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Le CBD, des vertus thérapeutiques miracles, vraiment ?

  Jusqu’ici moins médiatisé que le THC, principale molécule psychoactive du cannabis, le cannabidiol (CBD) est désormais partout. Boutiques dédiées à la vente de produits à base de cannabis et riches en CBD, tisanes préparées pour lutter contre l’insomnie ou encore huiles à ingérer contre l’anxiété et fleurs séchées de cannabis à fumer ou vaporiser… […]

Le 11 Oct 2021 | Par INSERM (Salle de presse)

feuille de cannabis

Feuille de cannabis © Esteban Lopez on Unsplash

 

Jusqu’ici moins médiatisé que le THC, principale molécule psychoactive du cannabis, le cannabidiol (CBD) est désormais partout. Boutiques dédiées à la vente de produits à base de cannabis et riches en CBD, tisanes préparées pour lutter contre l’insomnie ou encore huiles à ingérer contre l’anxiété et fleurs séchées de cannabis à fumer ou vaporiser… De nombreux produits très variés sont aujourd’hui disponibles sur le marché.

Alors que la France vient de lancer une expérimentation relative au cannabis à usage médical (avec des produits composés à la fois de THC et de CBD) et que l’engouement pour les produits à base de CBD ne cesse de se confirmer, il semble pertinent de se pencher sur ce que dit la science à l’heure actuelle.

Que montrent réellement les données scientifiques publiées à ce jour ? Le CBD peut-il vraiment être utile dans le traitement de troubles variés, des douleurs chroniques en passant par les problèmes de sommeil ou encore de santé mentale ? Face à l’intérêt croissant du public pour ces questions, Canal Détox se penche sur le sujet, en s’intéressant à ce qui se cache derrière ce nom scientifique et aux effets du CBD sur certains troubles ayant fait l’objet de recherches.

CBD, THC : quelques repères

Le cannabis (ou chanvre) est une plante originaire des régions équatoriales. Plusieurs espèces existent. Celles consommées pour leurs propriétés psychotropes, c’est-à-dire capables de modifier le fonctionnement de notre système nerveux central, sont issues de la famille Cannabis sativa. Près de 500 composés de la plante sont connus, dont une soixantaine de cannabinoïdes.

Le principal composé psychoactif du cannabis est le cannabinoïde tétrahydrocannabinol (ce que l’on appelle communément THC). Le cannabidiol (CBD) est également présent en grande quantité dans la plante, et n’est pas réglementairement classé comme psychotrope bien qu’il présente aussi des effets psychoactifs via une interaction avec le système sérotoninergique. Cela expliquerait d’ailleurs l’effet « apaisant » mis en avant par les vendeurs pour aider les personnes atteintes d’anxiété, de difficultés de sommeil mais aussi de douleurs chroniques.

Notons que les produits proposés dans le commerce et vendus sous l’étiquette CBD se présentent sous la forme d’extraits naturels de fleurs ou de fleurs entières de cannabis. Ils contiennent principalement du CBD mais toujours aussi un peu de THC (même si celui-ci est parfois présent en des quantités infimes). On réduit cela à des « produits CBD » dans le langage courant mais cela ne traduit pas la réalité et la complexité de la composition des produits vendus et consommés[1].

Depuis une dizaine d’années, l’intérêt de la communauté scientifique pour le CBD va croissant, cette molécule étant suspectée d’être impliquée dans certains des effets thérapeutiques potentiels du cannabis. Cependant, la plupart des données disponibles à ce jour proviennent non pas de larges essais cliniques rigoureux, mais de la reconnaissance par les scientifiques que le CBD pourrait agir sur de nombreuses cibles biologiques dans l’organisme.

 

Épilepsie sévère chez l’enfant

C’est un documentaire de la chaîne américaine CNN qui a mis le CBD sous le feu des projecteurs pour la première fois, en 2013. Le film racontait l’histoire de Charlotte, une fillette atteinte du syndrome de Dravet, une rare forme d’épilepsie. En l’absence de traitement efficace face aux centaines de crises dont elle souffrait chaque semaine, ces parents se sont tournés vers une solution alternative : une huile de cannabis particulièrement riche en CBD.

Aujourd’hui, si la consommation de cannabis à visée thérapeutique est autorisée dans de nombreux pays, le seul traitement pharmacologique à base de CBD ayant été rigoureusement testé dans des essais cliniques aux États-Unis et ayant reçu une autorisation de la FDA est l’Epidiolex, indiqué dans le traitement des crises d’épilepsie pédiatrique.

En France, la HAS s’est prononcée en faveur de son remboursement uniquement lorsqu’il est prescrit dans le cadre des crises d’épilepsie associées au syndrome Dravet ou de Lennox-Gastaut chez les personnes âgées de plus de deux ans et sous surveillance médicale.

 

Douleurs chroniques, anxiété… des troubles variés mais peu de données

Au-delà de l’épilepsie, le CBD est utilisé largement en automédication pour toute une série de troubles. C’est notamment la crise des opioïdes aux États-Unis et en Europe qui a contribué à renouveler l’intérêt pour cette molécule. Face à l’ampleur du problème, des chercheurs ont en effet travaillé pour identifier des solutions alternatives pour soulager les patients atteints de douleurs chroniques. Dans ce contexte, le cannabis thérapeutique a régulièrement été présenté comme un traitement potentiellement efficace et non addictif, et le CBD, molécule considérée comme ayant moins d’effets indésirables que le THC, a particulièrement été mis en avant.

Mais le CBD est aussi régulièrement utilisé par de nombreux individus pour réduire le stress et l’anxiété, pour aider les patients en oncologie à mieux supporter la chimiothérapie ou encore pour aider les personnes qui souffrent de troubles du sommeil.

Pour quelles raisons les usagers ont-ils recours au CBD en automédication ?

Pour souligner la diversité des troubles pour lesquels le CBD est utilisé par les consommateurs, on peut citer une étude parue dans JAMA Open Network en 2020 qui s’est ainsi intéressée aux raisons le plus fréquemment citées par ceux qui en prennent en automédication.

Plus de 300 témoignages ont ainsi été passés à la loupe. Résultat : plus de 63 % des internautes considérés dans l’étude rapportaient un usage du CBD pour soulager des symptômes liés à l’anxiété, la dépression ou des troubles du spectre autistique. Plus de 26 % d’entre eux l’utilisaient pour lutter contre des douleurs orthopédiques et près de 15 % pour améliorer leur sommeil.

Les études permettant d’affirmer l’efficacité de la molécule dans ces différents contextes sont pourtant rares et souvent méthodologiquement limitées. Ainsi, il n’existe pas encore, contrairement à l’épilepsie, de grands essais rigoureux comparant le CBD à un placebo dans de larges échantillons de patients.

Par ailleurs, la plupart des travaux menés dans le champ médical s’intéressent au « cannabis thérapeutique » sans faire la distinction entre ses différents composés. Il est donc parfois difficile de déterminer quels effets peuvent réellement être attribués au CBD, d’autant que les mécanismes d’action de cette molécule sont encore mal connus. Ses vertus thérapeutiques sont en réalité supposées à partir de mécanismes pharmacologiques et de résultats d’études précliniques. Il faudra donc encore quelques années avant que des essais de grande ampleur ne permettent de répondre à la question de son utilité clinique dans la gestion de la douleur et des maladies psychiatriques.

Et au-delà de l’efficacité, des questions subsistent sur la sécurité des produits riches en CBD, même si les personnes qui les commercialisent avancent que la molécule est sûre et n’a pas montré jusque-là un potentiel de dépendance entraînant des consommations abusives, contrairement aux produits riches en THC.

Parmi les effets indésirables qui ont été documentés, on retrouve surtout la somnolence, la baisse de l’appétit, les troubles digestifs, la fièvre, la fatigue et les vomissements.

En l’absence d’une plus ample connaissance des différents mécanismes biologiques ou de données concluantes issues d’essais cliniques, la prudence reste donc de mise concernant la consommation de CBD en automédication. D’autant que les dosages de produits à base de CBD ne sont pas standardisés et que certains d’entre eux peuvent entrer en interaction avec d’autres médicaments prescrits aux individus, annuler leurs effets ou ralentir leur élimination. On peut également souligner que la prise de ces produits augmente le risque de positivité à un contrôle routier du fait de la présence systématique de THC, surtout en cas de d’usage régulier.

 

[1] Ces produits peuvent contenir d’autres phytocannabinoïdes et des terpènes (une classe d’hydrocarbures), dans des proportions variables selon la variété de cannabis utilisée et le mode d’extraction. Il n’existe pas de seuil minimal concernant les quantités de CBD pour qu’un produit soit considéré « riche en CBD ». 

Texte rédigé avec Nicolas Authier, médecin psychiatre, spécialisé en pharmacologie et addictologie et chercheur au sein de l’unité U1107 NEURO-DOL (Inserm/Université Clermont Auvergne).

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