Macrophages infectés par le VIH : Les protéines virales sont en vert, les microtubules en rouge et les noyaux en bleu. Taille des noyaux : 5µm © Inserm/Institut Curie, R. Gaudin/P. Bernaroch
L’objectif de l’élimination du VIH chez les personnes vivant avec le virus est d’atteindre une guérison durable et sans traitement. L’une des stratégies pour éradiquer le virus consiste à stimuler les réponses immunitaires, notamment celles médiées par les lymphocytes cytotoxiques CD8+. Une étude soutenue par l’ANRS MIE et menée par des équipes de l’Inserm, de l’université de Bordeaux, du CNRS (ImmunoConcEpT), a examiné l’évolution des lymphocytes T CD8+ après plusieurs décennies de traitement antirétroviral chez des personnes vivant avec le VIH. Contrairement à ce que les scientifiques attendaient, les résultats montrent qu’il y a un renouvellement des cellules T CD8+, suggérant une capacité du système immunitaire à générer de nouvelles réponses. Les résultats de ces travaux viennent de paraître dans la revue Nature Immunology.
Les lymphocytes T CD8+ sont des cellules essentielles au contrôle immunitaire efficace des virus ou des cancers. Dans le cas du VIH, le devenir de ces cellules des décennies après l’induction de la réponse immunitaire initiale contre le virus est néanmoins peu connu. L’équipe de Victor Appay, directeur de recherche à l’Inserm,[1] s’est donc interrogée sur l’état des lymphocytes CD8+ après des années d’infection contrôlée par les traitements antirétroviraux.
Cette étude a été réalisée à partir d’une cohorte unique de personnes vivant avec le VIH-1 (PVVIH), qui avaient toutes fait don d’échantillons historiques remontant au début de l’épidémie au début des années 1990 (cohorte IMMUNOCO, mise en place à l’hôpital de la Salpêtrière, AP-HP et financée par l’ANRS MIE). Le suivi clinique moyen des patients était de 27 ans et se distingue donc par sa durée exceptionnelle. De plus, le vieillissement des patients, dont l’âge a augmenté au cours de ce suivi à long terme, représente une variable supplémentaire à considérer, du fait de l’affaiblissement des défenses immunitaires avec l’âge. Au total, sur les 152 patients de la cohorte, 28 patients ont pu être retrouvés pour cette nouvelle étude et des échantillons ont été prélevés chez 20 d’entre eux.
De façon surprenante, et à l’inverse de ce qui était attendu, les résultats montrent que, chez les 11 patients où des cellules T CD8+ spécifiques au VIH ont été détectées, ces cellules présentaient des caractéristiques de rajeunissement. Ce phénomène est dû à l’émergence de nouvelles cellules, plus jeunes et fonctionnelles, au sein du compartiment des lymphocytes T CD8+ spécifique du VIH. Ces nouvelles cellules prennent le pas sur les anciennes dans le cadre d’une reconstitution immunitaire obtenue grâce au traitement antirétroviral à long terme. On parle de « processus de succession clonale » au sein des populations de lymphocytes T CD8+ spécifiques du VIH-1, qui s’en voient ainsi rajeunies. Cela démontre la capacité de résilience du système immunitaire à générer de nouvelles réponses.
Ces découvertes représentent une contribution fondamentale à la connaissance de l’immunité des cellules T spécifiques du virus, 40 ans après la découverte initiale du VIH-1. La prochaine étape consiste à étudier in vitro, puis dans des modèles pré-cliniques et cliniques, comment obtenir des réponses efficaces en stimulant ces nouvelles cellules T CD8+ au potentiel fonctionnel renouvelé.
La pertinence de ces travaux s’étend également au-delà du VIH-1. En effet, la découverte selon laquelle l’épuisement et la sénescence des lymphocytes T peuvent être contournés naturellement pour générer une immunité fonctionnelle met en exergue la capacité de résilience du système immunitaire après des décennies de vie, même dans des circonstances extrêmes. Ce projet de recherche pourrait transformer les approches thérapeutiques actuelles contre le VIH et d’autres maladies comme le SARS-CoV-2 et le cancer, particulièrement chez les populations âgées.
« Ces résultats offrent un nouvel espoir pour le développement de stratégies de guérison du VIH-1 basées sur la réinduction de réponses fonctionnelles des lymphocytes T CD8+ après de longs traitements ». Victor Appay, Université de Bordeaux
[1] Victor Appay est co-responsable de l’équipe « Vulnérabilité et vieillissement du système immunitaire », Inserm U1303 au sein de l’unité ImmunoConcept.
Clonal succession after prolonged antiretroviral therapy rejuvenates CD8+ T cell responses against HIV-1
White, E., Papagno, L., Samri, A. et al.
Nature Immunology, 23 août 2024