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Les vaccins à ARNm susceptibles de modifier notre génome, vraiment ?

      Les premiers vaccins autorisés contre la Covid-19 sont des « vaccins à acides nucléiques » qui reposent sur la technologie de l’ARN messager. Arrivés sur le marché en seulement un an, ces nouveaux vaccins, qui ouvrent des pistes pour la vaccination dans d’autres domaines de la médecine, ont aussi suscité des craintes et des […]

Le 06 Déc 2021 | Par INSERM (Salle de presse)

 

Cette photo représente le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 observé en gros plan à la surface d’une cellule épithéliale respiratoire humaine. Sa double membrane et sa couronne de glycoprotéines sont bien visibles. © M.Rosa-Calatrava/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

 

Article actualisé le 6 décembre 2021 à l’aide des données scientifiques dont nous disposons à ce jour.

Cet article a été publié le 14 décembre 2020. Il est susceptible d’évoluer au fur et à mesure que de nouvelles données émergent.

 

Les premiers vaccins autorisés contre la Covid-19 sont des « vaccins à acides nucléiques » qui reposent sur la technologie de l’ARN messager. Arrivés sur le marché en seulement un an, ces nouveaux vaccins, qui ouvrent des pistes pour la vaccination dans d’autres domaines de la médecine, ont aussi suscité des craintes et des questions au sein de la population.

Sur quoi se fonde cette technique ? Comment expliquer la rapidité de développement de ces vaccins ? Quels sont leurs avantages et leurs limites ? Pour couper court aux fausses infos et répondre aux interrogations, Canal Détox fait le tour de la question.

 

 

Le principe de la vaccination est simple : il consiste à injecter une forme atténuée ou inactivée d’un agent infectieux ou certains de ses composants dans l’organisme pour le préparer à un contact ultérieur avec un virus. La rencontre de l’organisme avec l’agent pathogène lors de la vaccination permet en effet de développer des cellules immunitaires « mémoires », capables de reconnaître à nouveau immédiatement cet agent si l’individu venait à y être exposé « naturellement ». L’objectif est de déclencher une réaction immunitaire permettant d’éviter une possible contamination dans le futur.

Rigoureusement testés pour valider leur efficacité et leur sûreté, les vaccins sont développés dans le but de protéger les personnes contre certaines maladies virales tout en leur évitant au maximum les effets indésirables liés à l’administration de ces produits.

Un « leurre » pour le système immunitaire

Le principe des vaccins à acides nucléiques (vaccins à ARN ou à ADN)[1] est un peu différent de celui expliqué précédemment, même si l’idée de base est bien également de confronter le système immunitaire à un « leurre » pour le pousser à développer des anticorps et des cellules immunitaires mémoires contre le virus.

Néanmoins, dans le cas de ces nouveaux vaccins, il s’agit de faire produire les fragments d’agents infectieux directement par les cellules de l’individu vacciné. Pour cela, ce n’est pas le virus dans sa forme atténuée qui est injecté mais seulement l’information, sous la forme de molécules d’ADN ou d’ARN, permettant de produire les antigènes (protéines) de l’agent pathogène.

Les cellules de la personne vaccinée localisées au niveau du site d’injection (principalement les cellules du système immunitaire) sont alors en mesure de fabriquer elles-mêmes lesdites protéines, choisies en amont pour leur capacité à déclencher une réponse immunitaire protective capable de neutraliser le virus.

Le candidat vaccin de Pfizer/BioNTech comme celui de Moderna sont des vaccins à ARN. Ils reposent sur l’injection d’un ARN messager codant la protéine Spike présente à la surface du coronavirus SARS-CoV-2 (qui constitue la « clé » permettant au virus de s’accrocher aux cellules puis d’y pénétrer et de les infecter).

Des avantages en période pandémique

Parmi les avantages associés aux vaccins à ARN, on compte notamment leur rapidité de développement. En effet, une grande partie du processus de développement et de manufacture des vaccins traditionnels se trouve éliminée. Il est par exemple possible d’éviter tout le travail de production des virus vivants atténués, inactivés ou recombinants à injecter aux patients ou encore de purification des protéines virales. En outre, les molécules d’ARN sont produites synthétiquement de manière très contrôlée et très rapide.

Par ailleurs, la vitesse de circulation du virus dans la population pendant la pandémie et les efforts fournis par les agences réglementaires pour raccourcir les délais lors des essais cliniques ont permis d’obtenir plus rapidement des résultats d’efficacité, contribuant à expliquer ce délai de mise au point extraordinairement court des vaccins anti-Covid.

Enfin, jamais les fonds attribués à ce type de recherche vaccinale n’avaient été aussi élevés, et ces financements ont donné à la communauté scientifique des moyens qu’ils n’avaient pas jusqu’alors pour mener des essais cliniques aussi rapidement et efficacement.

Au-delà de la rapidité de développement, les vaccins à ARN présentent un intérêt certain car il est très facile et rapide de les modifier et de les adapter pour d’autres maladies, ou pour des variants du SARS-CoV-2. Il suffit en effet de modifier la séquence génétique codée par l’ARN.

Cette nouvelle technologie vaccinale devrait désormais permettre de réagir plus vite en période pandémique et pourra facilement être adaptée lors de futures éventuelles épidémies.

Pas de risque pour notre matériel génétique

Il est néanmoins légitime que cette technologie vaccinale, du fait de sa relative nouveauté pour le grand public, suscite des questions. Il faut cependant déjà souligner que les vaccins à acides nucléiques sont étudiés depuis trente ans dans les laboratoires de recherche et que la technologie est bien connue et bien maîtrisée par les scientifiques. Si aucun vaccin de ce type n’était encore arrivé sur le marché jusqu’ici, des études précliniques et des essais cliniques de phases précoces avaient déjà été menés pour d’autres maladies, comme Zika, avec des résultats prometteurs. La plateforme vaccinale[2] était donc déjà développée, et prête à être adaptée au SARS-CoV-2 et déployée dans le cadre d’un essai clinique.

Des inquiétudes ont été soulevées concernant les effets secondaires à long terme encore mal documentés de ces vaccins. Il faut dans un premier temps souligner que les personnes qui ont été vaccinées dès le début des campagnes vaccinales ont été suivies de près par les médecins pour répertorier tout effet indésirable qui pouvait se produire.

Aujourd’hui la plupart des effets indésirables graves documentés concernent des allergies et des cas de myocardites qui peuvent être bien pris en charge par les médecins. Si pour le moment il n’y a pas de recul au-delà d’un an et demi, il faut aussi savoir que les effets secondaires des vaccins apparaissent généralement dans les semaines qui suivent l’injection, et qu’il n’y a pas à craindre le développement d’effets secondaires à plus long terme.

Par ailleurs, il est important de préciser que l’ARN injecté via le vaccin contre la Covid n’a aucun risque de transformer notre génome ou d’être transmis à notre descendance, dans la mesure où il pénètre dans le cytoplasme des cellules, mais pas dans le noyau. Cette donnée est confirmée par 30 ans de recherche plus générale en laboratoire sur les vaccins à acides nucléiques, qui confirment que les molécules d’ARN du vaccin ne se retrouvent jamais dans le noyau. Or, c’est dans ce noyau cellulaire que se situe notre matériel génétique. Même après l’injection du vaccin, lors de la division cellulaire, les noyaux continuent à ne contenir que notre ADN humain naturel.

Par ailleurs, l’injection est locale et les cellules qui reçoivent l’ARN codant la protéine Spike sont principalement des cellules immunitaires: en aucun cas l’ARN ne va jusqu’aux cellules des organes reproducteurs (les gonades). Il ne peut donc pas être transmis d’une génération à l’autre. 

Enfin, l’ARN étranger injecté est instable et ne reste donc pas longtemps dans l’organisme : il produit juste ce qu’il faut de protéine Spike pour entraîner le système immunitaire à réagir en cas d’infection « naturelle » par le virus, avant d’être éliminé.

Texte rédigé avec le soutien de Frédéric Martinon, chercheur Inserm, U1184 IMMUNOLOGIE DES MALADIES VIRALES, AUTO-IMMUNES, HEMATOLOGIQUES ET BACTERIENNES (IMVA-HB)

[1] L’ADN et l’ARN sont des molécules présentes dans toutes les cellules des êtres vivants. Les molécules d’ADN sont porteuses du patrimoine génétique, situé à l’intérieur du noyau. Les molécules d’ARN sont synthétisées à partir de fragments d’ADN et sont ensuite utilisées comme patron par une machinerie complexe pour fabriquer, à l’extérieur du noyau, les protéines nécessaires au fonctionnement de l’organisme.

[2] Par plateforme vaccinale, on entend une stratégie particulière de production et de présentation d’un antigène (la protéine Spike dans le cas du SARS-CoV-2) au système immunitaire.

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