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C’est une tendance qui revient de temps à autres sur les réseaux sociaux, notamment via des comptes très suivis : de nombreux influenceurs parlent régulièrement à leurs abonnés de glycémie et évoquent l’impact du sucre sur la santé. Certains vont même jusqu’à se procurer des capteurs de glycémie, en vente libre sur internet, afin de suivre leur taux de sucre dans le sang tout au long de la journée, arguant qu’il s’agit d’un bon moyen pour mieux connaître son métabolisme et adapter son alimentation. Normalement réservés aux personnes vivant avec un diabète, ces capteurs ont-ils vraiment une utilité pour le reste de la population ? Et que penser des arguments avancés par certaines personnalités qui, sur les réseaux sociaux, font la « chasse » au glucose à tout prix ? Est-ce une méthode miracle pour être en bonne santé et perdre du poids ? Canal Détox se penche sur ce sujet.
La glycémie est le taux de glucose dans le sang. Avant tout chose, il est utile de rappeler que le glucose issu de notre alimentation est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. Il sert en effet de substrat énergétique à un grand nombre de cellules, qui l’utilisent pour produire de l’énergie. Tout l’enjeu est d’adapter son alimentation pour apporter cette source d’énergie au corps sans dépasser des doses qui pourraient être délétères pour la santé.
Valeurs de la glycémie
Chez une personne à jeun, les valeurs « normales » de la glycémie se situent entre 0,70g/L et 1,10g/L. Plus globalement, on peut dire qu’en l’absence de diabète, la glycémie varie naturellement au cours de la journée autour de 1 g/L, en fonction des repas ou de l’activité physique. Elle est d’environ 0,8 g/L avant les repas ou après la pratique d’une activité physique et augmente tout de suite après un repas, pour rediminuer progressivement ensuite. Ce « pic » après la prise de nourriture est donc tout à fait adapté.
Le diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2 (même si les mécanismes en cause sont différents), se caractérise par un excès de glucose dans le sang. Pour les personnes touchées par la maladie, la surveillance de la glycémie plusieurs fois par jour, au moyen d’un lecteur ou d’un capteur, est souvent nécessaire.
En effet, les mesures obtenues permettent de confirmer les épisodes d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie qui peuvent survenir chez les patients au cours de la journée, d’adapter les traitements par insuline pour ceux qui en prennent ou de mieux comprendre les effets de l’alimentation, du stress, de l’activité physique ou de la prise de médicaments sur la glycémie.
Pour en savoir plus sur le diabète de type 1 et 2 et les traitements, lire nos articles :
En revanche, ces mesures n’ont pas d’utilité démontrée pour les personnes non malades. Or certains influenceurs continuent à préconiser l’usage de capteurs de glycémie à leurs abonnés même en l’absence de diabète, ce qui conduit des professionnels de santé à s’inquiéter.
Tandis que les personnes vivant avec un diabète respectent des indications de prescription précises et sont bien suivies par leurs médecins, le risque pour celles qui utilisent ces dispositifs sans être malade est de surinterpréter les résultats. Adopter cette pratique peut dès lors susciter des inquiétudes non fondées vis-à-vis de sa santé et conduire à « pathologiser » une réaction physiologique naturelle, comme celle d’un pic de glycémie après la prise de nourriture. Cela constitue un terreau qui peut pousser certaines personnes vers des comportements obsessionnels pouvant évoluer vers des troubles du comportement alimentaire.
Des conseils nutritionnels pour contrôler sa glycémie ?
Au-delà de l’usage des capteurs de glycémie, certains conseils nutritionnels pour « limiter le sucre » ont grandement été relayés par des comptes très populaires sur les réseaux sociaux. Le problème est qu’il peut être difficile de faire la part des choses entre des conseils qui peuvent avoir une certaine légitimité, et des informations erronées ou trompeuses.
Prenons par exemple l’idée très relayée selon laquelle il faudrait commencer ses repas par de fruits et de légumes ou bien faire de la marche tout de suite après manger pour limiter les pics de glycémie. Il n’y a pas en soi de données scientifiques solides qui viennent appuyer ces idées permettant d’affirmer que l’on doit assigner un ordre aux aliments que l’on mange ou que faire de l’activité physique à un moment précis est beaucoup plus bénéfique qu’à un autre.
Néanmoins, ces conseils peuvent tout de même avoir des avantages indirects pour la santé des personnes, dans la mesure où cela les incite à consommer plus de fruits et légumes ou à lutter contre la sédentarité. Cela peut expliquer pourquoi certains peuvent se sentir « mieux » en appliquant cette méthode.
Le problème, c’est que ces conseils de bons sens sont souvent justifiés au moyen de théories farfelues et d’une diabolisation à l’extrême du glucose. Surtout, cela met en avant l’idée qu’il y aurait une approche « miracle » pour rester en bonne santé ou pour perdre du poids. On sait pourtant que ce n’est pas le cas : la santé métabolique et la perte de poids dépendent de nombreux facteurs, à la fois génétique et environnementaux, et il ne suffit pas de faire la « chasse au glucose ». Les recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS) ont été élaborées, elles, sur des bases scientifiques solides. Elles regroupent l’ensemble des conseils à appliquer pour contribuer à limiter la prise de poids et l’obésité, et à prévenir les maladies chroniques (cardiovasculaire, diabète de type 2, cancer…). Des déclinaisons existent selon l’âge ou la situation de chacun (grossesse, sportifs…).
Si de plus en plus d’études portant sur des dizaines de milliers de participants semblent pointer vers un lien entre index glycémique des aliments et risque accru de diabète, maladies cardiovasculaires, cancers liés au diabète et mortalité, ce n’est pas en surveillant les fluctuations naturelles de notre glycémie à longueur de journée que l’on améliorera la prévention. Les clés résident dans l’adoption d’une alimentation en adéquation avec les recommandations du PNNS et le fait de privilégier les aliments mieux classés au Nutri-Score (qui sont notamment moins riches en sucre et en gras).
Il est aussi important de se méfier des sites qui vendent des compléments alimentaires « miracles » pour « réguler sa glycémie ». Aucune instance de santé publique ne les recommande à l’heure actuelle pour la population générale en bonne santé.
En matière de glycémie, de nutrition, comme en matière de santé en général, les » fake news » sont nombreuses sur les réseaux sociaux et sur internet. Il est fondamental de s’assurer de la fiabilité des sources d’information consultées… et de se rappeler que si une méthode conseillée pour prendre soin de sa santé ou pour perdre du poids semble « miraculeuse », c’est qu’elle est sûrement trop belle pour être vraie !
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Texte rédigé avec le soutien de Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et Emmanuel Cosson, endocrinologue, Hôpital Jean-Verdier (AP-HP).