Menu
Communiqués et dossiers de presse

DisCoVeRy : Le remdesivir n’expose pas les patients hospitalisés atteints de Covid-19 à un sur-risque d’effets cardiaques

02 Mai 2024 | Par INSERM (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie

cœur

Cœur humain © Fotalia

La place de l’agent antiviral remdesivir dans la prise en charge des patients hospitalisés pour la Covid-19 a évolué au fil du temps avec l’accumulation de nouvelles données. De nombreux cas d’évènements cardiaques indésirables, en particulier des bradycardies, ont été rapportés au niveau individuel et dans des études observationnelles sans groupe comparateur. Dans ce contexte, et dans le cadre de la réponse européenne, le département de vigilance recherche clinique de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, avec le soutien des équipes de recherche de diverses institutions, dont l’Inserm,* les Hospices civils de Lyon, l’AP-HP et l’Université libre de Bruxelles (ULB), vient de réaliser une analyse post-hoc** de l’étude de phase III DisCoVeRy. Cette analyse a permis d’évaluer la survenue d’évènements indésirables cardiaques chez des patients hospitalisés atteints de la forme modérée à sévère de la Covid-19 et recevant le standard de soins habituel seul ou associé au remdesivir. Aucune augmentation du risque d’évènements cardiaques indésirables lié au remdesivir n’a été mise en évidence par rapport au groupe comparateur. Les résultats ont été publiés dans le numéro de mars 2024 de Clinical Infectious Diseases, accompagnés d’un éditorial de la revue (1,2).

Au début de la pandémie, il était urgent de trouver des options thérapeutiques pour traiter les patients atteints d’une forme modérée ou sévère de Covid-19, c’est-à-dire les patients hospitalisés présentant des symptômes respiratoires et requérant de l’oxygène. L’antiviral remdesivir a été l’une des premières options de traitement envisagées dans le contexte de développement rapide de stratégies thérapeutiques.

L’essai clinique DisCoVeRy, initialement lancé en mars 2020 par l’Inserm-PRC* en France, et ayant bénéficié par la suite d’une expansion européenne grâce au projet EU-Response (3) financé par la Commission européenne, avait pour but d’évaluer plusieurs traitements possibles contre la Covid-19. Au cours de cette étude, le remdesivir, comme les autres antiviraux testés (lopinavir/ritonavir, hydroxychloroquine, interféron…), n’a montré aucun bénéfice clinique chez les patients adultes hospitalisés et placés sous oxygène par rapport à ceux recevant des soins standard seuls (4).

Par la suite, des études sur une autre population à risque de développer un Covid sévère (population non hospitalisée et non oxygéno-dépendante – Pinetree (5)) et une méta-analyse (Prospero (6)) ont démontré une efficacité du remdesivir s’il était administré suffisamment tôt avant apparition d’un Covid sévère.

Comme pour tout médicament nouvellement autorisé, la surveillance post-autorisation de mise sur le marché a fait l’objet de nombreuses études. Plusieurs cas cliniques et études observationnelles ont alerté sur la survenue de troubles cardiaques, en particulier de bradycardies sinusales (arythmie correspondant à un rythme anormalement lent du cœur) légères à modérées, observées au début du traitement. En conséquence, le comité d’évaluation des risques de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a analysé ce signal de sécurité pour la bradycardie sinusale, concluant en juin 2021 qu’une relation de cause à effet était au moins une « possibilité raisonnable » avec une fréquence indéterminée.

C’est dans ce contexte, qu’une analyse post-hoc des données de DisCoVeRy a été entreprise. Dans cette étude, les participants avaient été répartis dans des groupes « homogènes », c’est-à-dire qu’à leur inclusion ils n’étaient pas significativement différents les uns des autres pour un certain nombre de caractéristiques essentielles, comme les comorbidités.

Les résultats de l’analyse ont montré que, par rapport au groupe comparateur, le traitement antiviral n’était pas associé à un risque accru d’effets indésirables cardiaques, y compris d’arythmies, quel que soit le degré de gravité considéré. Des évènements cardiaques indésirables ont été signalés chez 46 des 410 patients ayant reçu le remdesivir et chez 48 des 423 patients du groupe comparateur. La différence entre les deux groupes n’était pas significative. La survenue d’arythmie, qui était le plus fréquent des troubles cardiaques dans les deux groupes, était associée dans la majorité des cas à une issue favorable, sans que l’on ait recours à l’arrêt du remdesivir. Ces résultats rendent compte des complications cardiovasculaires, déjà bien documentées, qui sont associées à la maladie elle-même. Ils soulignent également le rôle d’autres facteurs de risque comme les comorbidités préexistantes et l’exposition dans les deux groupes à de nombreux médicaments pouvant provoquer des troubles cardiaques, en particulier en réanimation.

« L’étude de tout traitement thérapeutique contre le Covid-19 doit être évaluée, lorsqu’il s’agit de son profil de risque dans la population infectée par le Covid-19, en tenant compte du risque cardio-vasculaire associé au Covid-19 et des comorbidités préexistantes des patients, en incluant toujours un essai contrôlé randomisé. » Robert L Gottlieb (Center for Advanced Heart and Lung Disease, Baylor University Medical Center, Dallas, Texas) et Andre C Kalil (Division of Infectious Diseases, Department of Internal Medicine, University of Nebraska Medical Center, Omaha, Nebraska) 

Les résultats de DisCoVeRy, basés sur une étude avec un groupe comparateur et randomisé, complètent les données existantes de sécurité d’utilisation du remdesivir chez les patients hospitalisés atteints de Covid-19. Ils sont cohérents avec ceux des méta-analyses et autres essais contrôlés randomisés publiés à ce jour. D’autres travaux, notamment des méta-analyses avec un échantillon plus important permettant des analyses en sous-population, devraient voir le jour prochainement.

* Pôle recherche clinique de l’Inserm (Inserm-PRC)

** Analyse de données expérimentales après coup

Contacts
Contact Presse

ANRS – Maladies infectieuses émergentes

rf.srna@esserp

Inserm

rf.mresni@esserp

Sources

(1) Terzić V (1,2), Miantezila Basilua J (1,2), Billard N (3), de Gastines L (1,2), Belhadi D (3,6), Fougerou-Leurent C (4), Peiffer-Smadja N (5,6), Mercier N (1,2), Delmas C (7), Ferrane A (7), Dechanet A (3), Poissy J (8), Espérou H (7), Ader F (9), Hites M (10), Andrejak C (11), Greil R (12), Paiva J-A (13), Staub T (14), Tacconelli E (15), Burdet C (3), Costagliola D (16), Mentré F (3,6), Yazdanpanah Y (3,5,17), Diallo A (1,2), and the DisCoVeRy study group. Cardiac adverse events and remdesivir in hospitalized patients with Coronavirus Disease 2019 (COVID-19): A post hoc safety analysis of the randomized DisCoVeRy trial.

Clin Infect Dis 2024 Mar 29:ciae170.

  1. Clinical Trial Safety and Public Health, ANRS|Emerging Infectious Diseases, Paris, France
  2. Clinical Research Safety Department, INSERM, Paris, France
  3. Department of Epidemiology, Biostatistics and Clinical Research, Hospital Bichat, APHP, Paris, France
  4. Pharmacology Unit, University Hospital Rennes; CIC Inserm 1414, University Hospital Rennes, Rennes, France
  5. Infectious Diseases Department, Hôpital Bichat – Claude-Bernard, APHP, Paris, France
  6. Université Paris Cité, IAME, INSERM, Paris, France
  7. Pôle de Recherche Clinique, INSERM, Paris, France
  8. Université de Lille, Inserm U1285, CHU Lille, Pôle de réanimation, CNRS, UMR 8576 – UGSF – Unité de Glycobiologie Structurale et Fonctionnelle, Lille, France
  9. Département des Maladies infectieuses et tropicales, Hospices Civils de Lyon, F-69004, Lyon, and Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI), Inserm 1111, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, UMR5308, École Normale Supérieure de Lyon, Univ Lyon, F-69007, Lyon, France
  10. Clinic of Infectious Diseases, Hôpital Universitaire de Bruxelles (HUB)-Erasme, Brussels, Belgium
  11. Pulmonolgy Unit, University Hospital Amiens-Picardie, UR 4294 AGIR, Université Picardie Jules Verne, Amiens, France
  12. IIIrd Medical Department, Paracelsus Medical University Salzburg; Salzburg Cancer Research Institute-Center for clinical Cancer and Immunology Trials (SCRI-CCCIT); Cancer Cluster Salzburg; Austrian Group for Medical Tumor Therapy (AGMT), Salzburg, Austria
  13. Serviço de Medicina Intensiva, Centro Hospitalar Universitário São João, Porto, Portugal
  14. Centre Hospitalier de Luxembourg, 4 Rue Ernest Barblé, L-1210 Luxembourg, Luxembourg
  15. Infectious diseases, Dept. Diagnostic and Public Health, University of Verona, Verona, Italy
  16. Sorbonne Université, INSERM, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique (IPLESP), Paris, France
  17. ANRS Emerging Infectious Diseases, Paris, France

(2) Gottlieb RL and Kalil AC. True DisCoVeRy of COVID-19 disease burden versus speculated antiviral cardiovascular risk requires a control group. Clin Infect Dis 2024 Mar 29:ciae172.

(3) https://cordis.europa.eu/project/id/101015736

Financé par l’Europe (European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme under grant agreement No 101015736), DisCoVeRy est désormais l’axe de recherche 1 du projet EU-RESPONSE (European Research and Preparedness Network for Pandemics and Emerging Infectious Diseases, qui regroupe 22 partenaires (cliniques, centres hospitaliers, universités…) de 13 pays de l’Union Européenne, de la Norvège, de la Suisse, du Luxembourg et de la Turquie.

(4) Ader F, et al. Final results of the DisCoVeRy trial of remdesivir for patients admitted to hospital with COVID-19. Lancet Infect Dis 2022;22(6):764-765.

(5) Gottlieb RL, et al. Early Remdesivir to prevent progression to severe Covid-19 in outpatients. N Engl J Med 2022;386(4):305-315.

(6) Amstutz A, et al. Effects of remdesivir in patients hospitalised with COVID-19: a systematic review and individual patient data meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet Respir Med 2023; 11(5):453-464.

fermer