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Effet placebo, effet nocebo, aucun effet, vraiment ?

  Le terme d’effet placebo se retrouve régulièrement au cœur de l’actualité scientifique et médicale. Début 2022, c’est son « jumeau », l’effet nocebo, qui a fait la une, suite à une publication dans le JAMA s’intéressant aux effets indésirables identifiés dans les groupes contrôle des essais cliniques vaccinaux Covid-19 (chez des personnes donc qui ne recevaient […]

Le 08 Fév 2022 | Par INSERM (Salle de presse)

 

Le terme d’effet placebo se retrouve régulièrement au cœur de l’actualité scientifique et médicale. Début 2022, c’est son « jumeau », l’effet nocebo, qui a fait la une, suite à une publication dans le JAMA s’intéressant aux effets indésirables identifiés dans les groupes contrôle des essais cliniques vaccinaux Covid-19 (chez des personnes donc qui ne recevaient pas le vaccin).

Les données qui sont mises en lumière dans cet article scientifique – qui passe en revue les résultats de plusieurs essais cliniques – suggèrent que si la prévalence d’effets indésirables est plus importante chez les individus qui reçoivent le vaccin, ces mêmes effets ont aussi été observés dans de moindres proportions dans le groupe contrôle (voir encadré pour plus de détails sur l’étude et l’ensemble des résultats).

Il n’en fallait pas moins pour que certains articles de presse reprennent l’un des chiffres les plus frappants de l’étude : 76 % des effets indésirables systémiques (maux de tête et fatigue) rapportés après la première dose de vaccin seraient dus à ce qu’on appelle « effet nocebo ».

On parle d’effet nocebo lorsque l’effet psychologique ou physiologique associé à la prise d’une substance inerte (comme une pilule de sucre ou une solution saline), qui n’a aucun effet pharmacologique documenté, engendre des effets délétères pour l’individu. À l’inverse, suite à la prise d’une substance inerte, l’effet placebo est lui associé à des bénéfices. Quelle est la réalité scientifique derrière ces phénomènes ? L’effet placebo existe-t-il et permet-il vraiment diminuer certaines douleurs ? Et se manifeste-t-il toujours de la même manière, chez tous les individus ? Et que dire de l’effet nocebo ? Pour y voir plus clair, Canal Détox fait le point.

 

L’effet placebo, des données scientifiques de plus en plus solides

Si les recherches sur le sujet se sont accélérées ces dernières années, surtout sur l’effet placebo, il s’agit d’un phénomène encore bien mystérieux. La plupart des études ont porté sur la douleur, suggérant des effets analgésiques associés à la prise d’un placebo. Mais des données plus récentes suggèrent que l’effet placebo s’avère également utile pour accompagner les traitements de certaines maladies, comme la maladie de Parkinson ou encore la dépression, avec à la clé une réduction de certains symptômes.

Ce qui est certain c’est qu’il s’agit d’un effet bien réel, produit par le cerveau, avec des conséquences observables sur la physiologie. Des études d’imagerie cérébrale ont notamment permis de mesurer concrètement ce phénomène, montrant une diminution de l’activité de certaines régions du cerveau associées à la sensation de douleur. De plus, l’effet placebo s’accompagne aussi d’une augmentation de la sécrétion des endorphines et de la dopamine, les hormones du « plaisir ».

 

Quelques idées fausses circulent encore

Parmi les idées reçues, on estime que seules certaines personnes sont sensibles à l’effet placebo. Or, la recherche met à mal cette hypothèse. En effet, tout le monde peut être « placebo-répondeur », c’est-à-dire susceptible d’observer des effets sur leurs symptômes suite à la prise d’un placebo. Certes, cet effet est variable d’un individu à l’autre, mais il dépend surtout du contexte.

En fonction de la douleur ressentie ou de la maladie ciblée, de la relation soignant-patient, ainsi que de son vécu et de ses expériences passées, un individu pourra être plus ou moins « placebo-répondeur ». Certaines équipes de recherche tentent également d’identifier des facteurs génétiques qui pourraient permettre d’expliquer les variabilités entre les personnes, mais les données sont encore limitées sur le sujet et ne font pas consensus.

Si l’on a beaucoup parlé de l’effet placebo dans le domaine de la douleur, le concept de « chirurgie placebo » est moins connu. Pourtant, des études sérieuses ont montré que celle-ci pouvait avoir un impact bénéfique, et ce pendant plusieurs années. Certaines équipes ont par exemple réalisé des interventions de revascularisation cardiaque, une opération chirurgicale visant à rétablir un flux sanguin satisfaisant dans les artères du cœur pour restaurer l’apport en oxygène.

Des patients opérés de cette manière ont ensuite été comparés à un autre groupe, chez qui le thorax avait été ouvert sans rien toucher : les effets étaient bénéfiques chez les deux types de patients et se prolongeait pendant plusieurs années dans les deux cas. Un constat qui souligne par ailleurs que l’effet placebo n’est pas forcément de courte durée. Les études sur la « chirurgie placebo » ont toutefois soulevé des questions éthiques dans la communauté médicale car elles supposent de faire passer un patient par la table d’opération sans nécessairement pratiquer de geste chirurgical à visée thérapeutique.

Autre point important, on a souvent pensé que le fait de dire à une personne qu’elle recevait un placebo pouvait nuire à son efficacité. Une idée qui sous-tend d’ailleurs l’une des règles d’or des essais cliniques : la randomisation en double-aveugle (où ni le soignant ni le patient ne savent quelle molécule est reçue par ce dernier pour ne pas influencer les résultats). Or, des travaux récents ont montré que ce n’est pas forcément le cas. Ainsi, si l’on dit à un patient qu’il reçoit un placebo, mais en ajoutant des explications sur ce qu’est l’effet placebo et en soulignant que celui-ci va déclencher certains effets directement observables dans le cerveau, cet effet pourra tout de même être observé.

La recherche se poursuit dans le domaine pour continuer à identifier tous les mécanismes neurobiologiques, pour prédire quels individus seront répondeurs dans un contexte particulier, ou encore pour tester si l’effet placebo pourrait augmenter celui de certains traitements non médicamenteux. Longtemps mal compris, déconsidéré par la communauté médicale, l’effet placebo est aujourd’hui un sujet à part entière, étudié avec rigueur et qui pourrait avoir un rôle à jouer aussi bien dans la pratique clinique que dans l’organisation des essais cliniques futurs.

 

Petite histoire de l’effet placebo

Le médecin américain Henry Beecher a découvert la puissance de l’effet placebo pendant la seconde guerre mondiale. Alors qu’il soignait des combattants blessés, il est venu à manquer de morphine pour soulager leurs douleurs. Il leur a alors administré une solution saline en continuant de dire à ses patients qu’il s’agissait du précieux médicament analgésique. Il a ensuite été à l’origine de l’introduction systématique d’un groupe placebo dans les études cliniques.

 

Et l’effet nocebo dans tout cela ?

Si le cerveau est capable de soulager certaines douleurs et affections simplement après la prise de substances inertes, il peut aussi mener à des symptômes redoutés, voire un effet indésirable attendu ou non. Ces effets indésirables associés à l’effet nocebo sont le plus souvent non spécifiques, tels que des maux de tête et/ou des symptômes gastro-intestinaux. Ils sont aussi moins étudiés que l’effet placebo mais sont régulièrement associés à des personnes ayant un positionnement marqué par une certaine opposition ou un rejet du médicament.

Les recherches dans le domaine ont pour objectif de tenter de réduire l’effet nocebo, notamment dans les essais cliniques (par exemple en expliquant clairement aux patients que même s’ils reçoivent un placebo, ils peuvent avoir des effets indésirables). Pour la communauté médicale, toute la question est de savoir comment elle peut lutter pour rétablir la sérénité et la confiance tout en informant correctement les patients sur les risques, sans générer d’anxiété (notamment en mettant en avant la balance entre bénéfice et risque). 

Les recherches doivent là aussi se poursuivre pour mieux identifier les mécanismes sous-jacents mais aussi les personnes qui sont le plus susceptibles d’être affectées par cet effet nocebo.

 

L’étude du JAMA en détail

Les auteurs de l’étude publiée fin janvier 2022 dans le JAMA ont analysé 12 articles issus de la littérature scientifique portant sur les résultats d’essais cliniques vaccinaux Covid-19.  En tout, ce sont les données de plus de 45 000 participants qui ont été analysées (la moitié d’entre eux ayant reçu le vaccin et l’autre moitié un placebo). L’idée était d’étudier la survenue d’effets indésirables locaux (douleur au site d’injection) et systémiques (maux de tête, fièvre, fatigue…) dans les deux groupes. Les chercheurs ont montré qu’après la première dose, 35 % du groupe contrôle, qui n’avait dont pas reçu le vaccin rapportait des effets indésirables systémiques (31 % après la deuxième dose). Dans le groupe des personnes vaccinées, 46 % des participants faisaient état d’effets indésirables systémiques après la première dose (61 % après la deuxième dose).

Si la prévalence d’effets indésirables est donc significativement plus élevée dans le groupe ayant été vacciné, ces chiffres suggèrent tout de même l’existence d’un effet nocebo pour les personnes dans le groupe contrôle. Dans un contexte où les freins à la vaccination restent nombreux, celui-ci doit être pris en compte et étudié. Le fait que dans le groupe contrôle, les effets indésirables diminuent après la deuxième dose est encourageant : l’anxiété associée à la vaccination s’estomperait après la deuxième dose.

En faisant le ratio entre les pourcentages d’effets indésirables rapportés dans le groupe vacciné et le groupe contrôle, les chercheurs estiment que chez les personnes vaccinées, 76 % des effets systémiques après une dose de vaccin et 51 % après deux doses sont liés à l’effet nocebo.

 

Texte rédigé avec le soutien de Didier Bouhassira, neurologue, directeur de l’unité Inserm Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur, Hôpital Ambroise-Paré

 et Mathieu Molimard, service de Pharmacologie médicale, CHU de Bordeaux ; unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux

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