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Communiqués et dossiers de presse

Découverte de valves au cœur du système lymphatique cardiaque et de leur rôle dans l’insuffisance cardiaque

Les valves lymphatiques identifiées par immunomarquage sont en blanc/gris. Les parois des vaisseaux lymphatiques identifiées par immunomarquage sont en bleu. © Ebba Brakenhielm/ Inserm

Le rôle du système lymphatique dans l’apparition et la progression de nombreuses maladies cardiovasculaires (hypertension, cardiomyopathies…) est de plus en plus reconnu, même si son implication exacte reste encore à éclaircir. Mieux comprendre ces mécanismes pourrait permettre de limiter l’aggravation de ces maladies et éviter leur évolution vers des formes sévères comme l’insuffisance cardiaque, qui touche 1,5 million de personnes en France. Dans une nouvelle étude, des chercheuses et chercheurs de l’Inserm et de l’université de Rouen Normandie, en collaboration avec une équipe de l’université de Wurtzbourg (Allemagne), ont analysé comment le système lymphatique se dérègle dans l’insuffisance cardiaque. Ils ont, pour la première fois, identifié les mécanismes cellulaires et moléculaires responsables de ce dysfonctionnement. De plus, les scientifiques ont découvert la présence de valves dans les vaisseaux lymphatiques cardiaques, dont le nombre serait réduit dans le contexte pathologique d’insuffisance cardiaque. Ces résultats sont publiés dans la revue EMBO Mol Med.

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès au niveau mondial (juste devant les cancers). Ces pathologies présentent des caractéristiques communes telles que la présence d’une inflammation, d’œdème (gonflement des tissus dû à un excès de liquide) et/ou d’une fibrose cardiaque (accumulation de matrice extracellulaire dans le myocarde) qui contribuent à l’aggravation de la maladie vers une insuffisance cardiaque[1].

Aujourd’hui, face à l’absence de traitement efficace, de nouvelles cibles thérapeutiques sont recherchées, notamment pour limiter l’inflammation et l’œdème. Depuis plusieurs années, une équipe de recherche conjointe entre l’Inserm et l’université de Rouen Normandie, co-dirigée par Ebba Brakenhielm, directrice de recherche à l’Inserm au sein du laboratoire Endothélium, valvulopathies et insuffisance cardiaque (EnVI) s’intéresse à l’implication du système lymphatique cardiaque (cf. encadré ci-dessous) dans les maladies cardiovasculaires.

Système lymphatique général et au niveau cardiaque

Tandis que le réseau vasculaire sanguin participe à l’alimentation en oxygène et en nutriments des organes, le réseau lymphatique agit en parallèle pour évacuer (ou drainer) les excès de liquides, les déchets, les cellules immunitaires, et les débris de cellules endommagées des tissus du corps.

Au niveau du cœur, on parle de système lymphatique cardiaque (image ci-dessous), lui-même composé d’un ensemble complexe de vaisseaux lymphatiques spécifiques qui, à la différence des autres vaisseaux lymphatiques, dépendent de la contraction cardiaque pour assurer leur fonction de drainage.

Dans de précédents travaux, l’équipe a montré que, dans le contexte d’un infarctus du myocarde expérimental chez les rongeurs, l’inflammation cardiaque provoquait une raréfaction des vaisseaux lymphatiques, qui devenaient alors incapables de résoudre l’inflammation et l’œdème, et de prévenir la fibrose, tous délétères pour la fonction cardiaque.

Dans une nouvelle étude, cette même équipe est allée plus loin. Les scientifiques ont réussi à décrire, chez l’animal, le mécanisme de dérèglement du système lymphatique cardiaque à l’échelle moléculaire, cette fois-ci dans le contexte spécifique de l’insuffisance cardiaque non-ischémique[2]. Ils ont analysé l’information génétique contenue dans des cellules endothéliales lymphatiques cardiaques, qu’ils ont réussi à isoler grâce à une technologie de pointe[3]. Ils ont comparé la composition de ces cellules chez des animaux sains et chez des animaux atteints d’insuffisance cardiaque.

Cette analyse a révélé que l’inflammation liée à la maladie avait pour effet de perturber l’expression de gènes clés des vaisseaux lymphatiques. Grâce à des techniques d’imagerie 3D, l’équipe de recherche a observé que ces altérations rendaient les vaisseaux plus perméables et donc moins capables d’éliminer l’excès de liquide et de débris cellulaires, caractéristiques de l’œdème.

En allant plus loin, les chercheurs ont mis en évidence la présence jusqu’alors insoupçonnée de valves dans les vaisseaux lymphatiques cardiaques. L’équipe a par ailleurs découvert de façon surprenante que le nombre de ces valves est réduit chez les animaux atteints d’insuffisance cardiaque. Or sans la présence de ces valves, l’effet drainant du système lymphatique est fortement altéré.

« Cette étude pionnière nous a permis d’approfondir nos connaissances sur le système lymphatique cardiaque, dont le bon fonctionnement est essentiel pour un cœur en bonne santé. Ces résultats devront être confirmés chez l’humain mais ils suggèrent l’utilité de développer de nouvelles stratégies pour régénérer les valves lymphatiques perdues au cours de l’insuffisance cardiaque, avec l’espoir de rétablir leur fonction essentielle de drainage du cœur », conclut Ebba Brakenhielm.

 

[1]On parle d’insuffisance cardiaque lorsque le cœur n’est plus capable d’assurer un apport sanguin suffisant aux besoins du corps.

[2]C’est-à-dire une insuffisance cardiaque non liée à un infarctus du myocarde

[3]Le séquençage de cellule unique est un ensemble de techniques de biologie moléculaire qui permet l’analyse de l’information génétique (ADN, ARN, épigénome…). Cette technologie permet d’étudier les différences cellulaires avec une résolution optimale et ainsi de comprendre la particularité d’une cellule au sein de son microenvironnement.

 

Contacts
Contact Chercheur

Ebba Brakenhielm

Directrice de recherche Inserm

Endothélium, valvulopathies et insuffisance cardiaque (EnVI), unité 1096 Inserm

roon.oenxrauvryz@vafrez.se

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

Molecular determinants of cardiac lymphatic dysfunction in a chronic pressure-overload model

Coraline Heron*1, Theo Lemarcis*1, Océane Laguerre1, Bénjamin Bourgeois2, Corentin Thuilliez1,3, Chloé Valentin1, Anais Dumesnil1, Manon Valet1, David Godefroy4, Damien Schapman2, Gaetan Riou5, Sophie Candon5, Céline Derambure6, Alma Zernecke7, Caroline Berard3, Hélène Dauchel2,3, #, Virginie Tardif1, Ebba Brakenhielm1, #

 

*Equal contribution

# Corresponding authors

1 UnivRouen Normandy, Inserm UMR1096 (EnVI Laboratory), F-76000, Rouen, France

2 UnivRouen Normandy, Inserm US51 CNRS UAR 2026 (HeRacLeS Laboratory), Mont Saint Aignan, France

3 UnivRouen Normandy, LITIS UR4108, Mont Saint-Aignan, France

4 UnivRouen Normandy, Inserm UMR1239 (NorDic Laboratory), Mont Saint-Aignan, France

5 UnivRouen Normandy, Inserm UMR1234 (PANTHER Laboratory), F-76000, Rouen, France

6 UnivRouen Normandy, Inserm UMR1245 (CBG Laboratory), F-76000, Rouen, France

7 Institute of Experimental Biomedicine, University Hospital Würzburg, 97080 Würzburg, Germany

The EMBO Journal, 11 décembre 2025

DOI : https://doi.org/10.1038/s44321-025-00345-w

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