acné, unifier le teint, favoriser la repousse des cheveux… De quoi emballer les réseaux sociaux : sur l’application chinoise Tiktok, le hashtag #exosome réunit plus de 530 millions de vues.

Déjà très populaires en Corée du Sud et aux États-Unis, ces traitements commencent à se faire une place sur le marché européen – où seuls les produits d’origine animale ou végétale sont autorisés. Problème : leur efficacité est loin d’être prouvée et, de façon générale, les effets des exosomes sur la santé sont encore mal connus. Alors, que faut-il penser de cette tendance ? La cellule Canal Détox de l’Inserm, qui lutte contre les fausses informations en santé, fait le point.

Que sont les exosomes ?

Les exosomes sont de minuscules vésicules de 50 à 150 nanomètres de diamètre (environ 1 000 fois plus petites qu’un cheveu). Ils appartiennent à la famille des vésicules extracellulaires, qui jouent un rôle clé dans la communication entre les cellules.

D’après une revue de la littérature scientifique parue en décembre 2021 dans le Journal of extracellular vesicles, le mot « exosome » a été utilisé pour la première fois dans les années 1980. À l’époque, ils étaient décrits comme des « petits sacs » servant à évacuer les déchets produits par les cellules. Depuis, des études plus poussées ont révélé qu’ils leur permettent aussi de s’envoyer des signaux pour communiquer entre elles.

On sait que les exosomes contiennent des protéines, des lipides et d’autres molécules issues du métabolisme cellulaire. Ils transportent aussi de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et des acides ribonucléiques (ARN), mais les chercheurs ne savent toujours pas en quelle quantité, et surtout, dans quelle mesure ces vésicules sont capables de transmettre ces informations génétiques à d’autres cellules.

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Ces vésicules peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur la santé selon le contexte. Par exemple, face à certaines infections, les exosomes stimulent la production d’anticorps qui permettent à l’organisme de se défendre. Mais ils peuvent aussi être secrétés par des cellules cancéreuses. Dans ce cas, ils pourraient, à l’inverse, inhiber la réponse immunitaire, et accélérer la progression de la tumeur – plusieurs études tentent actuellement de mieux comprendre leur rôle.Et la liste des questions en suspens est encore longue : les mécanismes qui permettent de sécréter des exosomes, leur diversité d’une cellule à l’autre, ou encore la façon dont l’état métabolique d’une cellule affecte les exosomes qu’elle produit et ses propriétés restent encore très mystérieux.

Ces dernières décennies ont vu l’émergence de projets de recherche sur des pistes thérapeutiques à base d’exosomes et d’autres types de vésicules extracellulaires pour favoriser la réparation d’un organe ou d’un tissu défaillant, le protéger d’une dégénérescence accélérée, ou pour moduler un processus inflammatoire. Des traitements expérimentaux sont à l’étude pour soigner ou détecter des maladies aussi diverses que le Covid long, le cancer colorectal, la maladie d’Alzheimer… mais aussi réparer les dégâts causés par des fortes irradiations, ou encore apaiser les irritations de la peau.

Dans ces domaines, des études sur des animaux ont parfois montré des effets prometteurs. Mais à de rares exceptions, les essais cliniques n’ont pas encore démarré, et des recherches plus poussées seront nécessaires pour obtenir des résultats.

Que dit la science de leur usage en médecine anti-âge ?

En ce qui concerne l’essor des traitements à base d’exosomes en médecine anti-âge et dans l’industrie cosmétique, en revanche, les spécialistes des exosomes sont circonspects : aucune découverte scientifique majeure ne prouve l’efficacité de ces vésicules pour éliminer les rides ou lutter contre la calvitie.

Il existe différents types d’exosomes sur le marché. Aux États-Unis et en Corée du Sud, ils peuvent être extraits de cellules souches obtenues de la moelle osseuse, du tissu adipeux ou de sang de cordon ombilical prélevés sur des donneurs. Mais au sein de l’Union européenne, les produits issus de cellules d’origine humaine sont interdits pour les usages cosmétiques. En France, produits autorisés sont le plus souvent issus de cellules souches végétales, telles que la rose de Damas. Au Royaume-Uni, on en trouve aussi d’origine animales, dérivées par exemple de testicules de saumon.

Problème : il n’y a pas d’essais cliniques concernant l’usage des exosomes en médecine esthétique ou dans les produits cosmétiques. Cette nouvelle tendance semble donc avant tout profiter de l’effet de mode et d’une réglementation plus souple, qui rend la mise sur le marché de produits de beauté bien moins contraignante que celle des médicaments.

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Une peau sans la moindre ride, un teint uniforme, une chevelure éclatante… Malgré le manque de données scientifiques solides, les photos « avant/après » montrent des résultats impressionnants sur les sites des cliniques qui proposent ces prestations.

Mais comment s’assurer que ce sont bien les exosomes qui font effet ? Ces crèmes, masques ou sérums (en France, les injections sont interdites) sont proposés en complément d’actes déjà autorisés comme les lasers, les microneedlings (une version de la mésothérapie réalisée avec un petit rouleau constitué de micro-aiguilles) ou les LED, comme le rappelle l’association Française de médecine esthétique et anti-âge. Dans ce contexte, comment savoir si l’amélioration de l’état de la peau ou la repousse des cheveux est réellement due aux exosomes, ou si elle résulte des traitements complémentaires ?

Quels sont les risques ?

En l’absence d’études plus poussées, il existe aussi des craintes quant aux infections bactériennes et virales qui pourraient être associées aux traitements avec des exosomes d’origine humaine et animale. Les exosomes contiennent en effet une grande variété de protéines. Or, ces dernières n’ont pas toutes un effet positif sur la santé. Par exemple, certaines peuvent induire des réactions allergiques, d’autres, participer à la prolifération des cellules cancéreuses et d’autres encore ont pu, par le passé, jouer un rôle dans la transmission de maladies comme celle de la vache folle…

Les exosomes ont une taille très proche de celle des virus, ce qui fait qu’il est compliqué de les séparer l’un de l’autre avec un procédé de fabrication industriel. Même si aucune infection virale n’a été rapportée en lien avec des exosomes d’origine animale ou humaine, sans essais cliniques, le risque ne peut pas être totalement exclu.

En bref, que faut-il retenir ?

Utiliser des mots scientifiques complexes est une technique bien connue de l’industrie de la beauté pour donner un air sérieux à ses produits. Spécialiste de la désinformation en santé, le professeur canadien Timothy Caulfield a créé un mot pour désigner ce phénomène : la « science-ploitation » – pour exploitation de la science. Mais loin des promesses marketing, rien ne prouve que les traitements à base d’exosomes éradiquent les signes de l’âge.

Pour prévenir le vieillissement (et également les risque de cancer) de la peau, le meilleur conseil reste encore de mettre de la crème solaire et de limiter son exposition au soleil. Certaines études suggèrent aussi que le zinc – un sel minéral que l’on trouve par exemple dans les noix, les céréales non raffinées, les légumes secs, les fruits de mer ou les abats…  sans avoir besoin de prendre des compléments alimentaires –  pourrait ralentir la chute des cheveux. En ce qui concerne les crèmes et les sérums aux exosomes, en revanche, mieux vaut attendre des études rigoureuses validées scientifiquement, pour la santé comme pour le porte-monnaie.

Cet article a été relu par Clotilde Théry, directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie de Paris, avec Thierry Galli, directeur de recherche Inserm, Guillaume van Niel, directeur de recherche au CNRS spécialisé dans la biologie cellulaire, et Brigitte Dréno, professeure émérite à l’Université de Nantes spécialiste de la dermatologie.

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