La Réunion fait face à une épidémie importante de chikungunya, causée par un virus transmis par le moustique tigre. Les indications concernant le vaccin contre le chikungunya ont été mises à jour par les autorités sanitaires. © AdobeStock
Les indications concernant le vaccin contre le chikungunya évoluent. Ce samedi, les autorités sanitaires ont suspendu sa recommandation pour les plus de 65 ans, après avoir identifié des effets secondaires importants.
Cette décision intervient après la survenue de « trois événements indésirables graves », dont un décès, concernant des personnes de plus de 80 ans ayant été récemment vaccinées, selon les autorités sanitaires. Et ce, alors que La Réunion fait face à une épidémie importante de cette maladie infectieuse, causée par un virus transmis par le moustique tigre, et qui entraîne une forte fièvre ainsi que des douleurs articulaires pouvant durer plusieurs semaines.
Alors, est-il certain que le vaccin est à l’origine des événements qui ont motivé la décision des autorités sanitaires ? La sécurité et l’efficacité du vaccin sont-elles remises en cause pour l’ensemble de la population ? Où en est la progression de l’épidémie ? Canal Détox fait le point.
1) Pourquoi la recommandation de la vaccination a-t-elle été suspendue chez les plus de 65 ans ?
Mercredi 23 avril, le ministère de la Santé a été informé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de la survenue de plusieurs « événements indésirables graves » à la suite de vaccinations à La Réunion, dont un décès, selon un communiqué de presse du ministère.
Ces événements concernent des personnes âgées de plus de 80 ans, présentant des symptômes similaires à ceux d’une forme grave de chikungunya quelques jours après la vaccination, et qui souffraient déjà, par ailleurs, d’autres maladies graves.
Dès jeudi, la Direction générale de la santé (DGS) a donc saisi en urgence la Haute Autorité de santé (HAS) pour réévaluer les recommandations de vaccination. Le lendemain, cette dernière s’est prononcée en faveur d’une révision de la cible. C’est pourquoi les autorités sanitaires ont décidé d’arrêter immédiatement la vaccination des personnes de 65 ans et plus présentant ou non des symptômes, en attendant d’en savoir plus.
À noter que La Réunion n’est pas le seul endroit où des effets secondaires indésirables graves ont été constatés chez des personnes âgées. Aux États-Unis, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a pris connaissance de cinq cas d’hospitalisations pour des événements cardiaques ou neurologiques survenus après la vaccination de personnes âgées de 65 ans et plus, selon un point d’information du 3 mars dernier.
2) Sommes-nous sûrs que le vaccin contre le chikungunya est à l’origine de ces événements graves, notamment du décès d’une personne âgée de plus de 80 ans à La Réunion ?
Les événements graves observés à La Réunion présentent une relation temporelle forte avec la vaccination, sans autre cause alternative évidente.
D’après l’analyse rendue par le Centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux (CRPV), en charge de la pharmacovigilance dans les Outre-mer en lien avec l’ANSM pour ces trois événements indésirables graves, « le lien de causalité avec le vaccin semble très vraisemblable considérant les symptômes et leur délai d’apparition après la vaccination, ainsi que le résultat des examens biologiques », comme le précise le communiqué de presse du ministère.
3) Ces événements remettent-ils en cause la sécurité et l’efficacité du vaccin pour l’ensemble de la population ?
Le vaccin reste recommandé pour les adultes entre 18 et 64 ans présentant des comorbidités (hypertension artérielle, diabète, maladies cardiovasculaires, respiratoires, rénales, hépatiques et neurovasculaires), compte tenu de l’ampleur de l’épidémie, qui a déjà fait neuf morts à La Réunion, et du fait qu’aucune alerte n’a été remontée aux autorités sanitaires chez les personnes de cet âge.
4) Quelles sont les autres contre-indications au vaccin contre le chikungunya ?
Depuis le début de la campagne de vaccination, le vaccin Ixchiq est déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes dont le système immunitaire présente une efficacité réduite.
Il s’agit en effet d’un vaccin vivant atténué, constitué de germes du virus modifiés afin qu’ils perdent leur pouvoir infectieux, tout en gardant leur capacité à induire une protection chez la personne vaccinée. Ces vaccins sont très efficaces, mais généralement déconseillés par précaution pour les personnes immunodéprimées, afin de limiter les risques d’infection.
5) Comment l’efficacité et la sécurité du vaccin contre le chikungunya sont-elles évaluées ?
Le 17 avril, l’ANSM a annoncé une surveillance renforcée d’éventuels effets secondaires post-vaccination avec le vaccin Ixchiq.
En juin 2024, ce vaccin contre le chikungunya efficace en une seule dose, issu du laboratoire Valneva, est le premier à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché en Europe. Son évaluation repose principalement sur quatre études de phase I et III (sur IV) réalisées auprès d’un total de 3 610 adultes qui ont reçu une dose de 0,5 mL du vaccin alors qu’ils n’étaient pas infectés par le virus. Les données sérologiques recueillies ont permis de mesurer des taux d’anticorps neutralisants « au-dessus de seuil prédictif de protection jusqu’à deux ans après la vaccination », comme le précise un avis de la HAS du 19 mars 2025.
Une nouvelle étude dite « de phase IV » (c’est-à-dire réalisée après la mise sur le marché du vaccin) promue par le CHU de La Réunion et financée par le ministère de la Santé avec le soutien de ANRS Maladies infectieuses émergentes (MIE) et de la Région de La Réunion est en cours, afin d’identifier l’efficacité du vaccin en contexte épidémique et tout effet secondaire grave et/ou inattendu dû à son administration. « Au total, 1 800 personnes seront recrutées dans près d’une quarantaine d’hôpitaux et de cabinets médicaux de l’île, explique à l’Inserm Émilie Mosnier, infectiologue et chercheuse en épidémiologie au CHU de La Réunion. Les résultats de cette étude sont attendus « d’ici la fin de l’année, avec un premier bilan intermédiaire qui devrait être rendu public dès mi-juillet ».
6) Quels sont les effets secondaires reconnus du vaccin contre le chikungunya, et dans quel cas faut-il s’en inquiéter ?
Comme tous les médicaments, le vaccin peut provoquer des effets indésirables tels que des maux de tête, des sensations de malaise, des nausées, de la fatigue, des douleurs musculaires ou articulaires, de la fièvre ou encore des démangeaisons au point d’injection.
Ces effets indésirables « ne surviennent pas systématiquement chez toutes les personnes vaccinées, ne sont pas graves dans la très grande majorité des cas et disparaissent spontanément en quelques jours », précise le ministère de la Santé. En revanche, s’ils s’avèrent particulièrement intenses, il est conseillé de contacter rapidement un médecin.
Par ailleurs, dans de très rares cas, des symptômes de réaction allergique grave peuvent apparaître jusqu’à 72 heures après une vaccination : des difficultés à respirer, une respiration rauque ou sifflante, l’apparition des boutons ou plaques rouges sur la peau, parfois avec des démangeaisons, un gonflement des lèvres, du visage ou de la gorge, des étourdissements, de la fatigue, une accélération du rythme cardiaque… Dans ce cas, il est nécessaire d’appeler rapidement le 15.
7) Où en est la progression de l’épidémie ?
Le bilan provisoire de l’épidémie de chikungunya à La Réunion est de neuf morts, selon les autorités sanitaires, qui soulignent que l’épidémie se « stabilise à un haut niveau », selon des chiffres du mercredi 16 avril 2025.
Du 7 au 13 avril, la dernière semaine pour laquelle les données sont connues, quelque 350 passages aux urgences ont été enregistrés, contre 289 la semaine précédente – soit une hausse de 21 %. Le nombre de cas confirmés comptabilisés sur la même période est lui en baisse, de 6 237 à 4 304, mais Santé publique France précise que ce nombre n’est pas consolidé. Le bilan final pourrait donc s’avérer plus élevé.
Texte relu par Emilie Mosnier, infectiologue & chercheuse en épidémiologie santé publique au CHU de la Réunion et par Eric d’Ortenzio, médecin et épidémiologiste, ANRS-Maladies infectieuses émergentes/Inserm.